C’est à l’Assemblée Nationale, à l’invitation de Marie Hélène Amiable, députée que s’est tenu le 18 juin dernier un colloque qui a rassemblé un parterre de militants des droits de l’homme et des défenseurs de la démocratie autour de Maghrebines qui ont fait part de leurs expériences, de leurs espoirs et de leurs luttes. Les organisateurs ont donné l’occasion à des Tunisiennes, Marocaines, Algériennes, Lybiennes, Sahraouies de croiser leurs regards et de témoigner de leur participation au formidable et prometteur mouvement populaire qui seccoue la région. Hayat Berrada-Bousta, ancienne exilée politique marocaine a tiré une synthèse des travaux que nous reproduisons ci-dessous.
LES FEMMES DU MAGHREB DANS LEURS LUTTES POUR LA DEMOCRATIE ET L’EGALITE DES DROITS
Colloque organisé par le collectif Maghreb à l’Assemblée nationale – 18- juin 2011- Paris
SYNTHESE
Suite à ces différentes interventions précises et intéressantes, il est difficile de faire une synthèse. Mais, essayons…
Je tiens tout d’abord à remercier le collectif Maghreb de m’avoir invité à faire cette synthèse en ces moments tant attendus par une génération de femmes et d’hommes qui jamais n’ont baissé les bras pour que l’emporte le combat pour la dignité, les droits et la liberté. Ceci pour 2 raisons:
Le thème de ce colloque place cette question dans le cadre des mouvements pour la démocratie, au delà des situations concrètes vécues.
Juin 1981 à Casablanca au Maroc – Juin 2011, les mouvements des peuples même sauvagement réprimés ne renonceront jamais comme nous l’ont si bien exprimé toutes ces jeunes femmes dans leurs pays d’origine ou immigrées en France.
Quels sont les points communs à toutes ces interventions:de la Tunisie à la Lybie en n’oubliant pas les femmes immigrées maghrébines en France.
1- Dans tous ces pays, nous sommes face à des régimes autoritaires et corrompus avec les complicités des pays occidentaux comme l’a souligné une intervention dans la salle.
2- Utilisation par ces systèmes de la violence sous toutes ses formes:
par les pouvoirs: violences physiques employant le viol comme l’a souligné l’intervention de Salha Ashtioui, fondatrice du comité 17 février en Libye ou encore les violences verbales ( traiter les jeunes filles de prostituées..) comme l’a souligné Amina Boughalbi, co-animatrice du mouvement du 20 février au Maroc)
Dans les espaces privé et public comme l’a souligné Fouzia Maqsoud au sujet des femmes maghrébines en France tributaires de situations administratives dépendant du conjoint et des effets de conventions bilatérales.
3- L’impact de l’Islam comme religion d’Etat avec ses traductions différentiées. L’affiliation religieuse maintient les femmes du Maghreb dans une situation de non égalité des droits en particulier sur les droits à l’héritage comme l’ont souligné les différentes interventions.
Dans le cadre de ces points communs, les spécificités tiennent compte de l’histoire de chaque pays et des différents combats pour assoeoir leur reconnaissance et leurs droits.
En Tunisie, comme l’a si bien souligné Nadia Chaabane, militante féministe,même si le code du statut personnel est plus avancé que celui des autres pays, la place des femmes a tété infériorisée « considérees comme épouses, mères et filles ».
Les relations sexuelles hors mariage sont criminalisées et passibles de 6 mois d’emprisonnement.
Alors qu’il n’y a pas de référence religieuse au niveau de l’Etat tunisien, il y a filiation dans le code du statut personnel; ce qui a un impact sur les droits à l’héritage, les mariages d’un non musulman avec une musulmane est interdit…
L’intervention a mis l’accent sur la participation des femmes depuis bien longtemps dans la reconstruction du pays.
« Liberté, dignité et égalité » sont les 3 mots souvent martelés.
Partant du contexte tunisien actuel , Nadia Chaabane a insisté sur le fait que le préalable à ces mouvements est « l’égalité citoyenne comme corollaire l’égalité hommes-femmes ».
Les marches pour la laïcité des jeunes inscrivent le principe de l’égalité dans la constitution avec la séparation des sphères religieuse et politique.
Egalité des droits et conservations des acquis ntérieurs sont l’essentiel du pacte républicain qui a été saisi par la Haute Instance
Au Maroc, Amina Boughalbi, venue du Maroc, co animatrice du Mouvement du 20 février a fait un témoignage très vif sur la genèse du Mouvement du 20 février au Maroc qui s’organise depuis le 20 janvier.
Elle a rappelé les différentes revendications autour de la démocratie et la dénonciation des fausses promesses: constitution démocratique dans le cadre d’une asseblée constituante, séparation des pouvoirs…
Ces Mouvements ont ouvert un large débat sur l’égalité hommes/femmes et la dignité des femmes.
Le pouvoir a alors réagi en démystifiant ce combat et en injuriant et tabassant des jeunes filles et jeunes femmes.
Les militantes ont soutenu les détentions arbitraires des femmes ( appui juridique essentiellemnt).
