Le décorum de « procès équitable » est tombé lors de la reprise le 8 mai du procès ouvert fin décembre 2016, séances en janvier, mars. Jouer la montre, les autorités marocaines n’ont cessé de le faire particulièrement dans ce procès qui concerne 24 militants sahraouis incarcérés depuis 7 ans et demi, dont le crime est de militer pour le droit de leur peuple à l’autodétermination. Le jugement du tribunal militaire qui les a condamnés à des peines allant de 20 ans à la perpétuité s’est tenu 2 ans et 3 mois après leurs arrestations. La cour de cassation a mis 3 ans et demi à statuer sur l’appel, alors que la loi prévoit qu’elle doit le faire dans les 3 mois qui suivent la demande.
La présence d’observateurs étrangers indépendants gêne tant cette justice aux ordres, qu’elle fait traîner la procédure pour tenter de les épuiser financièrement.
Au premier jour du débat de fond, un montage vidéo à charge, a été présenté par l’accusation comme une saisie. Intitulé « Vidéo des évènements sanglants survenus lors du démantèlement du camp GI – Opération de maintien de l’ordre menée le 8 novembre 2010 »,il n’est pas signé. On le trouve sur Youtube ! Je l’ai décrypté, d’une durée est 12 minutes, il comporte 68 plans provenant de 7 caméras et un téléphone portable . Il comporte des scènes au ralenti, des gros plans dans lesquels on ignore où et quand ils ont été filmés. Le texte final indique que ces actes « rappellent les dangereuses bandes qui agissent dans l’espace sahélo-saharien». Les sous-titres sont en Français alors que la langue des débats et les documents inscrits au dossier doivent être en Arabe. Interpelé à ce sujet, le Président répond « Je n’ai pas remarqué, je regardais les images ».
Pour s’en tenir à cette dernière cession,elle a dépassé l’imagination du plus mauvais scénariste de polar.
Alors qu’au tribunal militaire 8 policiers avaient été présentés comme témoins par l’accusation (un seul avait été entendu, il fut si « mauvais » que le président avait décidé de ne pas entendre les 7 autres), cette fois c’est une trentaine de témoins que l’accusation amène, dont une majorité de policiers. Des faux témoins qui peinent à débiter la leçon, à reconnaître les inculpés, il y a celui qui a vu Naâma Asfari distribuer des sabres le jour du démantèlement alors que ce dernier avait été arrêté la veille et se trouvait dans les pattes de ses bourreaux. Il y a celui qui dit avoir séjourné 12 jours dans le camps de Gdeim Izik, qui connaît tous les noms des inculpés mais ne se rappelle plus de ceux de ses voisins de tente… Par contre les témoins de la défense qui attestent que Naâma a été enlevé par la police dans leur maison, sont mis sur le gril comme lors d’un interrogatoire policier, le président leur reproche même de ne pas avoir été porter plainte pour cet enlèvement et de ne pas être allé au commissariat voir s’il y était!
Mais ce que les prisonniers politiques n’ont pas supporté c’est l’arrivée à la barre de faux témoins policiers ou non qui débitaient des mensonges et salissaient leur dignité de militants des droits de l’homme. Après ils se sont mis à chanter l’hymne national sahraoui et d’autres chants indépendantistes ; impossible de les arrêter et ça a duré une demi heure rapporte une observatrice espagnole. Quand un de leurs tortionnaire est arrivé à la barre ils se sont insurgés si fort dans cette grande salle qui résonne que le président a dû renoncer à poursuivre son audition.
Les avocats de la défense malmenés.
Depuis le début les objections ou les questions que posent les avocats de la défense sont très souvent refusées par le président qui est d’une grande complaisance avec des avocats de parties civiles dont la présence à l’audience est contestée puisqu’ils n’étaient pas présents au tribunal militaire. Pourtant ils ne se gênent pas d’occuper le temps des séances par des questions souvent hors sujet ou des hurlements de l’un d’eux.
Le paroxysme de maltraitance à l’égard des avocats eut lieu mardi 16 mai quand les inculpés ont décidé de ne plus se défendre. Leurs avocats marocains et sahraouis se sont retirés après avoir adressé chacun un mot à la Cour, ce qui a été refusé aux avocates françaises Me Olfa Ouled et Me Ingrid Metton. Devant leurs protestations, le président a demandé leur évacuation par les forces de police qui les ont brutalement sorties de la salle. Olfa Ouled souffre d’une élongation et d’un hématome au bras droit qui est enflé. Ingrid Metton a mal au dos.
Depuis les rares familles de prisonniers autorisées à assister au procès ont décidé de boycotter les audiences. Elles ont été vite remplacées sur les bancs par des figurants : des marocains et des marocaines habillées de melafas traditionnels sahraouis. Les observatrices indépendantes maintiennent actuellement leur présence. Elle nous rapportent que c’est devenu un festival de mensonges, à tel point que des observateurs invités par le pouvoir marocain sortent parfois de la salle pour ne pas voir et entendre certains témoins.
Un des inculpés a dit la semaine passé au président : « si le verdict est déjà prêt, pourquoi perdre du temps, annoncez-le » ce qui a profondément vexé ce dernier, mais il n’y a que la vérité qui blesse.
Le 17 mai au matin, les familles des prisonniers politiques et les nombreux sahraouis venus du territoire occupé ont mis leur rassemblement quotidien aux abords du tribunal sous le signe de la solidarité avec Me Olfa Ouled (voir photos jointes).
Montage vidéo de l’accusation : https://www.youtube.com/watch?v=9x-nEXtjS1Y