La Lettre de l’AFASPA avril 2020

Promesse, promesse, promesse….

Le 13 avril dernier, en direct devant 37 millions de téléspectateurs en France et de dizaines de millions dans les pays francophones, Emmanuel Macron qui avait dû reconnaître les « failles » et « ratés » des mesures gouvernementales a essayé de compenser par un élan de grande générosité, en déclarant que « nous devons savoir aider nos voisins d’Afrique(…) sur le plan économique en annulant massivement leurs dettes». Et de moduler son propos le lendemain sur les ondes de RFI où il ne parle plus que de « laisser les économies africaines respirer et ne pas servir les intérêts de la dette » ce que confirmera le G7. Ce qui veut dire en clair que durant cette « respiration » d’un an, les Etats devront régler le capital de l’échéance, faute de quoi ils seraient redevables d’intérêts supplémentaires sur cette période. Le cadeau c’est pour les prêteurs privés, majoritaires à détenir la dette publique africaine qui est passée de 35% du PIB africain à 60% entre 2010 et 2018. Son remboursement saigne 13% des revenus de la majorité des pays africains, selon l’ONG britanique Jubilee Debt Campaing, ce qui conduit certains pays à dépenser plus pour le remboursement de la dette que ce qu’ils dépensent pour la santé (11 fois plus pour le Ghana selon OXFAM).

« Un moratoire ? C’est de la mort aux rats » avait protesté notre camarade Gisèle Goma quand en entendant ce mot à propos de la ratification du Protocole des droits des femmes adopté par l’Union africaine en 2003. Il en est de même pour ce moratoire sur la dette car si durant une année les états pourront faire face à l’urgence, « après la crise du Coronavirus, les états endettés se retrouveront coincés à nouveau » indique l’économiste sénégalais Ndongo Samba.

Le mécanisme mortel de la dette tient les pays du Sud sous domination d’un ordre mondial injuste. Ses conditionnalités, tout comme celles de l’Aide Publique au Développement, impliquent des coupes sombres dans les dépenses publiques de santé, d’enseignement, de sécurité des Etats. Ces fonctions régaliennes sont alors dans les mains d’ONG qui conduisent des programmes selon leurs normes et objectifs, et pour ce qui est de la sécurité des pays, pas d’inquiétude, les OPEX de l’armée française, AFRICOM des USA pour la grande majorité, mais aussi le Royaume Uni, l’Allemagne, l’Inde, l’Italie, la Chine, le Japon, la Russie, la Turquie, la Belgique, l’Arabie Saoudite et les Emirat Arabes Unis ont des bases militaires dans 21 pays d’Afrique, dont le champion et presque le plus petit : Djibouti qui en compte 5 sur une surface double de celle de l’Ile de France.

Le président du CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) indique à propos du système de la dette que « pour 1 euro envoyé depuis les pays du Nord vers les pays du Sud, 3 euros empruntent le chemin inverse (service de la dette, profits rapatrié par les investisseurs, évasion de capitaux, biens mal acquis, autres flux financiers illicites). » C’est cet ordre criminel qu’il faut changer en des échanges d’intérêts réciproques. Il rappelle « l’exemple du Président Sankara du Burkina Faso qui appelait à une union des peuples d’Africains pour suspendre le paiement de la dette ».

Autre question pour laquelle le président français a botté en touche lors de l’interview accordée à RFI quand Christophe Boibouvier a abordé le fait qu’il y avait des chercheurs de renom en Afrique. Coupant court la question Macron a répondu qu’on avait beaucoup à gagner à améliorer les échanges d’informations entre les pays. Craignait-il d’être entrainé sur l’idée de proposer que l’annulation de la dette soit conditionnée au versement de ces sommes au bénéfice de la recherche médicale et aux infrastructures de santé ? Il en est du développement de la Recherche comme de l’industrialisation de l’Afrique ?…..C’est NON ! L’ordre mondial capitaliste exige que l’Afrique reste dépendante du marché du Nord.

Coronavirus: «Chaque fois qu’il est question d’Afrique, c’est la catastrophe»

Face à la crise générée par le Covid-19, le professeur Achille Mbembé appelle à la mobilisation des intelligences en Afrique. Alors que des experts occidentaux développent des thèses très alarmistes, à l’instar de la note d’analyse du Quai-d’Orsay qui a suscité beaucoup d’émotion, il estime au contraire que le catastrophisme n’est pas une option. Achille Mbembé, professeur d’histoire et de sciences politiques à l’université sud-africaine du Witwatersrand, répond aux questions de Carine Frenk sur RFI.

