Réponse du Parti Communiste Français aux questions posées par l’AFASPA à l’occasion des élections législatives

Le Parti Communiste Français nous a transmis ses réponses aux questions posées sur la politique que leurs députés défendront à l’Assemblée Nationale.


1° Mettrez-vous fin à l’application du « pacte colonial », c’est-à-dire l’ingérence politique, économique et militaire française en Afrique qui conduit et renforce la faillite des Etats africains dans leurs responsabilités et celle des peuples dans leur souveraineté ? Que comptez vous faire du Franc CFA dont la gestion, l’émission, la convertibilité-parité avec l’Euro est assurée par la Banque de France et la Caisse des dépôts et consignations et donc relève toujours du droit régalien de la France depuis 1945-46?

La France a une dette considérable envers l’Afrique. La colonisation, la politique néocoloniale menée depuis les années 60 par l’Etat français, les crimes de sang et crimes économiques massifs ont empêché les Etats de construire des réponses endogènes, privant les peuples d’une véritable souveraineté. La faillite des Etats est l’aboutissement de ce processus ; elle est liée aux stratégies de l’endettement, de l’ajustement structurel et des multiples déstabilisations militaires (coups d’Etat, interventions extérieures…) et économiques.
Ces logiques pernicieuses de dominations visent à obliger les économies africaines à se fondre dans la mondialisation capitaliste. Aucune marge de manœuvre, aucune alternative n’est autorisée sans qu’elle se heurte à des menaces et à des « reprises en main ».

Les conséquences sont catastrophiques pour les peuples : paupérisation, chômage, malnutrition, exodes, migrations, guerres, violations des droits humains, atteintes à l’environnement…

Le franc CFA constitue le socle de cette domination pour les 15 pays des zones francs, qui ne sont pas libres de la gestion de leur politique économique et monétaire, domaine pourtant constitutif de la souveraineté d’un État. La majorité des échanges commerciaux ne se fait pas entre pays utilisant le franc, mais en direction de l’Union européenne, de la Chine ou des États-Unis. Monnaie forte, le CFA est inadapté aux réalités des pays africains. Son arrimage à l’euro sert avant tout les « partenaires » européen et français, singulièrement leurs transnationales. Il facilite l’évasion illicite des capitaux et entretient une économie extravertie. Un tel système financier, au service des intérêts économiques et politiques de la France, ne peut pas être le vecteur de l’autonomie monétaire et du développement.

Les APE (Accords de partenariat économique) imposés par l’Union européenne vont renforcer le libre-échange dans un contexte d’asymétrie, c’est-à-dire ouvrir en grand les marchés africains au profit de la loi du plus fort. Ils vont aggraver le désarmement tarifaire (baisse des droits de douane). Couplés à la monnaie forte que constitue le CFA, ils sont un frein à la nécessaire industrialisation des pays.

Le changement de paradigme dans la nature des relations entre la France et le continent africain s’impose devant les défis, les obstacles et les dangers qui s’amoncellent. C’est une nécessité, une urgence absolue pour nos peuples respectifs.

Les parlementaires Communistes/Front de gauche ont été les relais des luttes des organisations politiques et citoyennes africaines engagées pour la paix, contre l’oppression, pour les droits sociaux. Ils ont pris part à l’émergence du débat sur le Franc CFA et plaident en faveur d’un véritable débat démocratique sur cet enjeu. La perspective du dépassement du Franc CFA pour aller vers la création d’une monnaie commune n’est pas un sujet ex-nihilo. Il intègre l’ensemble des débats sur les choix politiques et économiques à opérer pour une alternative de transformation sociale. Les peuples d’Afrique et d’Europe subissent des politiques libérales similaires – avec certes des conséquences propres à chaque continent. Il s’agit ensemble de construire des réflexions et des réponses communes, pour une alternative de progrès à gauche.

2° Comptez-vous rendre transparentes les relations entre la France et l’Afrique et redonner au Parlement français le rôle qui lui revient en la matière ?

Sur ce sujet comme sur d’autres, la place et le rôle du Parlement français sont affaiblis au profit d’une prédominance de l’exécutif.

