Les forces de répression marocaines ont envahi « le campement de l’indépendance » au petit matin du 8novembre 2010, incendiant les tentes, pourchassant dans le désert les 20 000 personnes à peine éveillées, tabassant à tour de bras. Le campement qui avait vibré de revendications anticoloniales, de rires, des chants, et de poésie durant 26 jours de bonheur n’était plus que champ de ruines quelques heures plus tard.
Un incroyable espace de liberté d’expression, imposé par les Sahraouis au nez et à la barbe de l’occupant qui a dû l’encercler de troupes pour qu’il ne progresse pas, puis que le colonisateur a été contraint à le supprimer du fait de ce qu’il représentait d’insupportable pour lui : une lutte pacifique et joyeuse enfin offerte aux yeux du monde,les journalistes occidentaux y venaient enfin, internet diffusait des photos et vidéos de Sahraouis revendiquant les droits individuels et collectifs d’un peuple colonisé, privé du bénéfice de ses richesses naturelles !
Nous les avons vus vibrer dans cet espace de liberté. Ils le paient cher une semaine après. En effet, l’AFASPA n’a pas les mêmes sources d’information que les « grands » médias français. Les défenseurs des droits de l’homme sahraouis qui ne sont pas arrêtés nous informent de chiffres et de découvertes macabres qui leur parviennent avec difficulté car la liberté de circulation ne leur est pas acquises et « la chasse aux militants » n’est pas fermée à Laayoune ni dans les autres villes du Sahara occidental et du sud du Maroc. A Guelmim ce jour 13 novembre une centaine de personnes ont été interpellées et questionnées sur leur présence à Laayoune qu’elles ont nié. La réaction ne s’est pas faite attendre, ils étaient plus de 500 Sahraoui(e)s dehors à manifester pour qu’on les relâchent.
Dans un puits à proximité du campement détruit, on a découvert 34 corps dont 18 de femmes. Près du fleuve Saguia El Hamra, là où la police emmène celles et ceux qu’elle enlève et torture, on a retrouvé 8 corps. Des familles ont recueilli des bébés et des enfants dont on ne sait pas qui sont les parents. Marie Marchand, militante de l’association des Amis de la RASD, présente à Laayoune lundi 8 a vu les policiers tabasser des écoliers que l’on renvoyait chez eux. Les journalistes français venus sur place en parleront-ils ? Pourquoi cette information ne leur parvient-elle pas ? La liste des morts nous devrons malheureusement la mettre à jour régulièrement jusqu’à l’établissement de la vérité, aujourd’hui impossible à établir car il y a plus de 150 personnes dont on n’a pas de nouvelles. Celles qui sont arrêtées dans les locaux de la police et de la gendarmerie seraient entre 600 et 700. Vendredi 12 une centaine de mineurs, arrêtés depuis lundi et mardi, ont été relâchés.
Enaama Asfari, co-président du CORELSO, que l’on a vu sur les vidéos tournées par les deux jeunes français, a été enlevé dimanche 7 à 21h. Il n’est réapparu que le jeudi 11 parmi 72 inculpés au Tribunal de Laayoune, dévêtu, le corps maculé de coups, mais la voix toujours claire et forte a rapporté un des témoins. Si 9 personnes ont été relâchées, 6 seront traduits devant le tribunal militaire de Rabat, dont Ennama Asfari, on l’aurait parié.
On comprend que les autorités marocaines aient expulsé le député européen Willy Meyer et le député-maire de Gonfrefille Jean Paul Lecoq qui venaient se rendre compte de la situation… des yeux et des oreilles qui ne devaient pas traîner en terre coloniale.
C’en était trop déjà pour elles d’avoir supporté la présence d’une vingtaine d’observateurs étrangers (dont 2 françaises) au procès à Casablanca des 7 militants sahraouis qui fut plus un épisode d’une mauvaise série B qu’une démonstration de la Justice dans un Etat de droit. À lire le compte-rendu ci-joint de la mission de Elise Taulet et Michèle Decaster).
La Grande Bretagne a protesté contre l’attitude des autorités marocaines et dépêche une mission d’observation. Elle présidera la séance spéciale du Conseil de Sécurité qui se tiendra mardi 16 novembre sur le sujet. La nouvelle ministre espagnole a demandé des explications aux autorités marocaines, d’autant qu’un des sahraouis tués est de nationalité espagnole.
Affaire à suivre