Le numéro 118 de la Revue Aujourd’hui l’Afrique est paru (décembre 2010)

* Billet de Francis Arzalier : La nation et les bouc émissaires
(Texte intégral ci-dessous)

TRAGEDIES
* Des Sénégalais de l’an 40 dans l’Oise par Françoise Rosenzweig

HEROS* Africains maquisards des forêts de Bavières en avril 1945 de Capitaine Honorat (extrait de Tropiques 1953)

PARTENARIATS * Coopération Sud-Sud et pays africains par Patrice Allard

MONDIALISATION CAPITALISTE * L’affaire du Probo-Koala : l’Afrique doit-elle être la poubellle de l’Europe? par Tanella Boni

Procès et indemnisations par Jacqueline Gascuel

MAROC * Mal-développement aggravé et violence d’état dans les montagnes rifaines par Gérard Faÿ

RWANDA * Rwanda 1994. Quand Turquoise abritait Radio Mille Collines par Jean Chatain

MALI * Bienvenue à l’AFASPA, Honorable Député Oumar Mariko propos recueillis par Delphine Deporte

SAHARA OCCIDENTAL * Bienvenue à l’AFASPA à l’inébranlable Sahraoui Brahim Sabbar propos recueillis par Michèle Decaster

POLAR POLITIQUE * Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb par Phillipe Paraire

*17 octobre 1961 par Francis Arzalier

POINT DE VUE * L’évolution du statut et de la situation des femmes en Afrique par Danielle Lefeuvre-Lavaud

EPHEMERIDE * Flash d’actualités africaines par Robert Lavaud

LIVRES * Notes de lectures par Jacqueline Gascuel et Bernard Couret

CLÔTURE * Burkina Faso Une indépendance virtuelle, des dépendances réelles par Adam Igor


Billet
La nation et les boucs émissaires
Francis Arzalier

Il était une fois une nation de rêve, constituée de 2000 ans par des migrations successives : Gaulois, Romains, Francs et Burgondes, autres fois… Ce peuple très divers depuis son origine, si divers d’une région à l’autre par ses langues, ses croyances, ses modes de vie, fit en 1789-1793 une grande révolution, proclamant fièrement à la face du monde : « Est de nation française qui le veut et respecte ses lois, où qu’il soit né, quelle que soit sa religion, sa croyance, sa langue ou sa couleur de peau ». Et durant les deux siècles suivants, le 19e et le 20e, cette nation sut s’enrichir de millions d’étrangers d’origine, des juifs et des athées, des Italiens et des Polonais, des Africains musulmans ou non, des visages rougeauds et d’autres noirs, et même, il y a un demi-siècle à peine, de quelques aristocrates hongrois désargentés, tels le comte Sarkozy de Nagy-Bosca… Et tout cela fonctionnait à merveille, malgré les abrutis et les aigris, toujours prêts à trouver un étranger coupable quand quelque chose allait de travers. Les juifs, longtemps, leur servirent de boucs émissaires, puis les « macaronis », « pollaks », et enfin les « bouniouls ». Cex aigris ont toujours existé en France, comme ailleurs : l’exemple des dénonciateurs de soldats africains dans l’Oise en 1940 le révèle. Ils ne deviennent un danger qu’en période de crise, durant l’occupation nazie et la collaboration pétainiste par exemple.

Nous sommes en 2010 dans une de ces crises politiques et sociales, en France, organisée par des dirigeants sans scrupule : le monarque, tambour qui parle à tout propos, son compère Hortefeux, policier avenant comme un menhir d’Auvergne, et Besson qui joue si bien les traitres de théâtre. Leur objectif est double et contradictoire : détruire un maximum de conquêtes sociales (retraite, sécurité sociale, services publics) et, malgré ce, se maintenir au pouvoir lors d’élections. Pour cela, un seul moyen, jouer des peurs, des sentiments les plus bas, les plus racistes, annoncer que tout le mal vient de boucs émissaires, les étrangers, les Africains, les Roms, que sais-je, tous ont le même usage, affoler les gogos, leur faire oublier que c’est Sarkozy qui multiplie la pauvreté et, en conséquence, l’insécurité, et non les immigrés qui seraient délinquants de naissance.

Le monde entier, ébahi, a honte pour la France actuelle, déshonorée par ses politiciens dirigeants. Nous ne nous reconnaissons pas plus dans le discours haineux qu’ils tiennent à l’égard des citoyens étrangers ou de parents étrangers, qu’il y a 50 ans dans la férocité des pratiquants de la torture en Algérie.

Messieurs les fabricants de boucs émissaires, que vous soyez ministres, journalistes, ou amis de Le Pen et ses émules, vous n’êtes pas notre France, vous n’êtes pas la nation française.