Vous rejetez certaines prévisions et certaines analyses qu’on entend beaucoup en ce moment et qui versent trop, selon vous, dans le « catastrophisme »…

Oui. Et en fait, je ne suis pas le seul. Chaque fois qu’il est question d’Afrique, c’est la catastrophe. Or, ce sont des catastrophes souvent annoncées qui ne se réalisent pas du tout. Les Africains en ont marre, ils n’écoutent même plus ce genre d’analyses. Si on peut traiter tout cela d’analyses. Ce sont des préjugés que l’on ressasse, peu importe les situations ou les évènements. Beaucoup d’efforts sont consacrés en ce moment dans plusieurs pays d’Afrique à la réflexion sur l’impact que pourrait avoir cette pandémie sur l’Afrique. Cette réflexion est faite du dedans et elle mérite autant d’intérêt que les notes de conjoncture du quai d’Orsay.

Et vous avez eu besoin d’écrire : « L’Afrique ne va pas s’effondrer»…

Oui. C’est une évidence, mais qu’il faut peut-être répéter. Le catastrophisme n’est pas une option. Le catastrophisme ne permet absolument pas de rendre compte des dynamiques de société très plurielles, très complexes et qui sont là depuis très longtemps, et qui savent mettre à profit les épreuves qu’elles ont endurées dans le passé pour se faire un petit chemin dans un présent qui, comme on le voit, est très obscur.

Mais envisager le pire pour s’y préparer, ce n’est pas la même chose que souhaiter le pire ?

Non. Je suis d’accord avec vous, ce n’est pas la même chose. Ici, en Afrique du Sud où je vis, nous avons travaillé justement à partir de plusieurs scénarios. Le pire en faisait partie, mais le pire n’était pas notre point de départ. La vérité, c’est que personne ne peut dire à l’heure où nous sommes comment l’épidémie se déroulera et qu’est-ce qui en sortira. Mais personne ! Et c’est peut-être le propre de ce Covid-19 de nous ramener à cette vérité selon laquelle au fond, une grande partie de l’histoire de l’humanité est faite d’imprévus.

Inversement, beaucoup de thèses et de fake news circulent en ce moment qui tentent à minimiser le risque. N’est-ce pas plus dangereux encore ?

Oui, beaucoup. On traverse une époque au cours de laquelle les facultés critiques, qui nous permettraient de discerner le vrai du faux, sont assiégées par la déraison et le crétinisme. Le crétinisme est la chose la plus partagée de nos jours, pas seulement sur le continent, mais partout dans le monde grâce en partie aux nouvelles technologies numériques. Et donc, effectivement, le temps pour l’expertise, il est maintenant.


Vous appelez à une mobilisation des intellectuels ?

Oui. Et des sociétés. Il y a un certain nombre d’initiatives qui ont cours parmi les sociologues et les anthropologues. Par exemple sur la gestion des risques, dans des contextes où la survie requiert la mobilité au quotidien. Est-ce qu’il y a d’autres manières autres que le confinement d’affronter les risques qui se posent à nous ? Voilà autant de questions qui méritent des réponses situées. Il y a des questions d’ordre général, c’est-à-dire qu’on est amené quand même à devoir réfléchir sur ce que signifie un évènement comme celui-ci. C’est l’ensemble de la planète qui est touchée. C’est l’humanité toute entière qui est interpellée par ce qui est en train de se passer. C’est un virus qui ne connait pas de frontières. Comment expliquer par exemple qu’on compte combattre ce virus en revenant aux frontières alors que le virus est partout chez lui ?


Est-il déjà temps de réfléchir à l’après-Covid-19 ?

