DES PEINES CAPITALES ET DES EMPRISONNEMENTS POUR L’EXEMPLE ?

La Lettre du Consortium de solidarité avec Madagascar , N°10-11 (déc. 2007-janv. 2008)

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>> Procès de la « Jacquerie d’Ankorondrano » d’août 2006

DES PEINES CAPITALES ET DES EMPRISONNEMENTS POUR L’EXEMPLE ?

Tribunal de Miarinarivo (localité située à 90 km à l’Ouest d’Antananarivo) à la mi-novembre : procès d’une « rébellion paysanne » qui fit trois morts, une jeune villageoise et deux membres des forces de l’ordre. Procès exemplaire de 93 paysans du hameau d’Ankorondrano Analavory (Ampefy) inculpés pour avoir résisté collectivement, le 11 août 2006, aux forces de l’ordre venues les « désquatteriser » (comme on le disait à l’époque !) des terrains sur lesquels ils étaient installés depuis plusieurs années, sinon des décennies, mais qui étaient alors réclamés par leur acheteur, un riche promoteur… aux fins d’étendre son parc d’attraction voisin. La Lettre du Consortium a évoqué cette « jacquerie d’Ankorondrano », dans son numéro 9, en y décelant les « premiers signes d’une montée en puissance des luttes paysannes » ; c’était dire que cette affaire était exemplaire des situations de vive conflictualité avec les paysans du cru que l’agro-business autoritaire a propension à installer de plus en plus dans les campagnes malgaches.

Dans un contexte d’exacerbation de ce type de conflit ces dernières années (depuis 2003 où le pouvoir tente d’assouplir l’accès des investisseurs étrangers à la propriété foncière), il était prévisible qu’une telle intifada paysanne ne pût pas recueillir une quelconque mansuétude de la part des tenants du pouvoir obnubilés par une obligation (implicite ou explicite) de résultats à montrer aux bailleurs et investisseurs étrangers. Ainsi, les peines prononcées lors du verdict, le 15 novembre dernier, de l’affaire de la « rébellion paysanne d’Ankorondrano d’août 2006 » ont été d’une incroyable teneur : 13 inculpés ont été condamnés à mort, 6 ont écopé de 12 ans de travaux forcés, un d’un an ferme et un d’un an avec sursis ; acquittement au bénéfice du doute pour le reste. [ Sources : Les Nouvelles, 16 novembre 2007, et Marchés Tropicaux et Méditerranéens (n°3228), 23 novembre 2007 ] Il y a là de quoi être interloqué ! Car les condamnations à mort ne sont pas courantes à Madagascar depuis l’Indépendance : celles-ci ont l’air d’être surfaites. Ensuite, on remarquera que le procès et le verdict ont eu lieu pendant le cafouillage pré-électoral des municipales : de là peut être découle ce fait très surprenant qu’aucune voix (politique, médiatique, défenseur des droits de l’Homme etc.) ne s’est fait entendre sur le sujet. D’ailleurs, on ne sait pas trop si ces inculpés ont-ils bénéficié des services de défenseurs et conseils tels que la Loi leur garantit…

Ce type de jugement fait peur et donne une image de barbarie. « Aujourd’hui, la condamnation à mort des treize paysans d’Ankorondrano Analavory nourrit des craintes chez les ruraux par rapport aux investissements que les riches conduisent dans nos campagnes ? » (Raw, Madagascar Tribune, 23 novembre 2007.) Ces craintes sont-elles créées pour tenter d’enrayer les frondes paysannes qui surgissent un peu partout à Madagascar ? Mais on peut raisonnablement douter que ce genre de posture ultra-répressive décourage les paysans malgaches de leur volonté de lutter pour se faire entendre et comprendre dans ce qui est vital pour eux aujourd’hui : ne pas se faire exproprier…

>> Consortium de solidarité avec Madagascar