La découverte en Afrique du Sud l’enregistrement des 9 mois du procès de Rivonia,financé en son temps par les USA dans le but de s’en servir contre les militants communistes américains, est une mine extraordinaire à partir de laquelle le journaliste Nicolas Champeaux et le réalisateur Gille Porte ont réalisé un film pour lequel le dessinateur Oerd a magnifiquement remplacé les images manquantes du procès par des dessins qui nous installent sur les bancs de la salle d’audience. Jacqueline Derens, militante anti apartheid a écrit cette présentation du film pour la revue du SNES qu’elle nous a envoyée.
L’Etat contre Mandela et les autres
À partir des archives sonores du procès de Rivonia, restaurées par l’INA, Nicolas Champeaux et Gilles Porte nous offrent un OCNI, car comment identifier un objet cinématographique qui relève du documentaire, de l’animation et du témoignage ?
En octobre1963, huit responsables de l’ANC comparaissaient devant la justice sud-africaine pour trahison et sabotage ; le procureur Percy Yutar voulait leur peau ; un groupe d’avocats, hostiles au régime d’apartheid, n’a pas hésité à prendre la défense des accusés. Parmi eux, Nelson Mandela, lui-même avocat qui décida de plaider sa défense et celle de ses compagnons. L’histoire a retenu ses paroles : un plaidoyer contre le régime d’apartheid et un hymne à la justice et à la liberté.
Mais ils étaient neuf dans le box des accusés : six noirs, un indien et deux blancs, dont un, Lionel Bernstein, fut acquitté. Au moment du tournage du film, trois étaient encore en vie : Ahmed Kathrada, Andrew Mlangeni et Denis Goldberg. Faire entendre leur propre voix à ces trois survivants, au procès qui a changé leur vie et celles de leurs proches, saccagées par le régime d’apartheid, est un moment particulièrement émouvant.
Comme il n’y a pas d’images du procès, le dessin d’animation les remplace. On voit alors sur l’écran un procureur, tout vêtu de noir, l’incarnation parfaite du méchant, face à des petits bonhommes rondouillards et grimés qui le renvoient dans les cordes en lui expliquant qu’il a tort et qu’eux sont du bon côté de l’histoire et qu’ils sont prêts à mourir pour une cause juste.
Le film tient en haleine le spectateur jusqu’au dénouement : le verdict en juin 1964 qui les condamne à la prison à vie, l’explosion de joie de leurs proches, la détermination de la jeune Winnie Mandela à continuer la lutte.
Pour les plus anciens et pour les plus jeunes, ce cocktail cinématographique, résonne comme message d’espoir et un appel à ne jamais accepter, l’inacceptable.
Jacqueline Dérens