Oui. Il nous faut penser l’après-Covid-19. Il y a un certain nombre d’économistes africains qui sont en train de réfléchir sur, non pas la relance de l’économie telle qu’elle était avant le Covid-19, mais sur les moyens de réinventer l’économie. Par exemple : si on continue de procéder à des déforestations massives, évidemment on finira avec des catastrophes comme celle-ci. La libération de centaines de milliers de virus hors de leur habitat normal et leur contamination des humains avec lesquels de toutes les façons, ils sont en relation. Est-ce qu’on peut continuer à vivre sur la base d’une économie fondée sur le saccage de l’environnement ? Je ne le pense pas du tout. Et si ce n’est pas le cas, comment on réinvente l’économie de telle manière à ce qu’un équilibre dynamique s’instaure entre les humains et la biosphère. Ce sont ces questions que pose cet évènement.

ECHOS D’AFRIQUE

Le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union africaine comptait, ce vendredi 24 avril, 27 852 cas confirmés de coronavirus, qui avaient coûté la vie à 1 303 personnes sur le continent. 7 474 malades sont guéri L’Égypte est le pays le plus touché. L’attention se porte sur le développement du paludisme.

Selon Oxfam, le nombre de personnes menacées de famine pourrait presque tripler en Afrique de l’Ouest, passant de 17 millions en juin à 50 millions de personnes concernées au mois d’août. L’ONG se base sur des chiffres de l’institution régionale de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Conséquence de la hausse des prix des denrées alimentaires et à la baisse de disponibilité de certains produits dues aux mesures de confinement et de fermeture des frontières notamment. Les organisations humanitaires lancent un appel pour que les gouvernements contrôlent les prix, assurent l’approvisionnement des marchés et viennent en aide aux plus vulnérables.

Madagascar-

Pandémie covid 19 et libéralisme autoritaire « tropical »
20 mars : suspension de tous les vols internationaux après que trois passagers entrants ont été dépistés « positifs » au Covid 19. Dès lors, un entrant (étranger ou malgache) est considéré comme un porteur potentiel du virus d’où une relative xénophobie manifestée par quelques populations. Evènements hyper-médiatisés : plus de 5000 arrivants entre les 11 et 19 mars ont été soumis aux TDR (tests de détection rapide chinois, résultats en 20 minutes) !

23 mars : proclamation de l’Etat d’exception et d’urgence sociale et sanitaire pour une durée de 15 jours sur toute l’étendue du territoire national : confinement à domicile, sauf pour des courses indispensables ; fermeture de tous les services publics, à l’exception de ceux de santé ; arrêt des taxis et transports en commun ; maintien de l’ouverture des petits commerces et marchés (jusqu’à midi), des entreprises privées et des centres commerciaux… et couvre-feu les nuits dans les régions les plus exposées parce que dotées d’aéroport international ou de port maritime. Depuis, l’Etat d’urgence de 15 jours a été renouvelé deux fois.

En fait, le confinement est mitigé car beaucoup d’habitants gagnent leur vie au jour le jour dans l’informel ou sont dans une grande précarité. L’objectif du pouvoir est que Madagascar reste au Stade Un (avec moins de 200 décès), que la croissance économique ne soit pas trop affectée et que – les prix des produits de première nécessité ayant au moins triplé – les risques et possibilités d’émeutes de la faim soient jugulées (grâce à la distribution très médiatisée de denrées aux nécessiteux et vulnérables) alors qu’une reprise de la crise politicienne couve, les deux derniers présidents, aussi néo-libéraux, s’étant désormais alliés contre l’actuel.
Le président Rajoelina et le gouvernement mènent une vaste campagne centralisée de communication et de mobilisation dans les médias publics et privés : statistiques du jour, appel à se confiner, appel à l’union nationale, présentation des mesures économiques (telles les aides aux entreprises), sociales et répressives (telle la traque des fake-news) engagées ; la capacité et la performance des équipements sanitaires existants (d’ailleurs fortement renforcées par les apports chinois récents) etc.

Le 20 avril dernier, le président malgache a commis un show sur la mise au point à Madagascar du COV Organix, remède anti-Covid 19 à base de plantes médicinales (l’artémisine importée de Chine dans le temps et dont la production massive a motivé récemment des accaparements de terres par des multinationales et des expropriations de quantité de communautés paysannes) : réussite prétendument prédite par une bondieuserie sectaire brésilienne où lui-même, président, est acteur ! Mais retenons aussi et surtout qu’il a décrit la perspective d’un déconfinement partiel, relatif et progressif… en fait, au service du secours à la croissance : le « libéralisme autoritaire TROPICAL » est ici en acte avec mise en place à marche forcée dans les quartiers d’une sorte de milices type Tontons macoutes de « gens de bonne volonté » (sic !) désignés par l’administration contre les formes élues (et déjà très déformées) de démocratie locale (les fokonolona).