La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié l’article 35 de la Constitution française en instituant une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les OPEX. Cette réforme a été présentée comme une avancée alors qu’elle ne permet en rien un contrôle parlementaire au moment du déclenchement d’une OPEX. Ce n’est qu’au-delà de 4 mois que la prolongation des opérations extérieures est soumise à une autorisation parlementaire. Dès lors qu’une OPEX est déclenchée, les parlementaires sont soumis à de fortes pressions pour donner leur aval et ne pas apparaitre comme se désolidarisant de leur armée envoyée en OPEX.
Il faut au contraire renforcer en amont le Parlement qui doit pouvoir être informé, débattre et se prononcer en faveur ou non du déclenchement d’une expédition militaire au lieu d’être mis devant le fait accompli comme une chambre d’enregistrement.

3° Dans le cadre d’une coopération d’intérêts réciproques, mettrez-vous fin aux partenariats économiques dédiés à la recherche d’influence dans les anciennes colonies françaises ainsi qu’à l’intervention économique prédatrice d’entreprises privées françaises ou d’élites africaines locales, notamment dans l’accaparement des terres ? Comptez-vous associer aux discussions bilatérales les éléments des sociétés civiles africaines et françaises et sous quelles formes ?

En Afrique, la mondialisation de la pauvreté, de l’injustice et des inégalités est une réalité très prégnante. Les forces néolibérales exploitent l’opportunité offerte par les crises pour renforcer leur emprise économique sur les pays à travers le continent, de façon à modifier la vie économique, sociale et politique de ces pays suivant leurs propres intérêts particuliers. Cela est illustré, entre autres, par l’appel pressant à la privatisation et à la déréglementation des économies, et les relations commerciales inégales et persistantes, toutes choses qui exacerbent le sous-développement et l’exploitation des richesses du sol et du sous-sol des pays en développement et de leurs peuples. Les pauvres d’Afrique sont confrontés à l’occupation, au manque de liberté et d’une véritable démocratie et à d’autres violations des droits humains, à la corruption générale, au despotisme, à la violence, au caporalisme et au pillage perpétré par les multinationales et leurs suppôts locaux. Toutefois, ils continuent de mener des luttes héroïques de résistance. Le fardeau de la dette et le système financier injuste renforcent l’emprise néolibérale sur les économies africaines.

Depuis le début du 21ème siècle les acquisitions de terres ou land grapping (ou accaparement de terres) se multiplient dans l’Afrique subsaharienne. Des sociétés privées ou des institutions (entreprises de l’agro-industrie, fonds d’investissements, banques…), et du secteur public (fonds de pensions, entreprises publiques ou semi publiques), provenant de pays riches ou émergents achètent des terres dans des pays pauvres (souvent dépendant de l’aide humanitaire) pour les faire cultiver selon des logiques strictement productivistes et polluantes. Ces accaparements, qui peuvent prendre plusieurs formes (achat, location, concession…), sont menés par des acteurs qui bénéficient de l’appui politique et des incitations de leurs États d’origine. D’autre part, elle repose sur l’expropriation des communautés, qui est un problème de non-respect des droits traditionnels individuels.

Il s’agit de mettre un terme aux politiques incitatives à l’accaparement des terres et d’encourager les multiples acteurs qui se battent sur le continent pour développer une agriculture écologique, savante, vivrière de dimension humaine, créatrice d’emplois. Recherche, coopérations, transferts de compétence, formations, aides aux investissements agricoles dans cet objectif sont des priorités.

4° Comptez-vous mettre fin aux traités de libre-échange signés ou en cours de négociation dénommés « accords de partenariats économiques » qui imposent aux pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) une ouverture quasi-totale de leurs marchés aux produits en provenance des pays de l’Union européenne, aux conséquences désastreuses pour les économies de ces pays ?

L’Union européenne est engagée depuis plus de dix ans dans la négociation d’Accords de Partenariat Économique (APE) avec les Pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Ces accords qui visent la suppression des droits de douane pour trois quarts des produits européens sur les marchés africains, vont dérégler les marchés agricoles et au-delà les finances publiques de ces pays aux économies fragiles.
Malgré les pressions de la Commission européenne, les pays ACP ont jusqu’à présent, et grâce notamment à la mobilisation de la société civile, résisté en partie à une libéralisation qui menace leur agriculture, leur développement économique et social et les processus d’intégration régionale.

