La Lettre de l’AFASPA février 2021

Edito


CORONAVIRUS EN AFRIQUE, la double peine

Dans un premier temps, le continent africain semblait être « épargnés » par la pandémie, mais ce qui était une parenthèse a rapidement été contredit et la réalité s’est imposée assez violemment. La pandémie de corona virus dépasse actuellement la moyenne mondiale. Selon le CDC (Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’union africaine), vingt et un pays sont affectés. 70% des malades du Covid 19 se trouvent dans cinq pays, l’Afrique du Sud étant l’un des plus touchés avec 41% des cas. Viennent ensuite le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et l’Éthiopie. Cette vague s’abat sur la région alors qu’elle doit faire face à une crise alimentaire d’une ampleur inhabituelle. D’abord centrée sur les grands pays de l’Est, du Sud, et sur le Maghreb, la nouvelle flambée s’étend sur tout le continent, avec des différences découlant du développement économique, les pays des plus pauvres étant les plus touchés. Double peine pour des populations qui vivent dans la pauvreté et la misère, et sont frappés par le COVID19. La question est maintenant brûlante : comment ces pays résistent-ils à la pandémie ?

Interrogé, Fred Eboko, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche et Développement), déclarait récemment sur RFI : « La catastrophe que l’on craignait ne s’est pas produite. La pandémie a été plus lente et d’une amplitude plus faible sur le continent africain. Ce qui ne signifie pas que l’Afrique s’en sort mieux ; les raisons, en effet, sont à la fois structurelles, économiques et sociales. Les décès sont moins nombreux car les populations sont plus jeunes qu’en Europe, la mobilité des populations européenne, asiatique et américaine est très forte. Métros, trains, autobus, voitures particulières, ce qui fonde le développement occidental en termes de déplacements, a permis des rassemblements qui facilitent la mobilité du virus.
La faiblesse des structures du même type sur le continent africain a entraîné aussi une espèce de cantonnement de la pandémie sur le continent africain. Ce constat ne nuance pas les drames qui se sont abattus sur les populations africaines, accablées par la misère, la pauvreté et d’autres épidémies auxquelles il a fallu faire face comme Ebola » .

Les systèmes de santé africains, aidés par les partenaires internationaux, ont réalisé des adaptations, et pris des mesures avant même que la pandémie ait envahi leur pays. Des efforts considérables ont été faits en termes de tests, de sites et de prise en charge, mais les systèmes de santé sont dans une fragilité catastrophique. La plupart des pays africains ont pris des mesures exceptionnelles pour freiner la pandémie qui
dévoile durement la réalité médicale : dans certains pays, on compte à peine un médecin pour 1.000 habitants ! Le directeur général de l’OMS déclarait le 18 janvier 2021 : « Je vais être franc, le monde est au bord d’un échec moral catastrophique et le prix de cet échec se comptera en vies et en moyens de subsistance sacrifiés dans les pays les plus pauvres du monde ». Une déclaration qui s’appuie sur des chiffres : 40 millions de doses ont déjà été administrées dans 49 pays riches, mais peu de vaccins ont été distribués en Afrique.
La nouvelle flambée de COVID19 envahit l’Afrique et se répand de plus en plus vite. Le taux de létalité est de 2,5% en moyenne contre 2,2%dans le reste du monde, selon les calculs de l’Africa CDC*, cette deuxième vague se montre spectaculaire au Nigeria, en Afrique du Sud, au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Sénégal et dans la plupart des États du sud du continent, Zambie, Zimbabwe, Botswana, Malawi. Et l’apparition de nouveaux variants renforcent l’inquiétude.
La question essentielle reste l’accession aux vaccins, quels qu’ils soient. Des efforts considérables ont été faits pour lutter contre la désinformation, inciter la distanciation sociale, le port du masque et l’O.N.U a même recruté des « volontaires de l’information » pour démystifier les fausses allégations, les faux remèdes, dans les langues locales. Ces populations, comme d’autres en Occident, exprimant leurs peurs et leurs réserves face aux vaccins. En République démocratique du Congo, le Président déclarait qu’il était urgent « que soit produite une quantité industrielle de chloroquine », suivi par le Cameroun, tandis que d’autres pays se sont tournés vers les traitements par les plantes. Mais…combien coûterait une vaccination « raisonnable » ? 12 milliards de dollars estime l’Union africaine, pour vacciner 60% de la population du continent.

Le Dr.Richard Mhigo, responsable des urgences et des vaccins à l’OMS Afrique affirmait en outre : « Les premières indications montrent clairement que les vaccins existants seront aussi efficaces contre certains des variants ». L’épidémie n’a pas progressé au même rythme, ni suivi le même modèle que ce qui se passe en Asie ou en Europe, l’OMS prévoit une mortalité pouvant atteindre 83.000 à 190.000 décès, vu l’absence de mesures d’endiguement suffisantes ; avec une population globale de 1,2 milliard et le taux de mortalité apparaît faible, soit 0,015%. Ces chiffres ne rendent pas compte de l’ampleur de la pandémie dans certains pays : Le Soudan avec un taux de mortalité de 6,2% des cas détectés, l’Égypte avec 5,5%, le Liberia avec 4,4%. L’accélération du nombre de cas de coronavirus détectés concerne tout le continent. Chaque semaine, ce nombre augmente de 14%. Les systèmes de santé souffrent d’engorgement, on dispose de moins de lits et de moins de matériel dans les hôpitaux et autres établissements, et les soignants, infirmiers, médecins voient se réduire leurs possibilités de s’occuper des patients. L’Afrique se concentre sur ce fléau qui la fragilise un peu plus et la plupart des pays africains ont rejoint l’initiative mondiale, appelée « Covax ». Créée en avril 2020 son but est d’assurer un accès équitable à la vaccination.
Selon l’O.N.U. près de 40% de nouveaux décès liés au nouveau coronavirus ont été enregistrés le mois dernier. Ce qui porterait le nombre de décès à 100.000 depuis l’apparition du Covid19 en février 2020.

Ce drame met une fois de plus en lumière combien l’égalité demeure une notion bien mal partagée. « La situation est grave, écrivit Albert Camus dans « La Peste » mais qu’est-ce que cela prouvait ? Cela prouvait qu’il fallait des mesures encore plus exceptionnelles ».

* Agence de santé publique de l’Union africaine de contrôle et de prévention des maladies