De leur côté, les organisations de la société civile appellent à la prudence contre les risques de malversations et de corruption : « L’état d’urgence – pendant lequel l’exécutif jouit de pouvoirs étendus assortis d’une surveillance réduite – ne doit pas être considéré comme une opportunité pour contourner la redevabilité ou pour faire l’impasse sur la transparence. » La FISEMA (Confédération générale des syndicats de travailleurs) n’est pas du reste : elle signale que, face à la crise épidémique actuelle, le pouvoir assure des allégements fiscaux et des faveurs financières et sociales au profit du secteur privé mais, par ailleurs, de nombreuses sociétés cherchent à licencier à tout va les leurs. Elle en appelle à une mobilisation générale des travailleurs sur ces points de litige.

Pour info, au 20 avril 2020, les indicateurs Covid 19-Madagascar (Tests PCR, tests sérologiques par prise de sang, depuis le début de la prise en charge nationale de l’épidémie) livrés par l’Institut Pasteur local sont les suivants :
Testés : 2152 / Cas confirmés « positifs » : 121 / Guéris : 39 / Décès : 0…

AFRIQUE DU SUD

Covid 19: Afrique du Sud vers un déconfinement par paliers
Le gouvernement sud-africain vient d’annoncer la fin progressive du déconfinement à partir du 30 avril, mais par paliers, et en multipliant les contrôles sanitaires. Les discours du Président Ramaphosa complétés par une communication claire du ministre de la santé ont évité la panique sans toutefois empêcher la violence policière dans les quartiers pauvres qui ont faim.

L’Afrique du Sud est l’un des pays africains les plus touchés par le Covid 19. Les premières personnes infectées revenaient de voyage de Grande Bretagne, d’Italie ou autres pays déjà touchés par le virus. Les étudiants rapatriés de Wuhuan avaient tous été testés à leur arrivée, mis en quarantaine ou envoyés à l’hôpital. Le confinement a été imposé à l’ensemble de la population le 17 mars avec des consignes strictes pour l’accès aux magasins et l’interdiction de la vente d’alcool et de cigarettes.

Une équipe particulièrement soudée gère cette crise sanitaire sans précédent, le Ministre de la santé, Zweli Mkhize, lui-même médecin et le responsable du comité consultatif ministériel, le Professeur Salim Abdool Karim. Tous deux ont faits leurs études ensemble à l’université du Kwazulu Natal. Le 14 avril, ils ont fait une intervention télévisée de trois heures, montré et expliqué des graphiques, répondu aux questions clairement. L’équipe médicale avait un objectif clair : gagner du temps et anticiper les stades futurs de l’épidémie et l’expansion de la contagion. Le déploiement de 28000 personnels soignants et de véhicules sanitaires dans les zones rurales et les townships a permis de tester une population élargie et d’intervenir plus rapidement pour les personnes infectées. L’achat de matériel de protection reste une des priorités du ministère de la santé qui prévoit un pic de la maladie dans les semaines à venir et sa présence pendant des mois, voire des années, tant qu’un vaccin n’aura pas été trouvé et les experts s’accordent à dire qu’il ne sera pas disponible avant 18 mois au moins.
L’objectif est de pouvoir tester 10 000 personnes par jour, alors que seulement 5678 tests par jour sont actuellement pratiqués. Le bilan au 17 avril était de 3034 personnes infectées, augmentation due au plus grand nombre de tests pratiqués depuis le 27 mars, et de 52 morts. La méthode pratiquée en Corée du sud : traçage, test et traitement (Trace, Test and Treat) qui s’est révélée efficace a été adoptée en Afrique du Sud avec un confinement encore plus précoce, avec l’objectif d’aplatir la courbe des infections. Cette stratégie n’est pas sans soulever de nombreux problèmes dans son application dans un pays où la moitié de la population est pauvre et vit dans des conditions sanitaires difficiles : manque d’eau et de sanitaires, promiscuité dans des logements insalubres, un grand nombre de personnes infectées par le VIH ou souffrant de tuberculose, de diabète ou d’obésité.

