CRI D’ALERTE DES AVOCATES FRANÇAISES DU PROCÈS DE GDEIM IZIK

Lors de leur conférence de presse le 15 juin à Paris au siège du MRAP, Maîtres Ingrid Metton et Olfa Ouled ont dénoncé l’instrumentalisation politique du procès des 24 militants sahraouis dont la condamnation en 2013 par le tribunal militaire de Rabat avait été annulée par la Cour de cassation, et qui ont comparu de décembre 2016 à juin 2017 devant la Cour d’appel de Salé.


A l’issue des débats d’un procès colonial du 21ème siècle en Afrique, le procureur du roi de la Cour d’appel de Salé au Maroc a requis une peine collective de prison à perpétuité pour les 24 militants accusés, à l’origine de « faits de violence commis sur les agents des forces publiques, entraînant la mort avec intention de la donner, d’ association de malfaiteurs dans le but de commettre un crime et de profanation de cadavres » lors du démantèlement violent du campement pacifique de Gdeim Izik où 20 000 civils sahraouis avaient vécu 27 jours pour protester de la marginalisation qu’ils subissent dans leur pays et du pillage des richesses naturelles par le colonisateur.

Mais c’est un règlement de compte avec ce peuple rebelle à la domination coloniale et avec son représentant le Front Polisario, que les avocates des prisonniers démontrent dans un rapport qu’elles ont adressé à la présidence de la République, au ministère des Affaires étrangères, aux ambassades, aux institutions internationales et aux ONG.

La demande des avocats des parties civiles de requalifier les faits en atteinte à la sûreté de l’Etat a été suivie par le procureur qui a requis la même peine pour les 24 accusés, ce qui démontre bien, une volonté de punition collective des accusés pour leur engagement. Les avocates françaises estiment que la tentative de requalification vise à présenter les accusés comme des terroristes ou des fomenteurs d’un état de guerre par des forces extérieures. Leur rapport démontre que « ce qui est présenté comme de nouveaux éléments de preuves ne sont pas crédibles, citant des autopsies inopérantes qui font état de simples rapports de défunts, impossible de déterminer les causes de la mort et l’absence de toute analyse scientifique des pièces à conviction. Parmi les 28 nouveaux témoins convoqués par l’accusation, beaucoup n’ont fait état que de violences généralisées et aucun n’a été en capacité d’identifier les accusés, ont-elles ajouté, relevant que les écoutes téléphoniques présentées dans le dossier par l’accusation n’ont aucun lien avec les faits, de même pour le montage à charge d’un film, déjà présenté au tribunal militaire, ne permet d’identifier ni l’un des accusés ni les victimes. » rapporte APS.

Elles ont réitéré ce que les observateurs ont précédemment dénoncé, à savoir que les accusés ont été interrogés sur la base des procès-verbaux de police et de gendarmerie qu’ils ont signé ou sur lesquels on leur a fait apposer leur pouce, à l’issue de tortures pour lesquelles la justice marocaine dans les deux premières instances n’ont pas jugé utile d’enquêter. La Cour d’appel a de même, refusé de prendre en compte ces dénonciations ainsi que la décision du Comité de l’ONU contre la torture qui a condamné le Maroc pour les multiples violations de la Convention lors de l’arrestation et la détention de Naâma Asfari qui comparaissait dans ce procès.

Elles ont indiqué le refus de la Cour d’accepter les demandes de la défense d’exclure ces procès-verbaux du dossier, et dénoncé les expertises médicales tronquées présentées par la Cour sur la torture des accusés. Ces rapports qui se concluent tous par une absence de rapport entre les traces constatées sur les prisonniers avec des actes de torture. Elles ont présenté ces rapports de médecins marocains à quatre experts internationaux pour réaliser des contre-expertises. Ils attestent que les expertises marocaines ne sont pas crédibles et, au contraire, que les allégations des accusés le sont.»

Elles ont témoigné des conditions faites à la défense, où les avocats ont été sans cesse interrompus, voire insultés, jusqu’au moment où elles-mêmes ont été expulsées manu militari de la salle d’audience à la demande du président qui refusait de les entendre avant qu’elles se retirent de la défense à la demande des accusés. Me Ouled a eu une luxation du bras et une incapacité de travail de plusieurs jours, ainsi qu’il est indiqué dans le précédent article posté sur ce site.

Me Ingrid Metton et Olfa Ouled craignent, à l’instar des familles des prisonniers et des observateurs que de lourdes peines soient prononcés par la Cour d’appel, y compris pour les deux accusés qui ont comparu libres, leurs peines de deux ans de prison ayant été effectuées (voire au-delà) « pour des faits toujours indéterminés ».

Ci-joint le rapport de la défense

Le numéro de juin de la revue de l’AFASPA Aujourd’hui l’Afrique qui sortira prochainement, comporte un article sur le procès pour lequel l’association avait mandaté une observatrice, ainsi que sur les bateaux contenant du phosphate extrait illégalement du Sahara occidental, et retenus par les justice sud-africaine et panaméenne sur plainte du Front Polisario.