DECLARATION DU COLLECTIF DE LA SOCIETE CIVILE POUR LA DEFENSE DU SECTEUR PUBLIC DE LA SANTE

En vue de l’adoption des premières mesures du nouveau gouvernement qui devra adopter la loi de finances 2020, les professionnels et les organisations de la société civile ont signé une déclaration afin que les mesures prises dans le domaine de la santé, répondent aux attentes de la population et des professionnels.


DÉCLARATION DU LE COLLECTIF DE LA SOCIÉTÉ CIVILE POUR LA DÉFENSE DU SECTEUR PUBLIC DE LA SANTÉ

Il n’échappe à personne que le secteur public de la santé traverse une crise profonde qui s’est accentuée au cours des dernières années et les diverses manifestations de cette crise ont affecté de manière importante la santé des citoyens et leur niveau de vie. Aujourd’hui, après les dernières élections qui ont adressé à la classe politique un message clair exigeant la rupture avec le service d’intérêts particuliers et l’affirmation de l’intérêt général en donnant la priorité à la solution des problèmes économiques et sociaux, les citoyens attendent de l’Assemblée des représentants du peuple et du prochain gouvernement des mesures effectives et concrètes visant à mettre un terme à la détérioration des services publics de santé et à améliorer la qualité de ces services..

Le Collectif de la société civile pour la défense du secteur public de la santé considère que la réponse à ces attentes nécessite une rupture avec les politiques et les pratiques précédentes qui ont été à l’origine de cette importante détérioration des services publics de santé et qui ont entraîné une aggravation des disparités sociales et une santé à deux vitesses. Il insiste de nouveau sur la nécessité de soutenir cet un important acquis national qu’est le secteur public de la santé, et estime qu’il est urgent de le sauver, puis le réformer et le développer afin qu’il puisse concrétiser le droit constitutionnel à la santé.

Le Collectif insiste sur la nécessite de répondre positivement et rapidement à ces attentes et demande à l’ARP et au prochain gouvernement de prendre les mesures suivantes et de les mettre en œuvre .

1. Étant donné que le projet de la loi des finances et le projet de budget de l’année 2020 ne présentent aucune dimension sociale et ne contiennent aucune mesure en faveur du secteur de la santé ; le Collectif demande à l’ARP de procéder aux modifications suivantes de ces projets avant de les adopter.

1.1 Renforcer le fond de soutien à la santé publique avec des ressources supplémentaires pour lui permettre de réaliser une part significative de l’objectif pour lequel il a été créé.

Il faut rappeler que ce fond, créé par la loi des finances de 2017, a pour mission de financer les services assurés par les structures publiques de santé aux bénéficiaires de la gratuité et des tarifs réduits de soins, et il a comme objectif de contribuer à remédier au sous-financement du secteur public de la santé, dans la perspective d’une réforme globale du financement de la santé .

Le fond n’a pas été activé en 2017 et 2018 et même en 2019[1] et les ressources qui lui ont été affectées ont été quasiment nulles, jusqu’à cette année. Dans le projet de la loi des finances 2020 les ressources projetées restent très faibles[2] et représentent moins de 10% des dépenses de prise en charge ds bénéficiaires de la gratuité et des tarifs réduits de soins par les structures publiques de santé, qui sont estimées à 400 millions de dinars annuellement.[3]

L’augmentation des ressources du Fond de soutien à la santé publique pour atteindre un niveau acceptable par rapport aux objectifs tracés est une nécessité urgente et le Collectif propose les mesures suivantes à inclure dans la loi des finances 2020.

généraliser la taxe de 1% sur le chiffre d’affaires des cliniques et des prestataires de soins privés contenue dans l’article 59 de la loi des finances 2019, aux entreprises d’importation, de fabrication et de distribution des médicaments, des dispositifs et équipements médicaux et des pesticides utilisés dans l’agriculture, ainsi que des entreprise polluantes.

Créer une taxe spéciale de 10% du prix de vente au consommateur sur tous les produits qui contiennent 5% ou plus de sucre industriel, au profit du Fond de soutien à la santé publique.