Le grand problème reste celui de l’accès à la nourriture. Si les classes moyennes urbaines ont pu se précipiter dans les supermarchés et remplir leurs caddies, il n’en est pas de même pour les 17 millions de personnes vivant de la seule aide sociale versée chaque mois par le gouvernement. Celui-ci a veillé à ce que cette aide soit versée à temps à la fin du mois de mars, pas n’a pas pu éviter les bousculades devant les bureaux de poste ou autres lieux où l’on pouvait recevoir l’argent. Les associations caritatives ont multiplié les distributions de colis alimentaires, parfois elles aussi débordées par la forte demande.
Les femmes ouvrières agricoles dans les vignes et vergers de la région du Cap occidental se retrouvent dans des situations désespérées parce qu’elles ne peuvent pas toucher leurs allocations de chômage et parce qu’elles n’ont pas accès à la distribution des colis alimentaires. La saison des vendanges étant finies, elles n’auront du travail qu’à la saison prochaine. Elles n’ont alors que l’allocation chômage pour vivre, mais à cause du confinement les bureaux du ministère du travail sont fermés et elles ne peuvent pas déposer leur demande d’indemnités. Elles n’ont pas non plus accès aux colis alimentaires distribués par l’aide sociale parce que les critères d’attribution ne sont pas clairs et que l’administration régionale ou municipale chargée de le faire n’est pas la hauteur des besoins.

Pour les enfants des townships, la fermeture des écoles est une catastrophe car ils sont privés du repas de midi gratuit, souvent le seul de la journée. Ils attendent les distributions faites par les organisations caritatives. Les femmes seules avec des enfants, souvent au chômage, n’ont que l’allocation versée, soit 440 rands par mois (moins de 30 euros) pour acheter de la nourriture. Le gouvernement a été sollicité par pour allouer une allocation exceptionnelle supplémentaire de 500 rands pendant la durée du confinement. La malnutrition des enfants risque d’exploser. Quand des mères essaient de sortir pour trouver à manger pour leurs enfants, elles sont souvent battues par la police. La police et l’armée appelée en renfort pour faire respecter les consignes de confinement manient plus souvent le bâton que la persuasion et pour certains habitants, la police est plus dangereuse que le coronavirus.

Le confinement qui doit durer jusqu’au 30 mars devrait, selon la Ministre Nksosana Dlamini Zuma, être levé par étapes avec le maintien d’un certain nombre de mesures sanitaires, il ne s’agit en aucun cas « du tout ou rien ». Déjà le secteur des mines a été autorisé à reprendre l’activité à 50% de ses capacités mais avec des mesures strictes de contrôle. Les mineurs qui reprendront le travail seront testés à leur arrivée à la mine, avec mise en quarantaine ou envoyés à l’hôpital selon les cas.

L’Afrique du Sud, comme les autres pays, n’a pas l’arme miracle pour détruire le virus et la lutte pour le vaincre sera longue, des mois, peut-être des années. Pour le Professeur Glenda Gray, présidente du Conseil de la recherche médicale et membre de la commission médicale qui travaille avec le ministre de la Santé : « Il s’agit d’une longue marche, pas d’un sprint ».

Le blog de Jacqueline Derens du 19 avril 2020

Au 25 avril le pays compte 3953 malades et 75 morts.

MAROC –

Les autorités ont dénombré 3 568 cas de personnes atteintes de Covid19 dont 155 en sont mortes. Aucune mesure d’assouplissement n’est prévue durant la période du ramadan.
ASDHOM : Le combat contre le Covid-19 passe par le respect des droits humains

À l’instar de plusieurs pays du monde, le Maroc a pris des mesures préventives urgentes pour faire face à la pandémie du Covid-19. L’état d’urgence sanitaire a été prolongé jusqu’au 20 mai 2020.

Cette loi spéciale Coronavirus prévoit une amende allant de 300 à 1300 Dirhams et une peine allant d’un à trois mois de prison pour non respect du confinement généralisé.