En Algérie, l’intervention de Fériel Lalami Fates, militante féministe a mis l’accent sur le code du statut personnel rétrograde mais aussi sur les combats antérieures des femmes pour l’égalité. Sans remonter à la période de lutte pour l’indépendance, les année 80-90, le mouvement indépendant a dénoncé le code de la famille de 1981 qui discrimine de manière insultante les femmes avec « une hiérarchisation de l’épouse »
Si, en 89-91, on pouvait noter une certaine liberté publique avec liberté de vote, la période violente a affaibli et « désorienté » le Mouvement féministe comme « l’ensemble des forces politiques »
L’intervention a souligné l’interaction entre démocratie et égalité des droits hommes/femmes.
En Lybie, Salha Ashtioui, fondatrice du comité du 17 février, a souligné que « le taux de scolarisation pour les femmes est plus important que celui des hommes » car les conjoints doivent arrêter leurs études pour subvenir aux besoins des familles. Car il est « le maître de maison ».
Depuis 1980, les étudiantes et étudiants ont été réprimés et plusieurs d’entre eux sont en exil.
Le viol est une arme habituellemnt utilisée pour intimider les femmes militantes.
L’intervention a mis l’accent sur la visibilité plus importante des femmes et leur contribution pour protéger les manifestants.
En France, l’intervention de Fouzia Maqsoud, militante de l’immigration sur l’incessante lutte des maghébines de France pour l’égalité des droits a mis l’accent sur les doubles discriminations des femmes immigrées.
En plus des discriminations rencontrés en rapport avec les dispositifs mis en place par l’Etat français sur les immigrations ainsi que les discours racistes et xénophobes, les femmes imigrées sont tributaires non seulement des codes du statut personnel dans leurs pays respectifs mais surtout des effets des conventions bilatérales qui engendrent mariages forcés, violences conjugales des femmes qui ont peur de poryter plainte car leus situation administrative ( séjour) dépend de leur mari.
Toutes ces interventions ont mis l’accent sur le rôle des femmes dans tous ces pays.
Elles ont été un flambeau en Tunisie, elles ont étendu leur participation populaire dans des villes et villages au Maroc, malgré les années de violence en Algérie, elles imposent la nécessité de leur égalité et citoyenneté et elles ont été à l’initiative des mouvements en Libye.
Les revendications sont identiques: liberté, dignité et donc Egalité.
La peur a changé de camp
Les femmes sont de plus en plus visibles
La revendication de la reconnaissance de la citoyenneté au delà des spécificités féminines
L’unité de différentes tendances dans tous ces mouvements
Une dialectique entre Démocratie et égalité hommes/femmes sans oublier les revendications spécifiques posées au début de ces rendications: il ne s’agit plus d’accepter une hiérachisation des combats pour la démocratie qui consiste à affirmer que la question d’égalité hommes/femmes sera considérée après…
La non application de traités internationaux signés comme l’a souligné une intervention dans la salle en spécifiant qu’au Maroc « on est champions de signatures de traités qui ne sont pas appliqués »
Si nous avons eu des trajectoires croisées des femmes en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Lybie, n’oublions pas les femmes en Mauritanie qui, dans les faits subissent l’esclavage,
Ni les réfugiées subsahariennes dans les camps d’Oujda qui subissent des viols à répétition
Hommage aux femmes iraniennes du Mouvement vert comme l’a souligné une intervenante iranienne: elles ont su brader des interdits d’un autre siècle en utilisant touts les formes de lutte dont le dessin animé « Persepolis »
Espérons que les saoudiennes pourront sortir de l’obscurantisme où les confine la monarchie saoudienne.
Quant aux femmes sahraouis, comme l’a souligné une intervention au débat du mouvement des femmes sahraouies, elles participent de manière importante dans la vie administrative, à l’éducation des enfants et ce , dans un contexte très difficile. Elles sont victimes de viols et de tortures par « les aurorités dans les territtoires occupées »
Si vous le permettez, je souhaiterai conclure cette synthèse en soulignant à l’instar de toutes les interventions que cette jeunesse qui écrit l’histoire de nos démocraties à venir sont aussi la continuité de ces femmes résistantes et combattantes pour l’indépendance de leurs pays , de ces femmes détenues et parfois assassinées pour leurs idées, de ces femmes exilées et séparées de tout lien familial…mais souvent femmes oubliées.
Elles ont écrit la Mémoire des peuples dans la souffrance, dans le déchirement, dans l’abnégation mais surtout dans la persévérance éternelle
Nous avons besoin de cette endurance pour que jamais le mépris l’emporte sur la dignité…Nous en avons d’autant plus besoin que les notions de démocratie et de vérité sont banalisées, instrumentalisées par les pouvoirs..
Hommage à toutes ces femmes qui ont fait, font et continuent d’écrire l’histoire des peuples et surtout qui nous incitent à ne pas baisser les bras face à l’injustice, le non droit et le mépris des peuples..
Leur vigilance est exemplaire. Leur engagement désintéressé. Leur humilité est le plus bel exemple de dignité…
Hayat Berrada-Bousta, ancienne exilée politique