Dans ce contexte, la Commission européenne exerce des pressions, via la publication fuitée « d’actes délégués », sur les pays d’Afrique de l’Ouest afin qu’ils ratifient les APE (menaces d’augmentation des taxes sur les produits en provenance de pays africains). Par ses pressions la Commission européenne cherche à forcer les gouvernements à signer sans attendre le vote des parlements, privant ainsi les peuples du débat démocratique.

Le PCF dénonce les pratiques technocratiques de chantage de l’Union européenne sur les pays africains. Il demande que soit mis un terme à cet accord inique qui vise à la soumission de l’économie des pays africains. Avec le Parti de la Gauche Européenne, il appelle à l’ouverture de négociations avec les ACP, en vue de trouver des accords basés sur la solidarité et qui tiennent compte des intérêts bien compris des peuples.

5° Les productions africaines, y compris agro-alimentaires, sont directement concurrencées par des productions occidentales subventionnées. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour sauver ces pans de l’économie africaine, déjà en grande difficulté, qui sont dans cette configuration menacés d’effondrement ?

6° Comptez-vous instaurer des mécanismes de traçabilité des matières premières pour mettre fin au pillage illégal : or, terres rares, bois des forêts équatoriales, coltan, pétrole, patrimoine culturel… ?

Sur le continent africain comme en Europe, il y a plus que jamais besoin de multiplier les solidarités pour mener des luttes communes. Pour faire reculer les prétentions de ceux qui veulent imposer le libre-échange intégral. Le combat pour mettre en échec les APE doit s’amplifier.
Face au modèle libéral de croissance sans développement, il s’agit de repenser des relations permettant aux pays africains de réorienter les richesses vers la réponse aux besoins fondamentaux, pour que cessent les logiques extractivistes, les pillages destructeurs du sol et du sous-sol. Comme en témoignent le titre et le contenu du rapport commis par le Sénat français « Afrique, notre avenir », le continent est vu sous le prisme du dernier eldorado à conquérir, comme un gisement de croissance, de profits pour les intérêts français. Cette approche ne fait que perpétuer les dominations et broie toute perspective, en particulier pour une jeunesse frappée par le chômage et la pauvreté.
L’Afrique dispose de nombreux atouts pour réussir. Imaginer et développer de nouvelles relations respectueuses des choix des Africains est la seule issue favorable à nos peuples respectifs. Dans ces conditions, il ne s’agit plus de « conquérir des marchés » en ayant recours à la force, aux menaces, aux turpitudes de la françafrique. Il s’agit au contraire de travailler de concert à une stratégie de co-développement où l’Etat français, sa coopération, ses services publics, les entreprises, les acteurs de la coopération décentralisée, seraient mobilisés pour participer aux vastes chantiers nécessaires et attendus par les Africains en matière d’industrialisation, de production d’énergie, de sauts technologiques, de formation… La France et l’Union européenne auraient tout à y gagner. Les chantiers sont immenses et ils seraient bénéfiques pour la réponse aux besoins fondamentaux des peuples africains dans un contexte de transition écologique en Europe et en Afrique. En retour, ce serait par ricochet utile pour l’emploi, pour l’activité économique en France.

Ce changement complet de culture qu’il faut opérer, rompant avec le logiciel néocolonial et libéral, se situerait dans une stratégie de consolidation des Etats, des services publics.

Pour cela, l’Aide publique au développement, serait réorientée et fortement augmentée (rappelons que la France est passée du 2ème au 5ème rang des pays contributeurs en deux décennies). L’aide publique ne servirait plus de paravent de persuasion ou de conquête, avec retour sur investissements, au service des grandes entreprises françaises. Elle serait mobilisée pour cette stratégie ambitieuse de coopération.

7° Comptez-vous développer une Francophonie du partage et de l’échange culturel et social ou continuer à l’utiliser comme instrument de démantèlement des pluralités linguistiques et à lui faire défendre les intérêts géostratégiques de la France en Afrique ?

Les armes de domination ont de multiples visages, qu’elles soient militaires, monétaires, économiques, de corruption… L’hégémonie culturelle en fait partie. La Francophonie n’est pas neutre, elle est un levier politique qui a été souvent délaissée et abimée car souvent malintentionnée.
Il s’agit au contraire de prendre au mot la Francophonie en travaillant, réellement, à défendre, pour paraphraser l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, les langues du continent noir. Changer nos relations aux pays africains passe par promouvoir et encourager la pluralité linguistique. Il n’y a rien de contradictoire, au contraire, cela fait partie de ce que vous appelez « une Francophonie du partage et de l’échange culturel et social ».