Créer une taxe spéciale au profit du Fond sur le tabac fabriqué et sur les boissons alcoolisées

Des mesures de ce genre sont considérées par les experts nationaux et internationaux comme des mesures efficaces dans les stratégies de lutte contre les maladies chroniques (comme le diabète, l’obésité et les maladies cardiovasculaires) et plusieurs cancers,. Ces maladies sont en progression constante et le coût de leur traitement est élevé pour la communauté nationale. Nous proposons d’accompagner ces mesures fiscales par une campagne nationale visant à réduire la consommation excessive de sucre (qui ne doit pas dépasser le seuil défini par l’Organisation Mondiale de la Santé), ainsi qu’une campagne nationale continue et multiforme pour combattre le fléau du tabagisme.

Le Collectif considère que la privation des Groupements de santé de base et des Hôpitaux de circonscription des interventions du Fond (selon dans l’article premier du décret d’application du Fond n° 283 de l’année 2019) est injustifiée et contraire aux priorités nationales et au rôle essentiel de ces établissements dans la prise en charge des bénéficiaires de la gratuité ou des tarifs réduits de soins et demande la modification de cet article dans ce sens.

1.2 Concernant les créances des hôpitaux auprès de la CNAM et leurs dettes auprès de leurs fournisseurs : allocation d’une partie de la contribution de solidarité sociale à la récupération par les hôpitaux et la Pharmacie centrale de leurs créances auprès de la CNAM

Il convient de rappeler que la CNAM n’a pas versé la plupart de ses contributions aux hôpitaux régionaux et universitaires et à la Pharmacie centrale au cours des trois dernières années et que les créances des hôpitaux auprès de cette caisse ont dépassé 500 millions de dinars en 2019. Cette situation a conduit à l’accumulation de dettes des hôpitaux chez les fournisseurs privés et publics, ce qui a entraîné une rupture de l’approvisionnement de plusieurs fournitures nécessaires à l’activité hospitalière quotidienne et par conséquent une détérioration des conditions de travail et une détérioration des services de soins.

Le Collectif considère que des mesures audacieuses et rapides sont nécessaires pour remédier à cette situation et propose d’inclure dans la loi de finances de 2020 un chapitre allouant une partie de la contribution de solidarité sociale (approuvée par la loi de finance de 2018) afin de payer les dettes de la CNAM à l’égard des hôpitaux et de la Pharmacie centrale selon un calendrier clair préparé au cours du premier trimestre de 2020.

1.3 Concernant la grave pénurie de médicaments dans les structures de santé publique : des fonds supplémentaires doivent être alloués à l’achat (exclusif) de médicaments pour les centres de santé de base

La grande pénurie de médicaments est l’un des éléments les plus importants de l’insatisfaction des citoyens à l’égard des services publics de santé en général et en particulier dans les centres de santé de base. Certes, de nombreuses failles et des poches de corruption existent dans le circuit de distribution des médicaments, mais le facteur essentiel de cette pénurie est la faiblesse du budget consacré aux médicaments dans la première ligne ( Centres de santé de base et hôpitaux de circonscription). Des données recueillies par le Collectif en 2018 ont montré que ce budget ne couvre que 30% des besoins.

Cette situation nécessite l’inclusion d’une mesure spéciale dans la loi de finances de 2020 pour allouer des fonds supplémentaires aux Groupements de santé de base et aux Hôpitaux de circonscription, consacrés exclusivement à l’acquisition de médicaments, en attendant une révision complète et globale du budget de ces structures publiques de santé et des circuits de distribution de médicaments.

2. Le gouvernement devrait être formé dans les prochaines semaines et soumis à l’approbation de l’Assemblée des représentants du Peuple et à l’approbation de son programme :

2 1. Le Collectif de la société civile pour la défense du secteur public de la santé souligne que le programme gouvernemental ne devrait pas se limiter à des rubriques générales, mais inclure des actions immédiates dans un délai de 100 jours et des actions à court et à moyen terme. Il souligne également la nécessité d’associer la société civile à toutes les étapes de la préparation, de la mise en œuvre et du suivi des actions.

