PLATE-FORME NATIONALE DES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DE MADAGASCAR (PFNOSCM / VOIFIRAISANA)

Le vrai patriotisme en cette période de célébration du 60ème anniversaire du retour de l’indépendance se traduit avant tout par une volonté réelle de chaque responsable à tous les niveaux de progresser vers un changement drastique de mentalité ainsi que dans le style de gouvernance des affaires nationales s’il est vrai que leur priorité est sincèrement de sortir la population malagasy de la paupérisation indigne d’un être humain dans laquelle s’engouffre la majorité en ce moment.

Depuis quinze jours, une consultation des membres du CNOSS ou Comité National d’Orientation et de Suivi Stratégique qui constituent le comité exécutif de la PFNOSCM issu des Plates-Formes régionales des 22 régions de Madagascar a été effectué, au cours duquel a été passé en revue les sujets brulants de l’heure au niveau international et national, résumés dans ce communiqué.

I. IL FAUT SAVOIR TIRER PROFIT DE LA SOLIDARITÉ MONDIALE CONTRE LE CORONAVIRUS ET LE RACISME POUR EN FAIRE UN VECTEUR POUR RAVIVER LA FLAMME DU PATRIOTISME ET LA VALORISATION DE LA JUSTICE ET DE L’ÉQUITÉ

Les situations internationales et nationales ont été analysées afin d’en évaluer les impacts sur le quotidien des malgaches.

Malgré les soucis majeurs causés par covid 19 qui fait plusieurs victimes à travers le monde (malades et décès), on constate que la pandémie a encouragé le renforcement de la solidarité entre les nations et les peuples face à ce combat commun et ardu.

La PFNOSCM est solidaire avec les mouvements mondiaux contre le racisme qui récidive tristement avec le meurtre ignoble du noir américain George Floyd en Minneapolis aux Etats-Unis, le 25 mai 2020, lors d’une arrestation policière. Elle s’oppose par contre à toutes formes de violences, la destruction des biens, et coups et blessures à autrui.

L’assassinat de George Floyd a soulevé et alimenté les idéologies et mouvements contre les injustices et les abus de toutes sortes dont sont victimes les populations les plus vulnérables. Les sociétés dans le monde sont caractérisées par l’injustice, l’inégalité des chances et la discrimination. Dans ces sociétés, le respect des droits de l’Homme, du moins dans une très large mesure, reste une lettre morte. Pour le cas de Madagascar, des leçons sont à tirer de ces événements pour promouvoir la bonne gouvernance et le respect des droits de l’Homme pour mettre au centre des préoccupations les intérêts des populations démunies et exclues.

II. IL FAUT PRENDRE PARTICULIÈREMENT EN CONSIDÉRATION LES PROBLÈMES IMPACTANT LA VIE DES POPULATIONS DES RÉGIONS.

Madagascar traverse un moment très difficile de son histoire à cause de la pandémie du coronavirus. Par ce communiqué, les membres du CNOSS des 22 régions s’adressent en toute franchise aux dirigeants du pays à travers les constats et les recommandations suivants :

CONSTATS

– La propagation du coronavirus dans les districts et autres régions encore non infectés n’est pas maîtrisée à cause de la corruption des responsables des barrages routiers. Plusieurs personnes provenant d’Antananarivo et de Toamasina se déplacent vers les communes et districts, d’autres arrivent jusque dans les autres régions sans que des dispositions soient prises pour éviter tout risque de propagation du virus. À Mahajanga, plusieurs voyageurs provenant d’Antananarivo y débarquent sans souci. De même, les va-et-vient Antananarivo-Antsiranana continuent malgré les barrages routiers, même s’ils sont limités par le frais qui connait une hausse de quatre fois plus cher qu’avant le confinement ;

– Le prix du riz reste élevé sur plusieurs régions du fait de l’insuffisance de la production alors que le pouvoir d’achat s’effrite du fait du confinement ;

– La baisse du pouvoir d’achat des paysans qui risque de durer trouve son explication dans le fait que les produits agricoles en cette période de confinement sont écoulés à vil prix faute d’acheteur, combiné à l’opportunisme des spéculateurs ou intermédiaires ;

– Dans les régions, plusieurs entreprises ont dû arrêter de tourner, ce qui met le secteur de production et des services dans une situation dramatique : le transport, le tourisme, l’hôtellerie, l’artisanat et autres. Tout cela, à cause du confinement et de la baisse du pouvoir d’achat des Malagasy en général ;

