LUTTE CONTINUE DES PAYSANS D’IMIDER (Maroc)

Lors du récent FMAT 2016 (Forum mondial pour l’accès à la terre et aux ressources naturelles) de Valéncia, Espagne, des informations concernant des résistances de paysans des montagnes du sud-est marocain à Imider en lutte permanente depuis 2011 contre l’exploitation d’une mine d’argent appartenant au holding de la famille royale ont été partagées aux forumistes. Ci-dessus un article du journal Le Monde évoquant cette lutte. En fichier joint, le même article ainsi qu’un recensement récent des paysans criminalisés et emprisonnés par le pouvoir marocain.


LUTTE DE PAYSANS DES MONTAGNES

IMIDER (Maroc), un sit-in depuis 2011

Depuis cinq ans, les habitants de la commune d’Imider, au sud-est du Maroc, observent un sit-in permanent contre l’exploitation d’une mine d’argent appartenant au holding de la famille royale. Des militants, arrêtés dans des circonstances obscures sont condamnés par la Justice marocaine.


http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/02/17/le-villageois-marocain-qui-defie-la-mine-d-imider_4578354_3212.html

LE VILLAGEOIS MAROCAIN QUI DEFIE LA MINE D’IMIDER

par Soraya El kahlaoui (contributrice Le Monde Afrique, Casablanca), Le Monde.fr, le 17.02.2015

« La plupart des personnes qui ont aidé à relayer notre cause, je ne les ai connues qu’à travers Facebook ». L’homme est descendu du mont Alban où il vit à 1 500 mètres d’altitude. Depuis plus de trois ans, Brahim Udawd, 32 ans, vit dans un campement permanent. Avec les autres villageois, il s’obstine à priver d’accés à l’eau la société minière SMI avec laquelle ils sont entrés en conflit en juillet 2011. Brahim Udawd, comme les autres, a quitté son village d’Imider et, depuis, toute sa vie est dédiée au militantisme. « Un peu de bon temps et beaucoup de travail », lâche-t-il en souriant pour décrire son quotidien.

Le début de la lutte des villageois d’Imider contre la SMI a éclaté en juillet 2011. Ce sont d’abord les femmes du village qui ont exprimé leur colère. Elles n’avaient plus d’eau au robinet du fait de la surexploitation par la mine. Puis des étudiants qui n’avaient pas tous été employés, comme à l’habitude, par la SMI. Avec le temps, la lutte a pris une dimension globale. « Aujourd’hui, nous luttons pour la vie, insiste Brahim. Si notre terre est polluée, si notre air est pollué, si nous n’avons plus d’eau, si la mine nous prend toutes nos ressources, que restera-t-il aux générations suivantes ? »

Stratégie de boycott, désobéissance civile

Pour Brahim Udawd, le mouvement « On the Road ‘96 Imider » a bouleversé son quotidien. Aujourd’hui, toute sa vie tourne autour de la bataille contre l’entreprise minière. Stratégie de boycott, désobéissance civile, organisation des assemblées villageoises, voilà les seuls mots qu’il a désormais à la bouche. Pour lui, impossible de retourner à une vie normale tant que la situation d’Imider n’est pas réglée.

Non sans fierté, il raconte comment les militants de la « zone à défendre » de Nantes sont venus à leur rencontre pour échanger avec eux sur les stratégies de lutte. Amusé, il décrit avec précision chacune des techniques mises en place par la ZAD pour déstabiliser la police. « Nous devons sans cesse renouveler notre manière de lutter », répète-t-il sans cesse. D’ailleurs, en trois ans et demi, le mouvement a connu une grande évolution.

Aujourd’hui, le campement au sommet du mont Alban est construit en dur. Chaque villageois tient le sit-in devant sa petite maison composée d’une pièce carrée où l’on peut souvent voir des dessins et des inscriptions de Bertold Brecht. Les femmes ont également leurs maisons. Elles aussi participent à garder le nouveau village des désobéissants. Demain, ils espèrent même pouvoir y installer l’énergie solaire.

Contribuer au développement local

Brahim Udawd insiste sur le caractère apolitique et indépendant du mouvement. « Notre seul souci est de régler les problèmes sociaux d’Imider », ajoute-t-il et, pour cela, ils ont établi un diagnostic des sept villages de la commune d’Imider. « Nous ciblons les problèmes et nous proposons des alternatives, dit-il. Par exemple, nous avons proposé de regrouper les écoles et de mettre en place un système de transport reliant les villages pour remédier au manque d’infrastructure. Les anciennes écoles pourront d’ailleurs être transformées en crèche ».

Pour lui, la société minière doit contribuer au développement local de la commune rurale comme dédommagement de son exploitation. « Un jour la mine va partir, d’ailleurs ils ont déjà investi dans de nombreux pays en Afrique, et nous n’aurons plus rien. La SMI doit prendre en charge le développement local et assuré des activités créatrices de revenus », lance-t-il d’un air déterminé. Une chose est claire pour ce villageois en colère : Imider n’a aucune raison d’être la commune la plus pauvre de la région, alors qu’elle est la plus riche en ressource.

Soraya El kahlaoui, contributrice Le Monde Afrique, Casablanca

En savoir plus sur : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/02/17/le-villageois-marocain-qui-defie-la-mine-d-imider_4578354_3212.html#fPwbOQi8u6FmrPgU.9