Certes le dur combat des peuples colonisés, soutenu par les forces progressistes du monde entier a permis l’accès de la plupart d’entre eux à une indépendance au moins formelle. Les colonies françaises d’Afrique et d’Indochine ont été libérées. D’autres (Guyane, Antilles, Réunion, ont été départementalisées sans grande difficultés. Mayotte l’a été au mépris des lois internationales qui font des Comores une seule entité. Le statut de Territoire d’Outre-mer a été donné aux derniers confettis de l’ex-empire français. La colonisation de peuplement rend, en Nouvelle Calédonie, difficile la lutte du peuple kanak pour la reconnaissance de ses droits. Bref, on pourrait penser que pour la France, la question coloniale est à peu près résolue, qu’elle appartient au passé. Mais force est de constater que sur les plans militaire, économique, politique et idéologique, les gouvernants français, à qui s’adressent prioritairement en France les militants anticolonialistes, semblent ne pas avoir tenu compte des leçons du passé.
Sur le plan militaire :
En 1813, alors que le colonialisme n’était encore que mercantiliste et esclavagiste, Chateaubriand écrivait : « Dans les colonies nouvelles, les Espagnols commencent par bâtir une église, les Anglais une taverne et les Français un fort ». nous en sommes, en ce qui concerne la France toujours là. La France est de tous les anciens pays colonialistes, celui qui entretient le plus de bases militaires dans ses anciennes colonies, avec des dizaines de milliers de soldats qui périodiquement s’ingèrent dans les affaires intérieures de ces pays ou territoires, souvent sous des couverts humanitaires, dans des opérations aux noms les plus poétiques les uns que les autres (Licorne, Turquoise, Artémis etc…) mais toujours pour soutenir des dictateurs « compréhensifs » ou défendre des intérêts économiques. Et la construction d’une gigantesque base française à Abou Dabi (avec plus de 9000 hommes) montre que l’impérialisme français n’a pas l’intention de restreindre ses interventions à ses anciennes colonies. Il le prouve déjà en Afghanistan.
Sur le plan économique :
Les entreprises françaises bien que soumises de plus en plus à la concurrence d’autres puissances (USA, Chine, Brésil…) continuent à exploiter par des contrats léonins qu’autorise le soutien militaire aux dictateurs en place, les ressources naturelles et humaines de ses anciennes colonies. Les gouvernants français ont soutenu et parfois initié les politiques «d’ajustement structurels » qui ont ruiné les structures étatiques de nombreux pays anciennement colonisés et intégré dans le marché mondial leurs économies fragiles.
Sur le plan politique :
Les gouvernants français ont soutenu et soutiennent des régimes ou des entreprises néocoloniaux ou franchement coloniaux (le Maroc contre le peuple sahraoui, Israël contre le peuple palestinien, les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme qui permet aux USA d’inscrire dans la liste des « Etats voyous » tous ceux qui veulent résister à leur hégémonie (Iran, Corée du Nord, Cuba etc…) et leur infliger embargos et menaces militaires permanentes.
Sur le plan idéologique :
La nouveauté de ces dernières années est que le colonialisme français qui, resté militairement, économiquement et politiquement actif et même très actif, faisait profil bas sur le plan idéologique, se lance à nouveau dans la bataille des idées. Nous n’en donnerons ici que quelques exemples :
– Sous prétexte que l’esclavage n’a pas été inventé par les puissances européennes, qu’il existait depuis longtemps en Afrique, que la « traite arabe » a survécu à « la traite atlantique » (sous l’il bienveillant des puissances coloniales d’ailleurs), on s’efforce d’en minimiser l’importance et la nuisance quant au déroulement de l’histoire africaine.
– Un renégat médiatique d’un parti anticolonialiste français montre que les colonies ont plus coûté à la France qu’elles ne lui ont rapporté. Aucun journaliste ne lui fait remarquer qu’il confond alors les contribuables français avec les entreprises françaises ! L’Etat français comme tout Etat a été, est et sera au service de la classe économiquement dominante. Il a été, est et sera prêt à sacrifier ses ressources financières et humaines au service de la classe économiquement dominante.
– Tirant parti des difficultés énormes que rencontrent les anciens peuples colonisés, surtout en Afrique, on évoque avec nostalgie le bon vieux temps des colonies, où l’ordre régnait, où les pistes étaient entretenues, où on construisait des voies ferrées etc… en oubliant que l’ordre et l’activité étaient maintenus par la terreur de masse, les punitions corporelles (la chicotte) et le travail forcé. C’est dans cette veine que s’inscrivent les tentatives de faire inscrire dans les programmes scolaires les « aspects positifs » de la colonisation.
– On organise des cérémonies pour honorer des tueurs de l’OAS dont un condamné à mort pour avoir tenté d’assassiner le Président de la République, le Général De Gaulle. Et cela avec le soutien de certains maires de communes où des nostalgiques de l’Algérie françaises sont supposés résider (et voter).
– Un président de la République française ose, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar tenir un discours arrogant sur l’Afrique mystérieuse, empreinte de merveilleux, sur l’Homme africain resté proche de l’innocence enfantine et insuffisamment entré dans l’Histoire. Ce discours prêterait à sourire si on pouvait se contenter de le mettre sur le compte d’ l’incompétence de celui qui l’a rédigé. Mais il n’y a aucune raison de pencher pour l’incompétence. Il s’agit de l’affirmation délibérée de la vision coloniale de l’Afrique. Ce discours ne s’adressait pas aux Africains qui s’en sont indigné. Il s’adressait à la population française pour y conforter ou faire resurgir les relents de mentalité colonialiste qui y subsistent et qui peuvent être bien commodes pour justifier l’immigration « choisie », telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée ;
– Le dictionnaire Larousse définit ainsi le colonialisme : « doctrine qui tend à légitimer la domination politique et économique d’un territoire ou d’une nation par le gouvernement d’un Etat étranger ». force est de reconnaître que la légitimation d’une telle domination est de plus en plus fréquente à travers d’organisations non gouvernementales (ONG) qui n’ont de « non gouvernementales » que ne nom, puisqu’elles sont pour l’essentiel de leurs ressources subventionnées par les états d’où elles émanent. Leur action auprès des populations locales qui sont réelles, s’accompagnent toujours d’une déresponsabilisation et d’une mise à l’écart des gouvernements des pays où elles agissent au nom de l’action humanitaire.
Nous pouvons donc dire que le combat anticolonialiste n’est pas dépassé dans la France d’aujourd’hui et qu’il doit se mener dans l’intérêt de tous les peuples de la planète.
Lien vers le site de la Semaine anticoloniale 2010 :
http://www.anticolonial.net/