– La rencontre du gouvernement avec les opérateurs économiques a connu trop de retard. Il était possible de savoir à l’avance l’ampleur de la pandémie. Cette rencontre aurait dû avoir lieu dès le début de l’état d’urgence sanitaire, conformément à l’appel que la PFNOSCM a lancé dans son communiqué du 3 avril 2020, pour voir ensemble les ripostes adéquats afin de mitiger l’impact des mesures de confinements sur l’économie et le social, et pour mettre en place la stratégie de relance de l’économie et du redressement du pouvoir d’achat des Malagasy ;

– À cause de la paupérisation qui ne cesse de gagner du terrain suite au confinement, l’on constate la recrudescence de l’insécurité en milieu rural et en milieu urbain. La population vit dans la terreur à l’instar de la région Anosy où les dahalo, bandits de grands chemins, armés de fusils et d’armes blanches, s’attaquent aux villes et aux villages. Le mauvais état de la RN 13 facilite les attaques des voyageurs empruntant cette route ;

– Les personnes en situation d’handicap sont les plus vulnérables dans la mesure où elles font l’objet de discrimination au niveau de la société et elles ne bénéficient guère de traitement de faveur pour faire face à la pandémie. Plusieurs d’entre eux ont perdu leur gagne-pain ;

– La télédiffusion des enseignements reste un privilège pour les minorités. Le monde rural ne peut pas profiter de ces cours à distance faute de moyen. Les parents s’inquiètent sur la tenue ou non des examens officiels, ajoutés à cela l’absence de feuille de route pour gérer le reste de l’année scolaire. Les écoles privées ne cessent de demander le paiement des écolages et cela en faisant venir les élèves en classe intermédiaire en ignorant les directives du gouvernement. En effet, le monde de l’enseignement est en déliquescence suscitant l’angoisse des parents surtout en milieu rural ;

– Les engins blindés lourdement armés accompagnés de soldats avec arme de guerre ne sont pas de nature à rassurer la population en ce période de confinement, bien au contraire, même si leur mission est de faire respecter les mesures prises par le pouvoir pour se protéger du coronavirus ;

– Le manque de transparence dans la publication des chiffres sur le coronavirus provoque le doute au sein de l’opinion publique sur les informations officielles concernant la pandémie (nombre de cas positifs, nombre de décès, les matériels nécessaires pour faire face à la maladie, les aides et appuis divers, … etc), et entraine la négligence des citoyens dans le respect des gestes barrières ;

– Il est injuste et inadmissible que des médecins et aides-soignants qui sont au centre du dispositif de lutte contre le coronavirus que le pays leur confie manquent de matériels de protection et ne reçoivent pas leurs primes de risques en cette période d’état d’urgence sanitaire.

RECOMMANDATIONS

La PFNOSCM :

– Remercie l’Etat malagasy sur le durcissement du contrôle des déplacements vers les autres régions. La PFNOSCM / VOIFIRAISANA exige à ce qu’une telle disposition soit prise de manière continue, et que des sanctions sévères et exemplaires soient appliquées aux forces de l’ordre et aux particuliers enfreignant les règles et provoquant la propagation du virus dans les régions non encore atteintes ;

– Demande une autonomie de gestion aux régions pour gérer la situation d’urgence sanitaire pour que les mesures prises soient réellement conformes aux réalités locales. À charge du CCO national de coordonner les mesures prises dans chaque région pour maximiser les impacts positifs dans l’ensemble du territoire. La centralisation des décisions minimise la responsabilité des autorités locales, occasionne des risques d’incohérences entre les mesures prises au niveau central et les réalités au niveau local, et peut s’interpréter comme une non confiance aux autorités désignées et élus locaux à qui les compétences doivent être attribuées pour qu’ils puissent prendre les initiatives bénéfiques à la circonscription de leur responsabilité ;

– Sollicite la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour les opérateurs économiques dans tout le territoire de Madagascar pour qu’ils puissent assurer leurs productions et limiter les pertes d’emploi.

Pour redresser rapidement l’économie et le social, la PFNOSCM / VOIFIRAISANA avance les propositions suivantes :

* Il est absolument urgent de durcir le contrôle de l’exploitation et le trafic des ressources naturelles et minières pour renflouer les caisses de l’Etat et pour préserver les ressources pour les générations futures ;

* Il est nécessaire d’apporter un appui particulier aux opérateurs économiques malagasy surtout les jeunes dans les 22 régions. Cet appui doit favoriser la production des biens et services qui répondent aux besoins vitaux du pays, permettre l’autosuffisance nationale, engendrer la baisse de l’importation et augmenter l’exportation pour, à terme, rétablir notre balance commerciale ;

* Il est vital pour l’économie nationale d’avoir une banque de développement malagasy qui facilite l’accès aux crédits aux citoyens afin d’encourager l’investissement et l’entreprenariat malagasy. Le capital de cette banque doit être ouvert à tous les Malagasy de toutes les régions ;

