Le n°122 (de décembre 2011) d’AUJOURD’hui l’Afrique vient de sortir

Aujourd’hui l’Afrique, revue trimestrielle de l’AFASPA

Le n°122 (de décembre 2011) vient de sortir


* S O M M A I R E *

01. Afrique sahélienne Le temps du chaos, par Francis Arzalier

02. Libye : Un second souffle, par Bernard Couret

06. Tunisie. La bourgeoisie occupe toujours le palais et les jardins et sert du jasmin à la sortie des mosquées, par Harana Paré

07. Cameroun. L’élection présidentielle et après, Déclaration de l’UPC

08. Paul le Françafricain, par Hassan Moali (Al Watan)

09. Maroc en résistance

>>>>>09. Le défi démocratique, par Michèle Decaster

>>>>>10. Solidarité et droits de l’homme proscrits

>>>>>11. Journaliste, un métier à haut risque

>>>>>11. Champion mais contestataire

>>>>>11. Le rappeur baîllonné

12. Itinéraire d’un rebelle : Mongo Beti, par Robert Lavaud

15. Les accaparements capitalistes massifs de terres poretent atteinte à la souveraineté allimentaire. Quelles résistances des populations ?, par Jean-Claude Rabeherifara

19. Pour l’honneur du peuple français, par Michel Berthélémy

22. Un député UMP n’a pas approuvé l’intervention française en Libye

24. Cachez ces têtes qu’on ne saurait voir…

25. Bienvenue à l’AFASPA Dr Lolo, Jean-Claude Rabeherifara

26. Résolution du XVe Congrès du Comité de solidarité de Madagascar

27. Flash-back sur l’Exposition coloniale de 1931, par Elisabeth Logié

28. Flashes d’actualités africaines, par Robert Lavaud

30. Notes de lecture, par Bernard Couret

31. Kamerun : l’histoire interdite, par Monique Houssin

33. Colonialisme, impérialisme et migrations, par Aujourd’hui l’Afrique


B I L L E T

Afrique sahélienne : Le temps du chaos
Francis Arzalier

Il en est de la guerre comme des incendies volontaires : les pervers qui les déclenchent ne savent pas jusqu’où les flammes s’étendront.

La guerre coloniale menées par les dirigeants de la France et l’OTAN, en Libye, au service d’insurgés fortement teintés de régionalisme tribal et d’intégrisme, a d’ores et déjà ramené le pays au niveau de l’Irak à l’issue de l’invasion nord-américaine : des dizaines de milliers de morts, des infrastructures détruites, une économie ruinée, alors qu’elle prospérait auparavant grâce au pétrole, au gaz et aux travailleurs immigrés. Pour une longue période, les populations de Libye seront déchirées entre factions armées rivales dont aucune ne contrôle la totalité du territoire. Dans le meilleur des cas, la Libye qui couvait des projets de développement industriel autrefois, sera un exclusif fournisseur de matières premières aux firmes occidentales.

Mais le bilan de ce conflit est plus grave encore pour toute la partie méditerranéenne et sahélienne de l’Afrique. Il ne faut certes pas compter sur les « grands » médias français pour nous en informer : ils se sont faits depuis quelques mois les porte-parole exclusifs de l’OTAN et de ses protégés. Mais il suffit de lire régulièrement la presse d’Algérie pour y glaner des faits irréfutables et inquiétants. Ainsi le quotidien El Watan a publié le 8 septembre 2011 un dossier réalisé par la journaliste Salima Tlemçani, résumé en titre de première page : « AQMI, armées libyennes, cocaïne, jeu des grandes puissances : le Sahel peut-il échapper au chaos ? »

Le dossier est implacable et d’autant plus crédible que le quotidien El Watan ne s’était pas signalé ces derniers mois par son opposition à l’intervention occidentale mais par de virulentes dénonciations de Khadafi : les ministres des affaires étrangères du Mali, du Niger, de Mauritanie et d’Algérie, réunis à Alger « s’accordent à dire que la circulation des armes, d’explosifs, les mouvements d’anciens combattants en provenance de Libye, et le retour des personnes [travailleurs immigrés] vers leur pays d’origine, constituent une nouvelle menace » pour une sous-région que le représentant du Mali définit ainsi : « vulnérabilités naturelles liées aux rébellions pour des revendications identitaires [Touaregs], une situation socio-économique négative, une criminalité transfrontalière avec 40 tonnes de cocaïne qui transitent annuellement, des groupes terroristes d’AQMI qui se ressourcent financièrement des rançons ». Celui de Mauritanie a dénoncé dans cette immensité désertique de 8 millions de km2 (!). « la circulation importante des armes, le recrutement des jeunes par les organisations extrémistes, les réseaux djihadistes, les trafiquants de drogue et de l’immigration clandestine ». Le représentant du Niger a été le plus alarmiste en précisant les conséquences collatérales du conflit libyen : « des armes de gros calibre circulent en grand nombre ; le 12 juin, l’armée nigérienne a intercepté une cargaison de 500kg de Simplex (explosif très puissant) ; des réseaux de combattants libyens ont détourné de nombreuses colonnes de voitures tout-terrain ; les groupes d’AQMI ont réussi à étendre leur champ d’action jusqu’au Nigeria pour faire jonction avec les groupes terroristes « Boco Haram » ainsi que le Maroc, pour rallier les djihadistes locaux ». Face à ces risques, les trois ministres sahéliens ont précisé que le moyen de les combattre n’était pas exclusivement sécuritaire mais exigeait le développement de la sous-région, bien compromis, et la lutte contre la pauvreté qui est le vivier de cette insécurité. Les représentants occidentaux présents à cette rencontre d’Alger, eux, proposent leurs services, leurs armes, leurs soldats, et même, avec les USA, la main-mise sur les opérations anti-terroristes sous l’égide d’Africom ou de l’OTAN : autrement dit, les premiers responsables du chaos qui se dessine se présentent en pompiers ! Comme si l’expérience de l’enfer somalien après l’intervention militaire des USA et de son allié éthiopien ne suffisait pas.

La nouvelle offensive coloniale en Afrique, décidément, risque d’avoir des conséquences encore pires que les empires du siècle dernier.