L’aventure guerrière continue. Après la Libye, le Mali… à qui la suite ?

« C’est la rupture avec les pratiques du passé », on nous le dit et le répète de Paris à Dakar, mais au-delà des incantations, on recherche les engagements précis pour remiser la politique néocoloniale qui prévaut depuis les indépendances africaines. Le discours Dakar2 évoque à « des relations commerciales plus équitables » et « renforcer l’assistance juridique aux pays africains dans la négociation de leurs contrats », ce qui ne veut pas dire mettre en œuvre des coopérations d’intérêts réciproques. « Réduire la dépendance aux importations de produits alimentaires » ce n’est pas soutenir une production agricole permettant une autosuffisance sur les céréales et autres produits cultivés par les paysans africains. Quant à « la consolidation de la zone franc » et « l’introduction des financements innovants pour trouver de nouvelles ressources » c’est le changement dans la continuité. Sans parler de la « définition parfaitement claire de la présence militaire française en Afrique ». Là encore on est loin du départ des troupes françaises du sol africain. La guerre, loin ne nos frontières, n’effraie pas les dirigeants d’une France malheureusement encore aux avant-postes, quitte à sacrifier les otages aux mains des extrémistes.


Partant du fait que l’on ne peut pas laisser les populations du Nord Mali aux mains de fanatiques religieux qui instaurent des pouvoirs fascisants, les puissances occidentales, les relais africains et les médias à leur solde, mènent campagne pour un assaut militaire au Nord Mali, sans demander l’avis des maliens ni mettre en œuvre les mesures propres à éviter une propagation dans les pays voisins :
– Pourquoi le Mali en est arrivé là ?
– D’où provient la déliquescence de l’Etat malien et d’autres dans la région?
– Les instances régionales vont-elles se substituer à la légitimité des Etats ?
– En quoi l’instabilité de régions entières favorise-t-elle l’exploitation des richesses naturelles par les multinationales?

La déliquescence de l’Etat malien, en dépit de l’image qu’on lui attribuait de « bon élève de la démocratie » et d’exemple de stabilité, a débuté avec les Plans d’Ajustement structurels imposés par les institutions du libéralisme mondialisé. Ainsi n’a-t-il pas été en mesure de défendre son intégrité territoriale pas plus qu’il n’assurait ses autres missions régaliennes du service public dont les privatisations avaient confisqué les financements. Le régime libéral, populiste et corrompu d’Amani Toumani Touré a conduit au coup d’Etat qui n’étonna personne au Mali mais n’apporta aucune réponse aux velléités indépendantistes touaregs du MNLA. Ce mouvement, constitué des hautes classes dominantes de l’Adrar et de membres de la rébellion de 1990 ayant rejoint l’armée libyenne, a ouvert la voie à des groupes islamistes radicaux armés Ansar Eddine, MUJAO (branche sahélienne d’Al Qaida) financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite.

La CDEAO presse pour une intervention militaire sans stratégie précise, sans garantie de financement, alors qu’elle n’a jamais mis en œuvre une coordination des Etats de la région pour éradiquer les trafics de tous genres qui traversent leurs pays, en les gangrénant.

L’AFASPA soutient les populations maliennes qui s’opposent à une intervention étrangère au Mali. La France doit se garder de participer à une nouvelle aventure qui ne peut qu’étendre la déstabilisation des Etats de la région amorcée après l’éclatement de l’Etat libyen. Seule une solution politique associant l’avis des populations, en particulier les organisations de femmes, aura des effets pérenne.

Les indépendances, avec la création d’Etat nations forts, pouvaient mettre un terme à la poursuite du pillage des immenses richesses du continent. Les puissances impérialistes y ont mis bon ordre en concluant des accords économiques et de défense avec une présence militaire occidentale qui, loin de régler les conflits armés, a permis d’éliminer ou d’imposer des chefs d’Etat. Les élites africaines, dociles ou corrompues, se sont pliées aux injonctions du libéralisme, renonçant à défendre les moyens d’un développement économique en mesure d’assurer les besoins sociaux et culturels des populations. Cette soumission a affaibli les Etats jusqu’à la déliquescence pour certains. Ainsi, le continent africain révèle des zones déstabilisées qui correspondent étrangement à des enjeux économiques et géostratégiques : la partition du Soudan recouvre un enjeu pétrolier, de même que l’intervention militaire en Libye 9ème réserve mondiale d’or noir ; le Nord Mali recèle des réserves en pétrole, gaz, uranium, et l’extraction de l’or se poursuit malgré les turbulences ; La région des Grands Lacs est un eldorado de minerais (coltan, diamants, uranium …) ; le Nigéria où sévit Boko Aram dispose de la 2ème réserve de pétrole d’Afrique. 21 ans de cessez-le-feu au Sahara occidental permettent au colonisateur marocain et aux sociétés espagnoles d’exploiter les ressources halieutiques, le phosphate, et le sous sol qui recèle un potentiel en uranium, fer, or et gaz et du pétrole off-shore fait des envieux. La Corne de l’Afrique est également touchée avec le pillage de ses eaux territoriales et leur pollution par des produits toxiques qui, en affamant les populations ont conduit à la piraterie et à l’émergence de mouvements religieux radicaux qui sévissent jusqu’au Kenya. Ce phénomène se développe dans le golfe de Guinée et la seule réponse apportée à ces dérives dangereuses est répressive. A Madagascar la perte de souveraineté attise les appétits sur les ressources minières, forestières, fluviales et halieutiques.

C’est la souveraineté politique et économique de leur pays qui permettra aux populations d’Afrique d’assurer leur avenir avec le développement des technologies nécessaires au développement industriel.

Bagnolet le 13 octobre 2012