– Réclame le renforcement de la sécurité, et une sanction sévère des responsables des assassinats à Berary, région Androy, en avril dernier ;

– Réclame à ce que la stratégie de lutte contre le covid 19 soit adaptée aux contextes locaux car la majorité des Malagasy n’arrivent plus à supporter un confinement sans mesure d’accompagnement efficace. Les aides alimentaires, même si elles existent, sont réparties de manière discriminatoire et entachées de corruptions ;

– Réclame un traitement spécial pour les personnes les plus vulnérables et celles qui sont en situation d’handicap à travers l’île pour qu’ils puissent bénéficier des aides alimentaires et des appuis pour qu’ils puissent reprendre leurs activités économiques dans de meilleures conditions ;

– Condamne vigoureusement les destructions des kioskes en cette période d’état d’urgence sanitaire. La démolition sans mesure d’accompagnement s’apparente à une violation des droits humains des petits commerçants. Les effets négatifs d’une telle mesure vont réduire ou anéantir la possibilité de ces familles de payer leurs loyers, d’assurer la scolarité de leurs enfants, de supporter les éventuels soins médicaux, de se nourrir convenablement alors qu’on fait face à une pandémie de coronavirus et à la baisse de la température dans les hauts plateaux ;

– Demande au Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle de prendre des dispositions conforment aux intérêts de tous les enfants malagasy des villes et des campagnes en ce qui concerne les examens et la poursuite des cours en général car ils sont tous, sans distinction, l’avenir du pays ;

– Réclame à ce que les forces de l’ordre engagées dans la mission covid 19 n’exhibent pas des armes lourdes pour imposer la discipline ;

– Réclame le transfert du leadership de la coordination de la lutte contre le coronavirus au Ministère de la Santé qui a des expériences pratiques dans la maîtrise des épidémies de pestes, de choléras et de paludisme pour assurer un meilleur résultat dans la lutte contre la propagation du coronavirus ;

– Réclame la publication des statistiques réelles relatives au coronavirus par région, district et commune pour que les citoyens puissent se rendre contre de la gravité de la pandémie et prendre par eux-mêmes les mesures qui s’imposent ;

– Réclame la possibilité des médias privés tout comme les médias publics à pouvoir effectuer des reportages dans les centres de soins des malades du coronavirus pour éviter, dans l’opinion publique, le doute sur les chiffres voire sur l’existence même de la pandémie et pour qu’ils se rendent compte par eux même de la nécessité vitale de respecter strictement les gestes barrières ;

– Réclame l’accélération de la publication du résultat des tests afin que les malades de la pandémie puissent prendre les mesures adéquates pour éviter la contamination ;

– Réclame avec force un soin particulier aux médecins et aides-soignants dans le dur combat qu’ils mènent en ce moment pour qu’ils puissent travailler dans de meilleures conditions.

III. CONCLUSION

La PFNOSCM / VOIFIRAISANA reconnait et remercie le gouvernement dans les efforts qu’il engage pour sortir vainqueur dans ce « hard » combat contre la propagation du coronavirus. Elle réitère ses remerciements à l’endroit des forces de l’ordre et surtout les médecins et aides-soignants dans leur abnégation pour vaincre la pandémie.

CEPENDANT, ELLE :

– Ne cesse d’appeler à la mobilisation des forces vives pour trouver ensemble une solution idoine acceptée par tous dans la transparence et l’intégrité. C’est la seule condition pour renaitre la confiance des dirigés aux dirigeants dans ce contexte très particulier ;

– Est persuadée que, en ce 60 ans de retour de l’indépendance de Madagascar, où des aînés ont sacrifié leurs vies pour la liberté des Malagasy actuels, ce serait une honte inscrite dans les annales de l’histoire de Madagascar que des responsables du gouvernement osent encore souiller les patrimoines malagasy et abuser de la simplicité des citoyens pour tirer des avantages particuliers que leur offre leur statut officiel, pour exploiter pour leur propre compte les richesses communes à tous les Malagasy en laissant des pères et des mères de familles, des jeunes et des enfants dans l’ignorance et dans la précarité ; .

– Soulève la nécessité absolue et urgente de changement radical de mentalité et dans la façon de gérer les affaires publiques de la part des responsables au niveau de chaque institution si, sincèrement, sortir les Malagasy de l’indigne pauvreté est le véritable objectif car on a toutes les ressources nécessaires pour faire sortir les Malagasy de la misère.

La PFNOSCM / VOIFIRAISANA réitère son appel pour le respect par tous des gestes barrières pour mettre un frein rapidement à la propagation du coronavirus.

Fait à Antananarivo, le 30 juin 2020

Le Bureau National et les membres du CNOSS des 22 régions.