Aujourd’hui l’Afrique n°123 (de mars 2012) vient de sortir

S O M M A I R E

01. Rompre, enfin, avec la culture coloniale (Francis Arzalier)

02. Politique africaine de la France. Le bilan néocolonial de Sarkozy (Robert Lejeune)

05. La mise à mort de l’université ivoirienne (Michel Galy)

07. France-Afrique. « Coopération militaire » : le bâton et la carotte (Jean Chatain)

12. Du printemps arabe à l’« hiver des barbus » (Francis Arzalier)

15. Charles Ravoajanahary, passeur progressiste dans le XXe siècle malgache (J.-C. Rabeherifara)

19. Le Sahara au coeur de la tourmente (Bernard Bouché)

22. République Démocratique du Congo. Le fiasco électoral : Une violence inacceptable (Philippe B. Kabongo-Mbaya)

24. Corne de l’Afrique. Famine et recolonisation meutrière (Monique Houssin)

27. Flashes d’actualités africaines (Robert Lavaud)

29. Notes de lecture (Bernard Couret, Jacqueline Gascuel)

31. Ranohira, Madagascar. « Les Jardins de Lumière » : des espaces partagés créés dans des villages éclairés (Elisabeth Logié)

33. Accaparements de terres, nouvelle forme de colonialisme


Billet
Rompre, enfin, avec la culture coloniale…
Francis Arzalier

1972-2012 : 40 ans qu’Aujourd’hui l’Afrique fait entendre obstinément sa petite voix discordante pour dénoncer les héritiers des colonisateurs du Continent noir et du Maghreb qui y faisaient des coups d’Etat, les Foccart, les Bouygues et autres Bolloré qui y faisaient de juteux bénéfices… Qui y faisaient ? mais non, qui y font toujours la pluie et le beau temps, avec les bombardiers de l’OTAN en Libye, avec ceux qui s’assurent le contrôle des ports d’Abidjan et de Konakry etc.

Ce faisant, nous savons à quel point nous fûmes, sommes et serons en France marginaux, non seulement des pouvoirs politiques, financiers et médiatiques qui contrôlent le pays et bénéficient de l’inégalité entre les peuples, mais de l’opinion moyenne des Français.

La France est une puissance coloniale et impériale depuis quatre siècles, avec l’esclavage d’abord, puis le travail forcé, et aujourd’hui grâce à l’exploitation des richesses et des hommes des « pays du Sud ». Noirs ou blancs, musulmans ou chrétiens, immigrés ou chômeurs de Tunisie ou Dakar, les Africains ont hérité de rapports de force séculaires, imposés par la France et l’Occident ; et nous, Français, avons hérité de cette histoire une culture coloniale dont les meilleurs d’entre nous sont encore contaminés. On l’a bien vu depuis un an, à propos des aventures militaro-« humanitaires » de la France et de l’OTAN. La majorité de nos concitoyens continuent de penser, en toute bonne foi, que nous avons le droit d’imposer aux peuples africains notre conception de la démocratie, des droits de l’Homme, de la « protection des civils » contre leurs dirigeants, que sais-je encore…

On l’a vu avec Bernard-Henry Lévy, le tambour major de l’OTAN qui se prend pour un philosophe avec la complicité des propagandistes télévisés. Mais au-delà de cette caricature coloniale, on a entendu récemment certains irréfléchis, naïfs ou stipendiés, proposer que la Semaine anticoloniale soit cette année vouée à proposer une intervention militaire en Syrie, au profit d’un des protagonistes de la guerre civile ! Et pourquoi pas ailleurs, au Soudan, en Somalie, à Madagascar, au Sénégal, partout où les normes occidentales de « gouvernance » ne sont pas atteintes ?

40 ans que nous sommes trop seuls à le dire, y compris quand il le faut à nos amis : la France n’a pas vocation à régler les problèmes des peuples africains : ce sentiment soit disant humanitaire n’est qu’une resucée hypocrite du très vieux discours colonial.