Quand les planteurs de palme brûlent les maions des villageois

La décision par le royaume d’Okomu d’accueillir sur son territoire l’Okomu Oil Palm Plantation PLC a entraîné une multitude de problèmes : destruction environnementale, des actes odieux envers la population indigente, une terrible pauvreté, le chômage, des violations des droits humains, des évictions forcées et l’extermination imminente du royaume d’Okomu et de son peuple. Le gouvernement de l’État d’Edo a sa part de responsabilité dans cette mauvaise situation. C’est lui qui a négocié un contrat qui était défectueux dès le début et ne pouvait être appliqué sans violer les droits des membres de la communauté. Ainsi, l’entreprise se vante souvent d’être en possession d’un permis d’occupation et peut donc continuer à détruire impunément.


Dans ce contexte, ce rapport a pour but de rendre publique la situation terrible à laquelle la population du royaume d’Okomu doit faire face aux mains d’Okomu Oil Palm Plantation PLC (OOPC).

Tout récemment, le 20 mai 2020, un autre village du royaume d’Okomu, Ijaw-Gbene, a été complètement incendié par la direction d’OOPC. L’opération a été menée par M.Kingsley Adeyemi, un vigile à la solde d’OOPC. Cette attaque par le feu a pu avoir lieu grâce aux efforts conjoints du service de sécurité de l’entreprise sous la direction de Kingsley Adayemi et de l’armée nigériane à la solde de l’entreprise. Les paysans et les pêcheurs locaux se sont retrouvés sans domicile avec tous leurs biens détruits. Les habitants, plus de 80 personnes, qui vivaient dans le village n’ont désormais plus de toit et squattent dans les communautés et les églises environnantes, exposés au risque d’attraper le coronavirus.

Le Chef Ajele Sunday, auteur de ce rapport, a déclaré que ce n’est pas le premier village qui disparaît dans les flammes, mais le quatrième. Il y a eu en effet le village d’Agbede (31 maisons), celui d’Oweike (28 maisons), celui de Lehmon (15 maisons) et maintenant celui d’Ijaw-Gbene (7 maisons).

Okomu Oil a installé des tactiques qui rappellent l’Apartheid en Afrique du Sud. La terre ancestrale sur laquelle nous vivons est en train de nous être confisquée sous nos propres yeux et nous ne pouvons rien faire à cause des pressions exercées par l’armée.

Selon Joseph Miyani, l’une des victimes (59 ans) :

Très tôt le matin, le service de sécurité mené par M. Kingsley Adeyemi et d’autres soldats, ont attaqué notre village, en tirant des coups de feu de manière intermittente, puis ils ont mis le feu à notre village. Les gens se sont alors enfuis dans la brousse, certains ont sauté dans la rivière pour s’échapper. Tous nos biens, tous les articles de maison ont été détruits par l’incendie. Depuis ce jour, je mène une vie misérable. Je ne sais pas par où commencer. Nous sommes actuellement abrités dans une église. Je veux que le gouvernement nous aide.

Question—Qu’est-ce qui a pu provoquer cette attaque et l’incendie du village ?

Joseph Miyani répond : à plusieurs reprises les vigiles de l’entreprise sont venus nous harceler et nous accuser de voler les fruits des palmiers de l’entreprise. Parfois Asemota, le chef de la sécurité, est venu au village nous menacer de s’occuper de nous, avant que le drame n’arrive.

Question— Voyez-vous autre chose, à part ce harcèlement verbal ?

Réponse de Joseph Miyani : le 15 mai dernier, des responsables de la sécurité de l’entreprise ont envahi la maison du Pasteur Igbegbe dans la communauté AT & P. Quelqu’un leur avait dit avoir vu un talkie-walkie Parrot dans la main de son fils, ce que le pasteur Igbegbe a nié. Mais l’un des gardes a donné le nom de celui qui leur avait parlé. Comme le garçon n’était pas à la maison, le pasteur leur a demandé d revenir plus tard dans la soirée. A l’insu du pasteur, sa femme avait vu son fils avec le talkie walkie Parrot et l’avait mis de côté. Son mari lui a donc demandé de l’amener de façon à pouvoir le remettre aux gardes quand ils reviendraient le soir. Quand les gardes sont revenus le soir, il leur a remis le talkie-walkie. Mais les hommes ont insisté que leur emploi était en jeu, que la femme devait les accompagner pour voir leur patron et qu’ils la ramèneraient. La femme est donc partie avec eux mais l’histoire avait changé et quand ils ont plus tard appelé le mari , ils lui ont dit que sa femme avait été arrêtée pour avoir volé le talkie-walkie. Toutes les tentatives pour les faire fléchir n’ont servi à rien et elle été transférée à la division de police d’Iguobazua où elle a été mise en prison. Tous les efforts pour la faire relâcher ont échoué du 15 au 17, date à laquelle elle a été remise en liberté provisoire avec une caution de 80 000 naira. Et l’incendie du village a eu lieu le 20 mai.

Mme Agnes Otomini, une autre vitime (63 ans) raconte :

Je suis partie très tôt ce matin-là pour vérifier mes casiers et quand je suis rentrée, le village était aussi calme qu’un cimetière. Toutes les maisons avaient été rasées par le feu mais mon inquiétude était le sort de mes enfants. Je me suis presque évanouie en pensant que c’était la fin de ma vie. J’ai couru mais je ne voyais personne et on n’entendait aucun bruit. Dieu merci, mes enfants étaient vivants. C’est là qu’ils m’ont dit que c’étaient des gardes d’OOPC et des soldats qui avaient incendié tout le village. Maintenant je n’ai plus rien, mon seul vêtement est celui que j’ai sur moi, je n’ai nulle part où dormir ni rien à manger. S’il vous plaît, je supplie le gouvernement de nous aider. Maintenant il y le coronavirus et je ne peux même pas aller à la ville. Je suis fichue.

