Marchandage au Conseil de Sécurité de l’ONU, agitation médiatique en Afrique, effet d’annonce au Maroc… tout y est passé pour masquer l’embarras d’un colonisateur dos au mur, face à un peuple qui ne démord pas de son droit international à l’autodétermination.
Rappel des faits :
En mars 2016, le roi du Maroc expulsait 75 membres civils de la MINURSO, chargés principalement de l’organisation du référendum d’autodétermination au prétexte que Ban Ki-moon aurait évoqué la partie occupée du Sahara occidental. Expulsion accompagnée d’une campagne médiatique d’insultes à l’égard du Secrétaire général de l’ONU. Le roi du Maroc mettait ainsi au défi l’organisation internationale.
Fin avril 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU en renouvelant le mandat de la MINURSO, donnait trois mois au Maroc pour rétablir la mission dans sa plénitude. Trois mois, c’est court pour se sortir d’une telle injonction sans perdre la face !
Ce fut donc l’heure de nouvelles diversions : à la mi-juillet 2016, en marge du sommet de l’Union Africaine, le Maroc annonce avoir exprimé son intention en vue d’intégrer l’Union Africaine, alors qu’il a quitté l’Organisation de l’Unité Africaine en novembre 1984 après l’admission de la RASD. Contrairement à ce que certains médias marocains ont sous-entendu, le sommet de l’UA n’a pas traité de la question. C’est l’ami du roi, Idriss Dehbi président en exercice de l’UA, qui fut chargé de remettre une lettre d’intention à Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine. La lettre du roi du Maroc est d’ailleurs méprisante à plus d’un titre pour les pays africains et les dirigeants de l’époque. L’adhésion de la RASD est qualifiée « d’effraction, de connivence » (…) « une tromperie, un détournement de procédures, au service d’on ne sait quels intérêts. Un acte comparable à un détournement de mineur, l’OUA étant encore, adolescente à cette époque » (…) « une erreur historique et un legs encombrant. » Et de s’interroger sur une « contradiction évidente » de la position de l’Union africaine avec la légalité internationale ! De la part d’un monarque qui ne respect ni ses lois, ni les conventions qu’il signe, ni la Charte des Nations Unies, c’est pathétique ! Au final il estime (en toute modestie) qu’il lui sera plus facile de « soigner de l’intérieur que de l’extérieur» le «corps malade » de l’UA !
La réponse de la Commission fut claire : l’Acte constitutif de l’Union africaine «ne contient pas de disposition relative à l’expulsion d’un membre quelconque de l’Union».
Le roi du Maroc ne ménage pas ses efforts du pour se faire des alliés parmi les dirigeants africains. Outre les investissements qu’il fait à droite, à gauche, et qui rapportent à sa holding ou celles de ses partenaires, il se pare de la lutte antiterroriste en formant des imams d’Afrique de l’ouest et envoyant son armée dans des pays qui devront bien sûr lui en être reconnaissants. Etonnant que le commandeur des croyants ne s’inquiète pas plus sur les motivations des vocations djihadistes de ses ressortissants qui fuient le pays.
Fin juillet 2016, le Conseil de Sécurité de l’ONU entérinait le retour de 25 membres de la MINURSO sans donner de délai au Maroc pour revenir à la plénitude de sa capacité. Le lendemain on annonçait au Maroc l’annulation du verdict du Tribunal militaire de Rabat par la Cour de Cassation qui avait condamné en février 2013, vingt-trois civils sahraouis (incarcérés depuis 27 mois), à des peines de prison de 2, 20, 25, 30 ans et allant à la perpétuité pour 9 d’entre eux. Un verdict énoncé sans preuve, sur la base de rapports de police et d’aveux extorqués sous la torture, au cours d’un procès dont les organisations internationales de défense des droits de l’homme indépendantes ont dénoncé le manque d’équité. Un procès qui n’a pas fait la lumière sur ce qui s’est passé lors du démantèlement violent du campement de Gdeim Izik comme l’attendaient les familles des victimes.
Une nouvelle fois, lors de la séance de cassation, la loi n’a pas été respectée. Les avocats des condamnés ont été prévenus deux jours avant sa tenue et non cinq jours, ce qui a empêché les avocats sahraouis d’y assister. L’avis de cassation de leur procès a été remis à chacun des prisonniers le 29 juillet 2016, avec un renvoi devant la Cour d’appel de Rabat, sans indication de la motivation de la cassation, sans avis de détention préventive, ce qui aurait dû, en toute logique, conduire à leur libération immédiate… ce n’est pas le cas, ils sont embastillés depuis 5 ans et 9 mois, dont 27 mois de détention provisoire !
Autre illégalité : le renvoi devant le Tribunal de Rabat alors que les faits reprochés aux militants se sont déroulés au Sahara occidental, leur pays d’origine occupé par le Maroc. Or, ni l’ONU, ni aucun pays au monde, n’a reconnu la souveraineté du royaume sur le Sahara occidental. Le Maroc ne peut même pas prétendre au statut de puissance administrante, ce qui l’obligerait à rendre régulièrement des comptes aux Nations Unies. Non, le Maroc est une puissance occupante au titre du droit de la guerre édicté par les Conventions de Genève dont il est partie tout comme le Front Polisario. Dans ce cadre, il lui est interdit de déplacer les ressortissants du territoire occupé hors de leurs frontières. S’il peut tenir procès contre ces militants, c’est à l’intérieur du seul territoire du Sahara occidental. Et ce procès devra bien sûr être équitable et transparent, respectant les droits de la défense internationalement reconnus. En l’occurrence les procès verbaux comportant des aveux obtenus sous la torture ne pourront plus être retenus comme preuves.
Cette annonce de la cassation n’est-elle pas une nouvelle façon de « jouer la montre » pour le monarque conscient que le référendum, qui interviendra un jour ou l’autre, est perdu d’avance pour lui ?
Ce que redoute le Palais, et qui devrait tomber au cours de la seconde quinzaine d’août, c’est la décision du Comité contre la torture de l’ONU à propos de la plainte de Naâma Asfari pour les tortures qu’il a subies lors des interrogatoires à l’origine des procès verbaux de police, seules preuves pour sa condamnation à 30 ans de prison. Si cette décision demandait la libération du militant sahraoui, elle devrait en toute logique entraîner celle de ses 23 compagnons qui ont subi les mêmes traitements inhumains et dégradants, auxquels on a opposé les mêmes « preuves » et infligé les mêmes peines, voir la perpétuité.
Mais ni la logique ni la légalité ne sont de mise au Maroc, et comme disent les Sahraouis «Au Maroc il n’y a pas de loi, il n’y a que le roi ».