Si les organisations de défense des droits humains et les forces vives de la société civile marocaine ont accueilli favorablement les mesures préventives, elles récusent par contre l’emprisonnement prévu pour les contrevenants. Le risque est encore plus grand de mettre des personnes dans des prisons où, selon le rapport même du Conseil National des Droits de l’Homme pour 2019, le phénomène du surpopulation carcérale est criant, ce qui impacte négativement le droit des prisonniers à la santé, à l’hygiène et les empêche d’observer les gestes barrières de sécurité sanitaire par manque de place. Selon le même rapport, quelques 84.000 détenus sont répartis sur 76 établissements pénitentiaires. Ces lieux de privation de liberté sont propices et les plus exposés aux ravages que pourrait engendrer le Covid-19 s’il venait à s’y introduire comme c’est déjà le cas à la prison de Ouarzazate.

Dans un communiqué du 22 avril, l’ASDHOM demande que soient appliquées les directives du Haut commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU sur la gestion de cette pandémie, avec autres organisations elle a formulé des recommandations concernant les les personnes vivant en détention, dont les détenus politiques et d’opinion, ainsi que les personnes marginalisées et vulnérables, dont les migrants vivant sur le sol marocain.

Elle regrette que les autorités marocaines n’aient pas accepté l’a participation des associations de la société civile et pour les distributions pour la distribution de l’attestation de déplacement dérogatoire, le travail de proximité, confiée aux seuls agents auxiliaires de l’autorité locale ce qui a créé des scènes d’agglutinement sans aucune protection dans des quartiers populaires. Elle signale les violences physiques et verbales des forces de police contre les contrevenants, les arrestations suivies de condamnations immédiates.

Les défenseurs des droits de l’homme approuvent la libération de 5654 prisonniers de droit commun par grâce du chef de l’État, elles s’interrogent sur les raisons qui ont présidé à l’exclusion générale de tous les détenus politiques et d’opinion de cette libération. Le ministère de la Justice a indiqué que les bénéficiaires ont été désignés selon l’âge, l’état de santé, la durée de détention, ainsi que la bonne conduite sans trop de précisions.

L’Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc s’associe aux avocats et aux organisations des droits humains pour réitérer sa demande de libération immédiate de tous les détenus politiques et d’opinion au Maroc.

Le confinement s’est opéré progressivement par région en fonction de l’évolution de la pandémie. Les restaurants et maquis ont été fermés et la capitale a été coupée du reste du pays. Les promesses tardent à se réaliser ce qui concerne la livraison des 30 millions de masques annoncée de même que l’aide aux travailleurs de l’activité informelle et la colère gronde chez les ferrailleurs de la casse d’Abobo. Il y a eu cette annonce d’un fond de 100 milliards de Fcfa, mais les gens craignent qu’il faille avoir un compte bancaire pour le toucher. Ils se demandent ce qui pourrait aussi « s’évaporer » de ce fond. La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest a invité les établissements de prêts à reporter les échéances des entreprises en difficultés du fait de la pandémie pour une durée de 3 mois, renouvelable 1 fois, sans frais ni pénalité de retard. Encore un moratoire qui ne règle rien.

Cameroun –

Les chiffres annoncés sont de 1401 malades 668 guérisons et 49 décès. La prise en charge est difficile compte tenu de la pénurie des infrastructures : une centaine de lits de réanimation pour 20 millions d’habitants. La fermeture précipitée des aéroports le 18 mars avait jeté la pagaille d’autant que certains avions étaient dans les airs au moment où la mesure était mise en œuvre. Si 675 Camerounais ont pu être rapatriés depuis, 668 restent encore bloqués à l’étranger. Dans le même temps 4000 Français se trouvaient bloqués au Cameroun.

Les marchés de nuit ont été fermés. Les délestages répétés d’électricité rendent difficile l’achat pour plusieurs jours de denrées périssables.

Mais nous voilà rassurés sur la santé de Paul Biya qui n’était pas apparu ni s’était exprimé depuis plusieurs semaines ; il a fait appel le 16 avril aux bons offices de l’ambassadeur de France pour prouver qu’il était bien là. Il faut dire que la veille, l’opposant Maurice Kamto avait saisi le président de l’Assemblée nationale sur la vacance du pouvoir. Paul Bya s’en est pris à certains médias étrangers et à des politiciens mal intentionnés qui critiquent les mesures prises pour faire face à la pandémie. L’ambassadeur de France Christophe Guilhou, a assuré à sa sortie « Je l’ai trouvé alerte comme toujours ».