2 2. Il rappelle que «Les mesures urgentes pour sauver le secteur public de la santé» publiées en mars 2018 (à la suite du symposium national organisé par le Collectif en novembre 2017) englobe divers aspects de la crise du secteur de la santé publique, allant de la réhabilitation de première ligne à la réduction des disparités régionales, à l’amélioration des performances des hôpitaux, à la lutte contre la corruption et à l’atténuation de la crise de financement, et considère que ces mesures prises dans leur ensemble sont toujours d’actualité et constituent un point de départ pour la formulation d’un programme national qui comprend des actions immédiates et urgentes et un processus de réforme participative du secteur de la santé visant à réaliser la couverture santé universelle.

2 3 – La Collectif considère que le choix de la personnalité ministérielle qui sera chargée de la santé doit être fait en fonction de son engagement à servir l’intérêt public, en s’éloignant des intérêts particuliers ou partisans, de son engagement à lutter contre la corruption, ainsi que de son aptitude et de sa volonté à dialoguer avec tous les professionnels du secteur et les diverses parties concernées par la santé et à les associer aux prises de décision et à leur mise en œuvre. .

2 4. Il considère qu’il faut rompre avec les pratiques antérieures dans les nominations aux postes de responsabilité qui, dans de nombreux cas, se sont basées sur des critère d’allégeance et insiste pour que ces nominations reposent sur des critères exclusifs de compétence et de capacité à assumer ces responsabilités.


Première liste des organisations signataires

Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme

Association Tunisienne de Défense du Droit à la Santé

Association Tunisienne de Défense du Secteur Public de la Santé et des Droits de ses Usagers

Fédération Générale de la Santé (UGTT)

Syndicat National des Médecins et Pharmaciens de la Santé Publique (UGTT

Syndicat National ds Médecins et Pharmaciens Hospitalo-Universitaires (UGTT)

Forum Tunisien des Droits Économiques et Sociaux
Mourakiboun

Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme EuroMed

Association Tunisienne de Défense des Droits de l’Enfant

Association Tunisienne des Femmes Démocrates

Ligue des Électrices Tunisiennes LET

Groupe Tawhida Ben Cheik

Association Tunisienne de Santé Reproductive ATSR

Association des femmes pour la citoyenneté et le développement Babouch Ain Draham

Voix libre des femmes

Aswat Nissa

Médecins du Monde Belgique-Section Tunisie

Oxfam

Société Tunisienne de Gestion Hospitalière

Observatoire National des Inégalités Sociales de Santé

Association Tunisienne d’Information et d’Orientation sur le SIDA et la Toxicomanie (ATIOST)

Association Tunisienne des Infirmiers
Association « Yakfi » pour la lutte contre le tabagisme

Association de promotion des handicapés Fouchana

Association de développement professionnel continu des médecins de la santé publique de Ben Arous

Association Vigilance pour la Démocratie et l’État Civil (Yagadha)

Association Tunisienne des Droits et des Libertés

Association Amal pour l’environnement Metlaoui bassin minier

Association Citoyenneté et Développement Haffouz ACDH

L’association tunisienne de développement sans frontières ACDH Om el Araies Gafsa

Association Citoyenneté et Libertés Jerba

Association Tunisienne de Promotion de la Citoyenneté Bizerte

Association Bizerte Cinéma

Association Tunisienne d’Éducation et de Culture et de Loisirs Ben Aoun (ATECL)

TPM Best

Association Citoyenneté, Développement, Cultures et Migration des deux Rives CDCMIR

Mawjoudin pour l’égalité We exist

Association Maghrébine de Sécurité Sanitaire des Aliments AMSSA

Psychologues du Monde (PDM) Tunisie

Association Free Sight

Association Hanen pour l’allaitement naturel

Société Tunisienne des Sciences Médicales

Association d’Action Citoyenne

[1] Malgré la parution au cours du mois d’avril 2019 des textes d’application du fond et le démarrage depuis le début de l’année du prélèvement des taxes créées par la loi des finances 2019 au profit du fond

[2] Elles sont loin des 100 millions de dinars promises qui ont été placées en tête des décisions du « programme spécifique en faveur de la santé adoptées par le Conseil des ministres du 28 ars 2019.

[3] En se basant sur une estimation du volume net du coût des services de soins dont bénéficient les détenteurs de ces cartes dans les différentes structures sanitaires publiques.