Rose Miyani, une élève de 14 ans :

Tôt ce matin-là quand je me suis réveillée, j’ai vu des gardes d’OOPC et des soldats tirer en l’air tandis qu’ils approchaient de notre village. Tout le monde a eu peur et nous nous sommes mis à courir. Certains ont sauté dans la rivière et d’autres se sont précipités dans la brousse. Je ne voyais même plus mes frères et sœurs. Puis les soldats ont mis le feu à nos maisons. Tous mes livres et mon uniforme pour aller à l’école ont été brûlés. Je voulais devenir avocate pour pouvoir défendre mon peuple, mais maintenant mon espoir est mort. Par pitié il faut qu’on vienne nous aider. Nous dormons en ce moment dans une église.

Wisdom Tikan, un élève de 16 ans :

Je me suis réveillé ce matin-là, puis je suis allé à la rivière pour vérifier ma canne à pêche. Avant que je ne sache ce qui se passait, des gardes d’OOPC et des soldats arrivaient. En s’approchant, ils tiraient des coups de feu, alors j’ai couru vers la brousse. Ensuite ils ont brûlé nos maisons, tous mes livres de classe, mon uniforme, ainsi que nos autres possessions. Je porte le seul vêtement qui me reste. Il faut qu’on vienne nous aider.

Quand l’entreprise OOPC a été établie en 1976 comme un des projets favoris du gouvernement fédéral sur la terre ancestrale du royaume d’Okomu, il a été présenté comme un nouveau jalon dans la reconstruction économique et le développement. Aujourd’hui ce n’est plus le cas : quand les gens du coin parlent d’OOPC, ils ne peuvent pas parler de bénéfices pour le développement ; au contraire ils critiquent l’impact négatif de l’entreprise sur les communautés. Il est triste de voir que certaines dispositions contractuelles qui nécessitaient une mise en œuvre concertée (entre communautés, gouvernement et entreprise) ont été ignorées ou mal appliquées, par exemple l’exigence du FPIC[consentement préalable, libre et informé], ou les EIA [évaluation des impacts environnementaux]. Aujourd’hui, les plantations de palmiers à huile se sont étendues jusqu’aux portes des maisons des gens. Leurs fermes et leurs terres agricoles ont été avalées, mais sans qu’on leur offre de solutions alternatives. Hommes, femmes et jeunes sont sans emploi, affamés et anxieux. Tout ce que cela a amené, c’est l’insécurité alimentaire et les autres problèmes attenants.

En 2018, les instruments de pêche de plus de 35 femmes ont été saisis sur la rivière Okomu par la direction d’OOPC. Ceci est manifestement un geste agressif pour priver les communautés autochtones de leur terre en les empêchant de poursuivre leur mode de vie durable et traditionnel. C’est le docteur Graham Hefer qui a donné l’ordre de confisquer les outils de pêche.

Et le 17 janvier 2019 exactement, c’est encore une tentative d’exécuter un ordre draconien sur la rivière Okomu qui a provoqué la noyade d’un soldat à la solde de l’entreprise.

En 2010, l’entreprise a également essayer d’expulser la communauté Marakilolo, mais les hommes les femmes et les jeunes de la communauté lui ont opposé une résistance farouche. Les atrocités cette fois ont été tellement nombreuses qu’on ne peut les rendre par écrit.

À présent, OOPC s’étale sur quatre zones du gouvernement local de l’État d’Edo et occupe quelque 37 000 hectares de terres, avec les mêmes conséquences [pour les populations].

Plusieurs tentatives de la part de Environmental Right Action, Friends of the Earth et de la Coalition of Civil Societies pour servir de médiateurs n’ont abouti à rien et sont restées sans réponse du gouvernement et de l’entreprise, même après les manifestations du 21 juin 2017.

En 2015, le Commandant de la Force opérationnelle inter-armées du Delta du Niger, le Général de division Atewe, a essayé à plusieurs reprises de raisonner avec OOPC mais en vain. En fait quand le Général de division Atewe est venu rendre visite à la communauté Okomu, il a été ému par l’état de sous-développement lamentable de la communauté. Il a sur le champ fait cadeau d’un puits et de cent ballots de tissu aux femmes qui ont été livrés par le colonel Balarabe. Mais le Général de division Atewe a soudainement pris sa retraite. C’est le Général de division Atewe qui nous a rendu une partie de notre dignité.

1. Il a mis fin à l’idée de porter des badges comme moyen d’identification avant de pouvoir accéder à nos communautés.
2. Il a aussi mis fin à l’usage des vignettes sur nos voitures pour pouvoir entrer et sortir de nos communautés.
3. Il a mis fin à l’obligation de mettre les bras en l’air avant de passer les barrières de nos communautés.
4. Il a aussi interdit aux soldats de bloquer la seule route qui permette le va-et-vient de nos communautés.

Comme vous le voyez, la situation rappelle celle de l’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid. C’est probablement dû au fait que le PDG d’OOPC est lui-même Sud-africain.

Rapport du Chef Ajele Sunday, fiyewei (porte-parole) du royaume d’Okomu
(Traduit de l’Anglais par l’ONG GRAIN)