La rumeur se répand selon laquelle cette vidéo serait un montage. Pour la faire taire, le 20 mars, le média gouvernemental Crtv a annoncé que Paul Bya fera un « don spécial » de 2 milliards de Fcfa qui sera distribué en nature dans 360 arrondissements du pays sous la supervision des gouverneurs des régions. Alors qu’il a déjà provisionné la cagnotte du Fond spécial de solidarité nationale de 1 milliards de Fcfa. Pourvu qu’il ne se soit pas mis sur la paille pour venir en aide à ses concitoyens !

Le journaliste Eric Golf Kouatchou de Canal2 accusé d’avoir prêté sa carte de presse à un militant camerounais venu interpeler Macron au Salon de l’agriculture est poursuivi pour « Outrage à la patrie et destruction de biens » a été arrêté puis relâché devant le tollé suscité ; rejoindra-t-il ses confrères Paul Chouta, Christophe Bobiokono, Irène Mbezele allongeant ainsi la liste des journalistes emprisonnés au Cameroun ?


Côte d’Ivoire –

Le confinement s’est opéré progressivement par région en fonction de l’évolution de la pandémie. Les restaurants et maquis ont été fermés et la capitale a été coupée du reste du pays. Les promesses tardent à se réaliser ce qui concerne la livraison des 30 millions de masques annoncée de même que l’aide aux travailleurs de l’activité informelle et la colère gronde chez les ferrailleurs de la casse d’Abobo. Il y a eu cette annonce d’un fond de 100 milliards de Fcfa, mais les gens craignent qu’il faille avoir un compte bancaire pour le toucher. Ils se demandent ce qui pourrait aussi « s’évaporer » de ce fond. La Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest a invité les établissements de prêts à reporter les échéances des entreprises en difficultés du fait de la pandémie pour une durée de 3 mois, renouvelable 1 fois, sans frais ni pénalité de retard. Encore un moratoire qui ne règle rien.

République Démocratique du Congo –

Les autorités ont enregistré j394 cas confirmés, dont 382 dans sa capitale Kinshasa, qui concentre l’ensemble des 25 décès. Au Nord Kivu, dans l’est du pays, il n’y a plus de malades de Covid-19. Par contre pèse toujours la menace d’Ebola. Cinq cas étaient auparavant recensés dans cette province frontalière du Rwanda et de l’Ouganda. Tous ont été guéris, que ce soit à Goma ou à Beni. Les déplacements jusqu’ici suspendus entre Beni et Butembo peuvent reprendre, mais les voyageurs doivent porter un masque.


Sénégal –

Le Covid19 apparaît trois fois plus contagieuse que la grippe normale. Devant le flux des arrivées de l’étranger, un espace d’accueil a été aménagé à l’aéroport pour isoler les personnes symptomatiques qui sont confinées ensuite à domicile. En termes de prévention, les autorités sanitaires ciblent les personnes à risque pour les protéger et les isoler : personnes en surpoids, hypertendues, âgées.

Comores

Les autorités l’affirment : aucun cas n’a été déclaré. C’est une posture de déni. Alors qu’une polémique s’est installée avec l’agence de l’autorité sanitaire de Mayotte sur l’annonce du motif du décès du grand mufti de la république dont la radio des poumons avait été envoyée dans le cadre d’une éventuelle évacuation sanitaire. Le célèbre rappeur Cheikh Mc a fait une vidéo où il a présenté la radio des poumons de son épouse et déclarée qu’elle est atteinte du Covid19. Ce qui met à mal le discours officiel. Il a été arrêté par la gendarmerie le 20 avril.

Gabon –

Les frontières ont été fermées, les rassemblements limités à 50 ou 10 personnes. Ecoles, universités et lieux de culte fermés. La difficulté réside dans la sensibilisation aux changements de comportements rapide qui a du mal à passer dans la population. Confinement obligatoire ciblé sur les personnes à risque.

Egypte –

C’est le second pays le plus touché avec 3 891 cas et 287 morts réduit le couvre feu de 21h à 6h du matin et autorise les centres commerciaux à ouvrir le vendredi et le samedi.

Algérie –

Le 11 avril, le pays était le plus touché d’Afrique avec 1751 1751 cas et 275 morts. Le manque de test ne permet pas de faire plus de 200 test par jour. Il y a 450 lits de réanimation pour 42 millions d’habitants. Les autorités comptent assouplir les mesures de confinement pendant le ramadan.

