Le site portugais Por un Sahara libre dénonce l’engrenage judiciaire dans lequel le gouvernement marocain enlise la situation des prisonniers politiques sahraouis du groupe de Gdeim Izik :
Un an après la confirmation de leur peines les prisonniers politiques sahraouis sont toujours torturés dans les geôles marocaines, dans l’attente d’une nouvelle décision de la Cour suprême marocaine.
L’attente de cette décision donne de l’espoir aux prisonniers, aux familles et à leur soutien. En effet, en 2016, l’agenda politique marocain a conduit à l’annulation du jugement du Tribunal militaire considéré comme inéquitable, injuste et illégale par plusieurs ONG et institutions. En réalité, cette annulation a permis au Royaume du Maroc d’arguer de ce que les prisonniers n’avaient pas épuisé les voies de recours internes et d’empêcher ainsi l’application des décisions onusiennes, tel que celle du Comité contre la Torture ou l’avis du Groupe de travail contre la détention arbitraire. De même, la séparation des pouvoirs permet au Royaume de ne pas libérer ces prisonniers innocents à défaut d’une décision judiciaire en ce sens.
Seulement, un lecteur averti sait bien que la Cour de cassation ne peut être saisi que de questions de droit ; elle ne saurait revenir sur les faits. D’ailleurs, elle a renvoyé, en 2016, l’affaire devant la Cour d’appel de Rabat sans conclure à la libération immédiate des prisonniers tout en constatant qu’il n’existait aucune preuve de leur culpabilité autre que des aveux rédigés par la police et la gendarmerie royale. Cela signifie que huit ans après les premiers actes de tortures auxquels les prisonniers ont été soumis, aucune enquête n’a été ouverte alors même que c’est ce qui aurait permis de conclure à la nullité de ces procès-verbaux. Et donc, de conduire à la libération des prisonniers.
Aujourd’hui, personne ne sait quand la Cour de cassation rendra cette décision. Ce qui est néanmoins certain c’est qu’aucune enquête sur les faits de torture ne sera exigée par la Cour.
Pire, la procédure risque encore de durer en cas de nouveau renvoi à une Cour d’appel. Il faut encore y voir une nouvelle tentative des autorités marocaines de gagner du temps ; comme si la situation actuelle était parfaitement légale. Toutefois, cette dernière viole les principes les plus basiques des droits des prisonniers. A défaut de jugement définitif, ces prisonniers restent sous détention provisoire depuis 8 ans malgré leur innocence. Or, un Etat démocratique ne garderait pas des hommes emprisonnés huit ans sans jugement définitif, en s’abstenant d’enquêter sur les faits de torture.
Cette absence d’enquête ainsi que les violations graves et quotidiennes des droits fondamentaux des prisonniers ne posent pas problème au Royaume du Maroc qui se contente de rappeler la souveraineté dont il jouit pour, d’une part, s’asseoir purement et simplement sur l’interdiction formelle de pratiquer la torture et d’autre part, violer les appels onusiens.
Les prisonniers sont tous dans un état de santé inquiétant : des dommages irréversibles à leur santé sont déjà existants. Privés de lumière pour la plupart d’entre eux, enfermés dans des cellules pendant 22 heures voire toute la journée, sans aucune aide médicale. Outre les dégradations physiques, ils souffrent de dépressions sévères et n’ont plus aucun espoir.
Ces traitements inhumains visent à tuer ce qu’il reste de ces hommes innocents. Il sera encore temps pour le Royaume de trouver des excuses pour libérer les plus faibles et les laisser mourir dans l’indifférence à l’instar du prisonnier politique de ce groupe Mohamed AYOUB mort en février dernier suite aux tortures subies.
Il est donc plus que nécessaire que les institutions internationales rappellent au Royaume son obligation de coopération pour donner sens au droit international public. La ratification des instruments internationaux tels que la Convention des Nations Unies contre la torture et son Protocole facultatif est, en effet, insuffisante à ce stade, le Maroc refusant d’appliquer toute recommandation ou décision concernant les prisonniers politiques sahraouis. La reprise systématique de la torture des prisonniers depuis un an n’est finalement qu’une autre une provocation ouverte et ne saurait être justifiée par la prétendue nouvelle saisine de la Cour de cassation.