A quelques jours d’intervalle on a pris connaissance de deux avis contradictoires sur les droits de l’homme au Sahara occidental. Celui du Ministre français des Affaires étrangères répondant à une interpellation d’Aline Pailler, co-présidente du CORELSO et celui de Juan E. Mendez, rapporteur spécial des Nations Unies de retour du terrain.
Tout porte à croire que les ordinateurs du Cabinet d’Alain Juppé au Ministère des Affaires Etrangères n’ont pas été totalement purgés car les interventions et courrier de Laurent Fabius, depuis le printemps et dans la lettre adressée à la co-présidente du CORELSO reprennent à l’identique, les termes relatifs au Maroc et au conflit du Sahara occidental que l’on nous a ressassés durant le mandat présidentiel de Sarkozy. Pourtant François Hollande a bien déclaré qu’il « dirait tout partout », que la France « mettrait dans la lumière ceux qui étaient dans l’ombre » et qu’elle « travaillerait avec la société civile ». Soit Laurent Fabius n’écoutait pas bien à ce moment-là, soit le Maroc et le Sahara occidental sont en zone franche?
La lettre du ministre du changement (dans la continuité) commence ainsi :
“La France considère que le plan marocain d’autonomie de 2007 est la seule proposition réaliste aujourd’hui sur la table et constitue la base la plus crédible et sérieuse d’une solution juste et durable. Cette offre a déjà eu le mérite d’ouvrir la voie à des négociations directes entre les parties. Elle prévoit en outre la consultation des populations des territoires à l’issue de ces négociations.”
Une proposition si « réaliste » qu’elle n’a pu être mise en oeuvre depuis 5 ans ! Mais il faut laisser au Maroc « jouer la montre » et tirer profit des richesses naturelles du pays qu’il colonise en toute impunité.
Plus loin, il rend hommage au Maroc “qui a pris des décisions fortes pour la protection et la promotion des droits de l’Homme et pour une meilleure prise en compte des besoins économiques et sociaux, y compris au Sahara occidental”.
Après un hommage au Conseil national des droits de l’Homme “dont l’indépendance a été renforcée”, Laurent Fabius conclut sa lettre ainsi : “La France encourage pleinement le processus de réformes politiques en cours au Maroc, qui contribuera à améliorer la situation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, notamment au Sahara occidental”.
Notre ministre aurait mérite à diversifier ses sources d’information hors des officines royales.
Juan E. Méndez, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a donné une conférence de presse à son retour du Maroc et du Sahara occidental qui est d’une autre teneur. Il faut dire qu’il a rencontré les associations indépendantes marocaines et sahraouies de défense des droits de l’homme et des victimes de la barbarie des commissariats, gendarmeries et prisons marocaines. Ce que ne s’autorisent pas de faire les diplomates français en poste au Maroc. Le site officiel de l’ONU donne un aperçu de sa conférence de presse :
“24 September 2012 – Un expert indépendant des Nations Unies a estimé samedi qu’une culture des droits de l’homme était en train de naître au Maroc et que la création dans ce pays d’un Conseil national des droits de l’homme en était la preuve. Il cependant affirmé que des efforts supplémentaires devraient être déployés pour mettre fin à la torture.
« La situation concernant la pratique de la torture s’est globalement améliorée par rapport aux décennies passées, lorsque les disparitions forcées, les arrestations secrètes et la torture étaient pratiquées à grande échelle », a déclaré le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Juan Mendez, à l’issue d’une mission de huit jours au Maroc. L’expert s’est également rendu à Laâyoune, au Sahara occidental, les 17 et 18 septembre.
« Cependant, j’ai reçu des témoignages crédibles selon lesquels les détenus étaient soumis à des pressions mentales et physiques injustifiées lors d’interrogatoires », a-t-il précisé. «Ces pratiques sont suffisamment fréquentes pour mériter l’attention et exiger que des efforts soient déployés pour y mettre fin », a-t-il dit.
M. Mendez a relevé que si le recours aux mauvais traitements était encore courant dans les affaires criminelles ordinaires, les traitements assimilables à la torture étaient fréquents dans le cadre d’événements exceptionnels, comme les manifestations, les menaces présumées contre la sécurité nationale ou les actes de terrorisme. Dans tous ces cas, « on observe une augmentation du nombre d’actes de torture et des mauvais traitements lors de l’arrestation et de la détention », a-t-il indiqué.
Notant qu’un usage excessif de la force était en hausse « lorsque la police ou d’autres autorités font face à des incidents impliquant des rassemblements », le Rapporteur spécial a précisé que « les autorités n’avaient pas le droit de recourir à une force excessive, que les manifestations aient été autorisées ou non ».
Évoquant les nombreuses allégations d’usage systématique de la torture pour obtenir des preuves ou des aveux aux premiers stades des interrogatoires, M. Mendez a déploré la tendance des procureurs et juges marocains à rejeter les plaintes déposées pour actes de torture ou à refuser d’enquêter à leur sujet.
Le Rapporteur a par ailleurs salué les efforts des autorités marocaines pour fermer certaines prisons vétustes, en construire de nouvelles et en rénover d’autres pour y améliorer les conditions de détention. « Les établissements que j’ai visités avaient tous bénéficié d’importantes rénovations, étaient fraîchement repeints, avaient reçu de la literie neuve et des sanitaires très propres. J’espère vivement que ces améliorations se maintiendront et qu’elles seront également apportées aux autres prisons que je n’ai pas visitées », a-t-il dit.
Tout en reconnaissant les difficultés rencontrées par les autorités du Maroc face à l’afflux de migrants sans papiers, notamment dans le nord du pays, M. Mendez s’est dit préoccupé par les allégations de plus en plus nombreuses de violences perpétrées par les forces de sécurité contre ces personnes particulièrement vulnérables.
« Les brutalités, les violences sexuelles et autres formes de mauvais traitements semblent en augmentation. J’exhorte les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter de nouvelles violences et à enquêter sur ces allégations de mauvais traitements à l’encontre des migrants en provenance d’Afrique subsaharienne », a-t-il déclaré.
Lors de son déplacement, l’expert indépendant s’est entretenu avec les autorités marocaines, des représentants de la justice, de la société civile, des groupes de défense des droits de l’homme, des agences de l’ONU, ainsi que des victimes de violences et leurs familles.
A Laâyoune, il a affirmé avoir été «impressionné par le grand nombre de demandes d’entretien ». Il a regretté de n’avoir pu rencontrer, lors de sa visite de deux jours au Sahara occidental, « qu’un échantillon de victimes d’abus et de représentants de la société civile ». «Mais je vais examiner chaque requête avec soin, afin que toutes les informations pertinentes dans le cadre de mon mandat soient prises en compte », a-t-il promis.
M. Mendez présentera un rapport sur sa mission, assorti de recommandations, lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.”
Son rapport sera présenté en mars prochain au Conseil des droits de l’homme à Genève. Nul doute qu’il fasse état des listes des victimes marocaines et sahraouies du régime. Il serait bon que la France s’en inspire pour modifier sa position au Conseil de Sécurité de l’ONU quand se posera la question de donner mandat à la MINURSO sur la surveillance des droits de l’homme. C’est la seule mission de maintient de la paix de l’ONU qui en soit dépourvue, et ce de par le poids essentiel de la France.