8° Comment comptez-vous soutenir la formation de cadres scientifiques et techniques en Afrique permettant aux pays africains de disposer des compétences nécessaires à leur développement ?

Nous romprons avec les logiques de concurrence de « l’économie des savoirs la plus compétitive du monde » où la recherche et la formation sont au service de la guerre économique, pour mettre au cœur de notre politique la coopération et le partage/transfert des savoirs.
Nous élargirons le champ de la coopération internationale scientifique et technologique au-delà de l’Europe, vers les pays du Sud notamment ceux d’Afrique.
Nous favoriserons la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs par des financements spécifiques et par le développement d’accords internationaux.

9° Quelle est votre position concernant la dette des pays d’Afrique et ses mécanismes qui restent assujettissants pour les économies nationales, comme le processus de ré-endettement forcé d’Etats en difficulté ?

L’activité économique en Afrique subsaharienne est tombée en 2015 à son plus bas niveau depuis environ quinze ans. La production a augmenté de 3,4 %, c’est-à-dire à un rythme à peine plus rapide que la croissance démographique, et est en recul par rapport à la progression de 5 % enregistrée en 2014 et aux taux de croissance encore plus élevés auxquels on s’était habitué ces dernières années. Ce ralentissement s’explique essentiellement par la forte baisse des cours des produits de base, qui a durement ébranlé plusieurs des grands pays de la région et a eu de ce fait des effets prononcés sur les agrégats régionaux. De la même manière, cette année s’annonce elle aussi difficile. D’après les projections du Fonds monétaire international (FMI), la croissance économique sera encore plus faible, à 3 %, car de nombreux pays auront à faire face à la dégradation de l’environnement extérieur. Au-delà, la sécheresse (en particulier en Afrique australe et orientale) et les conflits armés ajouteront aux difficultés économiques de plusieurs pays.

Nous en appelons à la solidarité avec le continent afin de créer les conditions d’une croissance économique respectueuse de l’environnement et qui permette de lutter efficacement contre la pauvreté et les inégalités criantes qu’engendrent les politiques néo-libérales imposées par le FMI et la banque mondiale.

Face aux difficultés économiques, une logique libérale de ré-endettement forcé se met en place et accentue un mal-développement, en relation avec le manque de souveraineté des pays africains. Cela constitue une nouvelle bombe à retardement.

Il faudrait au contraire une économie équilibrée favorisant les investissements dans les infrastructures et les industries de transformation à haute valeur ajoutée.

10° Comptez-vous démanteler les bases militaires françaises en Afrique ? Dans cette perspective, quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à des politiques de défense autonomes en Afrique ? Comptez-vous répondre aux pays du Sahel pour assurer leur propre sécurité intérieure et extérieure ?

Le capitalisme en crise produit des monstres, qu’ils aient pour nom le populisme, l’extrême droite, l’obscurantisme, le djihadisme ou la guerre. Ce sont les matrices d’un même poison.

Dans l’espace sahélien, dans le reste de l’Afrique comme en France ou en Europe, nous sommes confrontés à des défis similaires, aux mêmes logiques, et nous devons rechercher des réponses communes.

Le Sahel reste sous la menace d’une déstabilisation lente et diffuse. Le scénario que l’on pouvait redouter au lendemain de l’intervention militaire française au Mali se déroule dangereusement. Comme une évidence, la seule réponse militaire est un échec. D’autant qu’elle est orchestrée de la part d’un État français qui n’a eu de cesse de jouer au pompier-pyromane depuis les années 60 aux quatre coins du continent africain.

Par ailleurs de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité rédigées par la France, selon la logique du « pré carré », et accompagnées d’un multilatéralisme de façade, cachent de plus en plus mal une volonté de continuer à vouloir dicter ses solutions à d’autres États, quitte à contribuer à laisser se dégrader des situations dans ces pays, pour ensuite présenter toute intervention militaire inévitable.

Les solutions sont ailleurs, dans la réponse aux immenses défis sociaux, économiques, environnementaux, pour donner des perspectives et une place aux sahéliens, singulièrement aux jeunes.