Au Congo-Brazzaville, au Rwanda et au Kenya, des ONG et des intellectuels dénoncent les violences policières pendant le confinement

Quelques bonnes nouvelles du 25 avril:

Une fois n’est pas coutume, l’une d’elles viennent du quotidien Les Echos qui constate que tout au plus, 0,02% de la population africaine est contaminée, contre plusieurs pour cent en Europe. Cette faible expansion du virus s’expliquerait en partie par la démographie. 95% des Africains ont moins de 65 ans, et les jeunes seraient peu contagieux.


Rwanda –

Si aucune mesure coercitive n’a été prise, les autorités ont fait appel à la responsabilité des citoyens en donnant toutes les informations nécessaires à la connaissance des méfaits du Covid 19 et aux attitudes à avoir pour éviter d’être contaminé. Les gens portent des masques et circulent pour les besoins sans s’attrouper. 150 cas ont été détectés à ce jour dont 80 sont guéris et aucun décès pour cette cause n’a été signalée.

Mauritanie –

Plus aucun cas à ce jour de malade

Kenya –

Le pays qui recense 320 cas de coronavirus et 14 morts lance une campagne massive de tests, qui a commencé avec l’examen des agents de santé. Alors que début avril, les tests se faisaient manuellement, à hauteur de 300 par jour, désormais ils se font en machine, dont certaines peuvent traiter 3 000 échantillons par jour. Le pays espère 250 000 tests d’ici fin juin.

Tanzanie –

Le Président John Magufuli a exclu un confinement total de la capitale commerciale Dar es Salaam, il a même encouragé le public à continuer à se rassembler dans les lieux de culte. Le premier cas de Covid-19 a été signalé le 16 mars, il y en aurait maintenant 284, et 8 décès.

Ouganda –

74 personnes atteintes du covid19 recensées et aucun décès. L’effort est porté sur le dépistage parmi les chauffeurs routiers très nombreux dans le pays du fait qu’il ne dispose d’aucun littoral et que le transport est exclusivement routier. Dans cette profession on recense 11 personnes. Après les tests les routiers pourront reprendre le volant.

Mali –

Le président IBK a décidé de maintenir le 2ème tour des élections à la date prévue du 19 avril malgré la pandémie, l’enlèvement du principal opposant et l’insécurité dans une grande partie du territoire où l’expérience du premier tour montre que le climat de sérénité nécessaire à un fonctionnement démocratique est loin d’exister. L’électorat ne s’est pas mobilisé, particulièrement dans la capitale où seulement 13% des inscrits sont allés voter, 85% dans la région de Kidal au Nord du Mali, soit sur l’ensemble du pays 35,33%. Des bureaux sont restés fermés. Le RPM, parti du président, est en tête et obtient sur les deux tour 43 sièges. Il est suivi de l’ADEMA sièges son allié avec 23, puis de l’URD, principale formation d’opposition dont le leader Soumaïla Cissé a été enlevé il y a près d’un mois dans la région de Tombouctou. Le RPM qui perd une vingtaine de siège n’aura pas la majorité des 147 sièges que compte l’Assemblée nationale. Oumar Mariko, emblématique militant radical perd son siège, il fait appel pour fraude électorale comme d’autres candidats.


* * * * * *

Dans le centre du Mali on a relevé 15 attaques qui ont fait 150 victimes et qui sont dues à des rivalités entre deux groupes djihadistes autour du contrôle du bétail et des localités : un groupe se revendiquant de l’État islamique de la Grande Selma et une autre du prédicateur Amadou Koufa. Le maire de la ville où Soumaïla Cissé qui s’était porté à la tête d’une médiation a été enlevé à son tour.

LE CINEMA EN DEUIL

C’est ce coronavirus qui a fait plier l’inlassable militante et réalisatrice guadeloupéenne Sarah Maldoror, décédée le 13 avril 2020. Première femme noire cinéaste de guerre, elle a utilisé le cinéma comme arme contre le colonialisme. Nous lui rendrons hommage dans la programmation des « Mardis du cinéma » dès que possible.

Lire le communiqué de ses filles Annouchka de Andrade et Henda Ducados paru dans la News Letter d’AFRICULTURE et posté sur ce site dans la rubrique « Actualité« .