SOCIÉTÉ REENOVA, UNE RÉPUTATION SULFUREUSE

COMMUNIQUÊ

PROJET D’EXPLOITATION DE TERRES RARES DANS LA PRESQU’ILE D’AMPASINDAVA, DISTRICT D’AMBANJA : CE QU’IL FAUT SAVOIR SUR LA RÉPUTATION SULFUREUSE DE LA SOCIÉTÉ REENOVA INVESTMENT HOLDING LIMITED AU NIVEAU INTERNATIONAL

Dans le cadre de notre appui aux communautés locales affectées par le projet minier d’exploitation de terres rares de la Reenova Rare Earth Malagasy (RREM) (1) dans le district d’Ambanja, nous réitérons notre appel à l’Etat Malagasy pour mettre fin à ce projet minier.

En effet, outre ses effets dévastateurs sur l’écosystème et sur les droits fondamentaux des populations concernées, nous attirons l’attention des autorités et de l’ensemble de la population Malagasy sur le manque de crédibilité et la réputation douteuse de cette société à plusieurs égards.

SITUATION FINANCIÈRE

Les opérations de marché (trading) de cette société ont été suspendues en novembre 2020, en raison de son incapacité à démontrer aux responsables de la Bourse de Singapour qu’elle était suffisamment stable financièrement pour poursuivre ses activités (2).

Pour retrouver sa santé financière, la société RREM semble compter sur un financement qui, selon elle, proviendra d’acheteurs potentiels pendant la production pilote sur le site d’Ampasindava, par le biais de dépôts sur la production (3) En effet, tel qu’exposé dans ce document qu’elle a produit à l’intention de la Bourse de Singapour le 19 octobre 2020, la société explique que jusqu’à six tonnes d’échantillons d’oxydes de terres rares seront produits dans les quatre mois suivant le début de la production pilote, mais qu’elle vise à produire entre 300 et 800 tonnes d’oxydes de terres rares pendant la phase pilote, en attendant d’obtenir son permis d’exploitation, jouant sur le fait que la législation Malagasy n’impose aucune limite en termes de quantité dans le cadre de cette phase (4). De plus, toujours d’après ce document, elle prévoit implicitement de vendre ces produits, faisant fi de la loi malagasy interdisant la commercialisation des minéraux extraits dans le cadre des permis de recherche.

ABUS DES DROITS DE L’HOMME ET INCIDENCES GRAVES SUR L’ENVIRONNEMENT

RREM vient de signer des contrats de coopération avec deux sociétés chinoises dont les réputations devraient interpeller les autorités Malagasy, car elle renforce le scepticisme et la méfiance concernant toutes les promesses que cette société pourrait faire en matière de conformité et de respect des principes et normes en matière de droits humains et de préservation de l’environnement en vue d’obtenir son permis d’exploitation. Les deux sociétés chinoises susmentionnées sont les suivantes :

– La China Non-Ferrous

C’est une filiale de la société d’Etat chinoise China Nonferrous Metal Mining Group Company Limited, qui est responsable de la mort d’au moins 46 personnes en 2005, suite à une explosion dans sa mine de cuivre en Zambie (5). Cette explosion a été considérée à l’époque comme la pire catastrophe industrielle de l’histoire du pays (6), outre d’autres abus des droits de l’homme perpétrés par cette société qui ont été rapportés par la population. Cette société est également responsable d’avoir détruit les terres arables et restreint la circulation des personnes vivant à proximité de son projet d’exploitation de cuivre et de cobalt en République Démocratique du Congo , limitant ainsi leurs activités économiques, et leur approvisionnement en eau potable, avec des impacts graves sur leurs moyens de subsistance (7).

– La Sinosteel Epoch (Beijing) International Trading Co., Ltd

C’est une filiale de Sinosteel Group Corporation Limited, désormais détenue par Baowu Steel, qui appartient également à l’État chinois. Cette société s’est vu infliger des amendes en Chine pour pollution environnementale après l’introduction de ruissellements acides dans les cours d’eau et le sol à proximité de l’une de ses usines (8). L’organisme de réglementation a par ailleurs constaté que l’entreprise était consciente de ces activités polluantes et qu’elle tentait de les dissimuler (9). Cette société a aussi été la promotrice de la centrale électrique au charbon de Botum Sakor au Cambodge, qui a déplacé près de 60 familles, menacé les moyens de subsistance et la santé de la population locale et contribué à la dégradation de l’environnement (10). ‘Même si cette société a par la suite engagé des démarches pour redorer son image en matière de droits de l’homme, il n’en reste pas moins qu’elle a été impliquée dans des projets problématiques et dévastateurs.

