Madagascar : Gisèle Rabesahala, mère Courage et Mère de la nation, s’est éteinte à 82 ans à Antananarivo le 27 juin 2011
Née le 7 mai 1929 à Antananarivo, Gisèle Rabesahala était une grande figure de la vie politique, sociale et culturelle malgache, un modèle de patriotisme et de militantisme.
Engagée dès son jeune âge dans la lutte pour la souveraineté du pays, elle était de tous les mouvements de jeunesse solidaires de la libération des pays sous la tutelle coloniale. À 19 ans, Gisèle Rabesahala accepta d’être la secrétaire du groupe d’avocats qui assurèrent la défense des dirigeants du MDRM (Mouvement de Rénovation malgache), dont les parlementaires Raseta, Ravoahangy et Rabemananjara, au procès de 1948 organisé pour sanctionner et discréditer l’insurrection anticolonialiste et pour l’Indépendance de mars-avril 1947.
Elle avait 21 ans quand elle fonda, le 3 mai 1950, Fifanampiana malagasy, le Comité de Solidarité de Madagascar, pour maintenir les liens avec les emprisonnés de 1947 en leur envoyant vêtements, vivres, médicaments et nouvelles de leurs familles. Au-delà de leurs objectifs humanitaires, Gisèle et le Comité ont été constants et conséquents à dénoncer l’horreur de la répression et des conditions de détention, à faire face à l’iniquité des procès des nationalistes, et à contribuer à la réalisation l’unité nationale autour du thème de l’amnistie générale pour les personnes condamnées à la suite de l’insurrection de 1947. Devenue ONG, une fois l’indépendance recouvrée en 1960, Fifanampiana malagasy s’est impliquée dans l’aide aux plus démunis et dans les activités de développement, particulièrement l’appui aux actions de production dans les campagnes, la formation et l’éducation de l’enfance et de la jeunesse, l’application du droit à la santé, mais aussi l’aide aux victimes des catastrophes naturelles.
Gisèle a toujours participé activement au mouvement nationaliste pour la libération de Madagascar du joug de la colonisation puis de celui du néo-colonialisme. Fer de lance de la lutte pour la véritable indépendance, elle a été parmi les fondateurs du parti AKFM (parti du Congrès de l’Indépendance de Madagascar) dont elle a été jusqu’à sa « retraite politique » en 2006 la secrétaire générale. Elle a, par ailleurs, été journaliste co-fondatrice en 1955 du journal Imongo Vaovao, l’un des plus anciens médias de la place actuels. Elle avait aussi une place prépondérante à la tête du mouvement social comme responsable syndical : en 1977, elle co-fonda la FISEMARE (Confédération des syndicats des travailleurs malgaches révolutionnaires) dont elle a été la présidente d’honneur jusqu’à son décès.
Sous les couleurs de son parti, Gisèle a été promue ministre en charge, de 1977 à 1991, du portefeuille des Arts et de la Culture révolutionnaire. À la tête de ce département forcément désargenté elle a pu initier et réaliser le vaste chantier du recensement et de la promotion, valorisation et développement du patrimoine culturel matériel et immatériel de Madagascar : c’est dans ce cadre qu’elle a pu faire restaurer, entre autres, le palais du Premier ministre incendié en 1976. Elle a pu soutenir l’édition de livres, créer la Bibliothèque nationale, ouvrir des Maisons de la culture, mettre en place l’Office malgache des droits d’auteurs (OMDA), encourager artistes et créateurs à s’organiser en associations pour être mieux aidés, développer la scène théâtrale etc.
Une révision de la Constitution en 1998 a prévu la mise en place du Sénat en 2001. Gisèle Rabesahala a été la vice-présidente de cette chambre haute jusqu’en 2008. Dans la crise politicienne ouverte en 2009, elle a intégré les Ray aman-Dreny Mijoro (RRM), sorte de « Conseil des Sages de la nation », potentielle instance de médiation.
Passion, courage, patriotisme et humanisme caractérisent le parcours exigeant, cohérent et irréprochable de cette combattante déterminée pour la liberté et le développement. Son slogan leitmotiv « Que vienne la Liberté ! » reste plus que jamais d’actualité…
Respect !
(Jean-Claude Rabeherifara, 28 juin 2011)
À lire :
– Gisèle Rabesahala (1987), « Témoignage », Madagascar 1947. La tragédie oubliée, Textes rassemblés par F. Arzalier et J. Suret-Canale, Colloque AFASPA des 9, 10 et 11 octobre 1987, Université Paris VIII – Saint-Denis, Le Tempes des Cerises, pp.210-215.
– Gisèle Rabesahala (2006), Ho tonga anie ny Fahafahana ! Que vienne la Liberté ! , La Réunion, Océan éditions, 380p.
– AFASPA (2010), « Gisèle Rabesahala », Femmes d’Afrique, bâtisseuses d’avenir, Editions Tirésias, pp.170-171.