Laisser croire comme l’ont fait M. Hollande dans le précédent quinquennat ou M. Macron aujourd’hui, que la France serait engagée au Mali pour longtemps en dit long sur les arrières pensées véritables. Si la logique était de lutter contre les entrepreneurs de la violence que sont les « djihadistes » ou les trafiquants, l’urgence aurait été de reconstituer des perspectives pour le peuple malien, d’aider à la reconstruction de l’Etat failli, et singulièrement de l’armée malienne. Il semble que ce ne soit pas le cas.
L’Etat français doit pourtant avoir pour objectif de démanteler au plus vite ses bases militaires.

11° Sahara occidental – Comptez-vous œuvrer positivement pour l’organisation du référendum d’autodétermination prévu par le plan de paix de l’ONU depuis 1991, permettant aux Sahraouis d’exercer leur droit imprescriptible de peuple colonisé, comme le stipule la Charte des Nations Unies ; vous engagez-vous à ce que la France cesse de s’opposer à doter la MINURSO d’une mission de surveillance des droits de l’homme comme le sont toutes les missions de la Paix dans le monde ? Dans le cadre des importations de produits agricoles et de pêche, ferez-vous respecter la décision de la Cour de Justice Européenne qui exclue de l’accord Maroc/UE, les produits issus du territoire non autonome du Sahara occidental ?

Nous apportons notre soutien et réaffirmons notre solidarité à la juste lutte du peuple sahraoui contre la répression et pour la reconnaissance de son droit à l’autodétermination.
La France, dont la politique n’a pas varié quel que soit le gouvernement, doit jouer un autre rôle afin d’aider à la résolution du conflit. Sa conception unilatérale de son alliance avec le régime marocain la conduit depuis des années à déconsidérer les résolutions de l’ONU en faveur du respect du droit international et des peuples colonisés. Cette attitude lui fait perdre beaucoup de crédit d’autant qu’on la retrouve aussi sur le dossier palestinien. Par ailleurs, alors que notre pays intervient, selon ses dirigeants, pour stabiliser la région en luttant contre les terroristes, elle laisse sans réponse politique la question du Sahara occidental, risquant ainsi d’aggraver les tensions. L’ONU, quant à elle, doit retrouver le chemin de la fermeté face à l’intransigeance marocaine… et, si négociations il y a entre le Front Polisario et le gouvernement marocain, elles doivent se faire sur la base des propositions fixées par la résolution 1514 de la tenue d’un référendum afin de laisser aux sahraouis la liberté de choisir entre l’indépendance ou l’autonomie sous souveraineté marocaine.

Nous considérons que la récente décision de la Cour européenne de justice d’annuler l’accord agricole entre l’Union européenne et le Maroc est une bonne nouvelle pour les Sahraouis. Il s’agit de mettre tout en œuvre pour la rendre exécutoire.

12° Comptez-vous vous conformer aux résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU en respectant le résultat du référendum aux Comores dont la population a opté à 95% pour l’indépendance, et rétrocéder à son archipel, l’île de Mayotte illégalement annexée en 1975 ?

La volonté coloniale de garder la main sur Mayotte s’est appuyée sur une stratégie de division. D’un côté, les Comores ont été déstabilisées, déstructurées par l’intermédiaire de multiples coups d’État orchestrés par des mercenaires agissant souvent à la solde de Paris. De l’autre, la France a assuré une stabilité d’apparence à Mayotte et un développement asymétrique, bénéficiant de nombreux financements. Cela a constitué un contexte favorable pour l’organisation de référendums illégaux au regard du droit international, condamnés par l’ensemble des pays africains. Les consultations ont été organisées à l’échelle du pays mais la France a entrepris d’analyser les résultats île par île, afin de justifier la « re-colonisation » du territoire visé.

Nous sommes aujourd’hui placés devant le fait accompli, avec une somme de difficultés non résolues. L’appartenance de Mayotte à la France a été inscrite dans la Constitution française par la loi du 28 mars 2003. Cela s’oppose à toutes les résolutions des Nations Unies sur ce sujet et amène une situation ubuesque où la Constitution française viole le droit international.

L’Etat français maintient la pression afin de tenter de soumettre les autorités comoriennes pour qu’elles renoncent à l’intégrité des Comores.