CORRUPTION ET MALVERSATIONS FINANCIÈRES POTENTIELLES

La société RREM fait l’objet de deux enquêtes en cours menées par le département des affaires commerciales de la police de Singapour pour des infractions à la loi sur les valeurs mobilières et les contrats à terme, l’une ayant débuté en 2014 e la seconde en décembre 2016 (11). L’une de ces affaires implique M. John Soh Chee Wen, accusé d’être l’un des cerveaux du krach boursier de Singapour de 2013 qui a fait disparaître 6,04 milliards de dollars (US$8 milliards) de la bourse de Singapour (12). Il fait l’objet d’une enquête des autorités pour avoir manipulé le cours de l’action d’ISR Capital (l’ancien nom de Reenova Investment Holding Limited) (13) et s’être impliqué dans la gestion des affaires de la société.
Les enquêteurs ont découvert que des comptes de trading liés à M. John Soh Chee Wen étaient impliqués dans la montée en flèche de 2 800 % des actions d’ISR entre mai et novembre 2016 (14). La même année, deux rapports ont évalué le projet d’exploitation de terres rares à Madagascar à plus d’un milliard de dollars (15) mais tous deux ont été jugés non valables par la Bourse de Singapour. Une troisième évaluation en 2017 a révélé que le projet n’était évalué qu’à 48 millions de dollars (16).La co-conspiratrice présumée de M. John Soh Chee Wen était PDG d’ISR Capital de 2011 à 2017, à l’époque de la manipulation présumée des actions (17).
Tous ces faits indiquent que la société RREM n’est en aucun cas un investisseur fiable qui pourrait réellement contribuer au développement de Madagascar. Nous exhortons ainsi l’Etat Malagasy à :

(i) Respecter les droits humains de la population Malagasy, en reconnaissant en l’occurrence sa souveraineté sur ses ressources naturelles et son « Droit de dire Non » à ce projet qui portera indéniablement atteinte à ses droits fondamentaux ;

(ii) Protéger les droits humains de la population Malagasy, en empêchant des tiers comme la société RREM, de nuire à l’écosystème naturel du pays et de porter atteinte aux droits de sa population, et par conséquent, d’interdire la conduite des essais pilotes préconisés par cette société, et de lui refuser officiellement l’octroi d’un permis d’exploitation ;
(iii) Et enfin, de donner effet aux droits humains de la population Malagasy, à travers le choix délibéré d’une politique de développement économique détachée du système extractiviste dominant, et guidée par les principes du développement durable, notamment en adoptant comme alternative systématique, la promotion des investissements écologiquement et socialement responsables.

Antananarivo le 10 août 2021

* CRAAD-OI : Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement Océan Indien
* Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY


(1) NI ESSAIS PILOTES, NI PERMIS D’EXPLOITATION ! La presqu’île d’Ampasindava et ses environs ne doivent pas être sacrifiés pour l’exploitation des terres rares – Action Network

(2) https://links.sgx.com/1.0.0/corporate-announcements/45YM0JXUFSPAN3KY/8807631a8ee9c5b7cb731e3ca21b54c7001d42f7a101aecd1d32be31df9c9161

(3) Response to SGX queries, Pages 4-5 https://reenovagroup.listedcompany.com/newsroom/20201019_204159_5EC_2EN8X6B3PXOECNUG.1.pdf

(4) Ibid, pages 4-5-8

(5) https://www.nytimes.com/2005/04/21/world/africa/blast-kills-46-at-a-copper-mine-in-zambia.html

(6) https://www.wsj.com/articles/SB117036261569895256

(7) http://congomines.org/system/attachments/assets/000/001/531/original/CNMC_english.pdf?1542796145

(8)https://sg.news.yahoo.com/brief-sinosteel-anhui-tianyuan-techs-095033800.html

(9)http://static.cninfo.com.cn/finalpage/2019-08-13/1206515397.PDF

(10) https://thepeoplesmap.net/project/botum-sakor-coal-power-plant/

(11) Reenova Investment, “Annual Report 2020”, pg. 34, Accessed May 25, 2021. https://links.sgx.com/FileOpen/RIHL%20-%20Annual%20Report%20FY2020.ashx?App=Announcement&FileID=660575

(12) The Straits Times, “Duo fail in bid to stay criminal trial for their role in 2013 penny stock crash”, September 9, 2020. https://www.straitstimes.com/business/companies-markets/john-soh-and-quah-su-ling-fail-in-bid-to-stay-criminal-trial-for-their

(13) The Straits Times, “OCBC Securities remisier ‘comes clean’ after lying to CAD, testifies against John Soh, Quah Su- Ling”, March 27, 2019. https://www.straitstimes.com/business/ocbc-securities-remisier-comes-clean-after-lying-to-cad-testifies-against-john-soh-quah-su

(14) The Straits Times, “SGX slaps ‘trade with caution’ warning on ISR Capital”, March 2, 2017. https://www.straitstimes.com/business/companies-markets/sgx-slaps-trade-with-caution-warning-on-isr-capital

(15) Market Screener, “Press Release: Second Independent Report Values Madagascar Rare Earth Mine at US$1.11 Billion”, October 23, 2016. https://www.marketscreener.com/quote/stock/REENOVA-INVESTMENT-HOLDIN-6811583/news/Press-Release-Second-Independent-Report-Values-Madagascar-Rare-Earth-Mine-at-US-1-11-Billion-23260338/

(16) The Edge Singapore, “Insider Moves”, February 10, 2020. https://www.pressreader.com/singapore/the-edge-singapore/20200210/281603832466931

(17) The Edge Markets, “Prosecutors ask court to bar former ISR CEO and husband from penny stock crash trial”, March 27, 2019. https://www.theedgemarkets.com/article/prosecutors-ask-court-bar-former-isr-ceo-and-husband-penny-stock-crash-trial