Sultana préside la Ligue pour la défense des droits de l’Homme et contre le pillage des ressources naturelles à Boujdour. Interrogée par Equipe Media sur les suites de la tentative des militaires marocains de construire un mur pour bloquer la porte de sa maison, Sultana Khaya, militante sahraouie pour l’indépendance du Sahara Occidental a donné une réponse qui atteste de sa détermination et de son grand courage.
Malgré les murs, Sultana Khaya dénonce les projets éoliens de l’occupation*
« L’interdiction que je vis depuis plus d’un an de sortir de ma maison est anecdotique. C’est la preuve de l’impuissance du Maroc face au droit à la justice que je défends.
Ce qui est important et que j’affirme très clairement c’est que des mesures doivent être prises pour que cesse le pillage des ressources naturelles renouvelables ou non de mon pays, le Sahara Occidental. Les profits servent économiquement et politiquement à l’occupation et à ses mesures répressives.
À 7 kilomètres de la ville de Boujdour où j’habite, l’occupant marocain construit un parc de 300 MW de production d’énergie avec des éoliennes. Les interlocuteurs sont le gouvernement marocain et non celui du Sahara Occidental. Les constructeurs sont le groupe marocain Nareva Holding, l’entreprise allemande Siemens et l’italienne Enel Green Power. La compagnie maritime qui transporte les éléments des éoliennes est la compagnie allemande Briese Schiffahrts.
Ce parc éolien s’installe sans la consultation ni le consentement de notre peuple. Et nous ne sommes pas d’accord.
Les entreprises étrangères sont ici, comme ailleurs au Sahara Occidental, engagées dans un projet qui, en trahissant les vertus écologiques de la production d’énergie à source renouvelable, ne fait que compliquer notre accès à l’inéluctable indépendance de notre pays.
Les Européens, plus particulièrement les français, les Allemands et les Espagnols, doivent respecter les décisions de la justice européenne et internationale, et partir de chez nous.
Le pillage du Sahara Occidental par le Maroc et ses complices doit cesser pour que puisse advenir l’indépendance de notre pays, et se construire notre avenir libre. »
C’est le 21 février 2022 que les forces d’occupation marocaines ont tenté de bloquer la porte d’entrée de la famille Khaya avec du ciment et des parpaings afin de les empêcher de sortir et protester contre la colonisation.
Le 13 février, informées de la venue de l’organisation publique marocaine des droits de l’homme le CNDH (Conseil national des droits de l’homme), les forces militaires avaient levé le siège de la maison de Sultana Khaya. Celle-ci, vêtue d’une melhfa aux couleurs de la République Sahraouie était alors immédiatement sortie avec le drapeau de sa République pour protester contre l’occupation et appeler la population à la rejoindre.
Néanmoins, les forces policières et paramilitaires n’étaient pas loin et les premiers arrivés se sont fait attaquer devant la maison. Cheikh El Hella Khaya, Rabab Khaya, Zainabou Babi, Waana Khaya, Ahmed Bahi et Fatma El Hafidi ont été blessés.
Le 14 février, la délégation du CNDH s’est heurtée au refus de Sultana Khaya de les rencontrer, la militante expliquant qu’elle ne reconnaissait pas la légitimité des instances d’une puissance occupante. Elle avait plutôt scandé depuis la fenêtre de sa maison des slogans pour l’indépendance et la liberté du peuple sahraoui.
Pour rappel, depuis le 19 novembre 2020, Sultana Khaya, sa mère Matou Khaya et sa sur El Waara sont assignées à résidence, arbitrairement confinées chez elles sans électricité ni eau courante. Seule Matou Khaya, 85 ans, a le droit de sortir pour aller faire les courses sous la surveillance constante des policiers. Les téléphones sont chargés chez les voisins, qui conservent aussi au frais les denrées alimentaires des trois femmes.
Les seules personnes autorisées à les visiter sont leur famille, soit la sur Salha et le frère El Mahfoud.
La maison a été régulièrement envahie par les militaires marocains qui ont alterné les actes de violence sur les femmes et sur le mobilier (destruction du mobilier, projection de skunk -eau de moufette- sur les murs).
À la résistance des femmes ont répondu le harcèlement sexuel des deux surs (10 mai 2021) et le viol d’El Waara (12 mai 2021) et de Sultana (les 5 et 15 novembre 2021). Les 5 et 8 novembre 2021, alors qu’elle se débattait contre la violence des hommes, les forces militaires ont injecté à Sultana une substance qui lui a fait perdre conscience immédiatement.
Equipe Media, le 27 février 2022
El Aaiun, Sahara Occidental occupé