L’écart de développement creusé entre Mayotte et les autres îles de l’archipel des Comores constitue une bombe à retardement. Le fait que Mayotte ait accédé au statut européen de région ultrapériphérique (RUP), qui lui permet de bénéficier de fonds structurels de l’Union européenne pour son développement économique, va dans le même sens et creuse toujours davantage les inégalités qui ne pourront se résorber que si l’ensemble de l’archipel se développe de manière équilibré.

Pour asseoir cette politique, une barrière a été dressée autour de Mayotte avec l’instauration du « visa Balladur » en 1995, mettant fin à la libre circulation des comoriens. Les liens sociaux et familiaux ont été entravés. Pour atteindre la forteresse Mayotte située à 70 km d’Anjouan, les habitants des îles voisines ont recours aux « kwassas », barques de fortune facilement renversables lorsqu’elles sont surchargées… Cette mer est devenue le plus grand cimetière marin du monde. Les estimations font état de plus de 10 000 morts. C’est un crime contre l’humanité, conséquence directe de choix politiques. Ce « visa Balladur » doit être supprimé.

Pour l’avenir de l’archipel, il nous faut trouver des solutions, y travailler ensemble. Cela doit passer par des phases de négociation. Ce n’est pas à l’Union des Comores de renoncer. C’est la France qui doit changer de paradigme et écouter la voix des peuples dans la région. Il est illusoire de penser que Mayotte puisse à terme se construire dans un cadre de développement asymétrique. La force, la répression, la politique du chiffre avec les dizaines de milliers d’expulsions annuelles ne sont en rien une réponse au drame de la mer d’Anjouan. A Mayotte, les inégalités, les drames sociaux, la violence en hausse, constituent un lent poison.
Personne n’a intérêt à rester au statu quo.
La réponse aux défis pour les Comores passe par un avenir commun entre Mayotte et l’archipel. Elle nécessite la construction d’une véritable politique de co-développement dans la zone Océan Indien, avec l’ensemble des parties concernées.

13° Comptez-vous appliquer la résolution 3491 du 12 décembre 1979 de l’Assemblée générale des Nations Unies invitant la France à entamer des négociations avec l’Etat malgache en vue de la réintégration des quatre « îles éparses », Europa, Juan de Nova, Glorieuses et Bassas da India, qui sont dans les eaux territoriales de Madagascar mais lui ont été séparées à la décolonisation ?
A la veille de l’indépendance de Madagascar, l’État français a refusé de lui rendre les îles Éparses. En 1960, pour le Général de Gaulle l’intérêt des îles était stratégique et militaire. Aujourd’hui, les richesses du sous-sol marin, des réserves immenses de pétrole et de gaz, sont au cœur de toutes les attentions.

Unilatéralement, la France a légiféré en février 2007 pour intégrer les îles éparses au sein des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF – 5e district).
Contre le droit international, l’État français poursuit une politique du fait accompli visant à coloniser ces territoires qui ne lui appartiennent pas. Les citoyens français ne sont pas tenus informés.

Nous demandons la restitution des îles éparses à Madagascar dans un processus accompagné par les Nations Unies et la Commission de l’océan Indien (COI).

14° Comptez-vous promouvoir le travail des historiens sur le rôle de la colonisation en Afrique et la reconnaissance officielle de notre pays à propos du traumatisme qu’elle a engendré pour les peuples et les pays colonisés ?

Rompre avec la matrice néocoloniale qui empoisonne la politique extérieure de la France passe nécessairement par la recherche de la vérité et du devoir de mémoire sur les périodes les plus sombres de la colonisation et des décennies qui ont suivi les indépendances. En cela le travail des historiens sur le rôle de la colonisation en Afrique est essentiel, encore faut-il qu’ils puissent accéder à toutes les archives (militaires, gouvernementales et de l’Elysée), ce qui nécessite la déclassification des documents.

15° Comptez-vous reconnaître les crimes d’Etat liés à la conquête coloniale, à la colonisation et aux luttes de décolonisation en Afrique et plus particulièrement : à Thiaroye au Sénégal en décembre 1944, Sétif et Guelma en Algérie en mai 1945, Madagascar de 1947 à 1952 et à Paris le 17 octobre 1961?

Sur les crimes d’État liés à la conquête coloniale, la France doit reconnaitre et produire des excuses officielles, au nom de notre peuple, au nom des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Les excuses sont une étape nécessaire, pour les victimes, leurs familles, leurs descendances. Une étape nécessaire pour le devoir de mémoire et de connaissance, dans les pays anciennement colonisés et aussi en France où le sujet continue d’être occulté. Elles sont une étape nécessaire pour la réparation qui doit, plusieurs décennies après, prendre des formes nouvelles. Car la France a une dette incommensurable envers ses anciennes colonies.

16° Compte-vous contribuer à la recherche de la vérité sur les responsabilités de la France dans le soutien que son corps expéditionnaire a apporté dans l’organisation des forces armées rwandaises au printemps 1994 ? Comptez-vous soutenir la recherche des responsables du génocide qui ont trouvé refuge en France afin qu’ils soient traduits devant la justice ?

L’entreprise d’extermination contre les Tutsis et les opposants au Rwanda en 1994 est l’événement le plus sanglant de l’histoire de la Françafrique. La place qu’occupait alors notre pays auprès des autorités civiles et militaires du Rwanda, la présence de conseillers français auprès des forces armées et des milices civiles, la part prépondérante des équipements français - les forces armées rwandaises ont reçu des armes avant et pendant le génocide, y compris 
après l’embargo des Nations unies du 17 mai 1994 – sont autant d’éléments qui mettent en question les responsabilités de l’Etat français.

Nous plaidons pour la levée du secret-défense, la communication aux chercheurs, aux parlementaires et au public de tous les documents officiels concernant le rôle de la France, y compris les archives de l’Élysée portant sur le génocide.

Des génocidaires ont été jugés et condamnés pour la première fois par la justice. Il faut soutenir la recherche des responsables du génocide qui vivent en France pour qu’ils soient jugés.

17° Compte-vous élucider les crimes d’Etat perpétués, parfois sur commande de dictateurs africains, sur le sol de la France : du Marocain Mehdi Ben Barka, de l’Algérien Mohamed Boudia, du Tchadien Outel Bono, de l’Egyptien Henri Curiel et de la Sud-africaine Dulcie September ?

Il est du devoir et de l’honneur de la France d’élucider ces crimes ! Le constat est là, aucun coupable de ces crimes n’a jamais été arrêté, n’a été traduit devant un tribunal ni condamné. Jamais, malgré de forts soupçons, un commanditaire de ces actions criminelles n’a été désigné. Dans la quasi-totalité des cas, il a même été prononcé un non-lieu, classant ainsi l’affaire.

18° Ferez-vous lever le secret-Défense sur les documents concernant les assassinats de Maurice Audin en 1957 en Algérie et du juge Bernard Borel en 1995 à Djibouti?
Plus de vingt ans après la disparition du juge Bernard Borrel, magistrat en détachement pour une mission de coopération à Djibouti, l’enquête piétine, empoisonnant les relations entre Paris et Djibouti.

Nous sommes solidaires du comité de soutien pour la vérité sur l’assassinat du juge Borrel, de sa veuve Elisabeth Borrel et de ses enfants dans leur combat tenace et courageux pour connaître la vérité et pour que justice leur soit rendue. Nous demandons la déclassification de tous les documents couverts par le secret d’État pour faire cheminer la vérité sur la mort du magistrat.

L’ouverture des archives s’impose plus globalement pour connaître l’implication des autorités françaises dans l’assassinat de nombreux dirigeants, de Maurice Audin à Thomas Sankara.

Plus récemment, les événements de novembre 2004 en Côte d’Ivoire, qui se sont soldés par la mort de 9 soldats français à Bouaké, avec ensuite des dizaines de morts ivoiriens, méritent également un éclaircissement quant à l’implication des autorités françaises. Cela d’autant plus que des procédures judiciaires sont actuellement en cours en France à ce sujet.

Les parlementaires communistes/Front de gauche sont régulièrement intervenus pour demander la levée du secret défense à propos de nombreux dossiers. Ils sont intervenus régulièrement en solidarité avec des militants africains victimes de l’arbitraire, avec des prisonniers politiques. Ils ont participé, par leur votes, interventions, questions écrites, prises de position, à ces combats communs en faveur de la souveraineté, pour la maîtrise par les africains des choix politiques et économiques de leurs pays.