Crimes d’État, François Hollande et les opérations homo

François Hollande, président en mal de sympathie ou voulant laisser à la postérité la visage d’un homme fort, a reconnu l’inavouable, l’un des secrets de polichinelle de toutes les présidences de la République, les « opérations homo ». Ce qui a soulevé de vives réactions dans le monde politique, non pas pou dénoncer les actes commis, mais le fait de les reconnaître, une marque de plus de son absence d’entendement de la fonction.


De quoi s’agit-il ? L’opération homo est une action terroriste menée par les services secrets pour éliminer une personne désignée. L’âge d’or des opérations homo, en se couvrant sous l’appellation de « Main rouge », fut la guerre d’Algérie et de la décolonisation. Pour Constantin Melnik, coordinateur des services secrets auprès de Premier ministre Michel Debré, la « Main rouge », détournement du nom de milices ayant commis de 1952 à 1956 de nombreux assassinats de militants indépendantistes en Afrique du Nord, fut une « des plus belles intoxications de l’histoire des services secrets … ». Constantin Melnik précise : « elle abusait les médias et les opinions publiques, non les services secrets et les polices »[1], ajoutons, ni les mouvements d’indépendance ni les anticolonialistes.

Ce sont des opérations commanditées au plus haut niveau de l’État, les instructions données alors par de Gaulle étaient qu’elles devaient se dérouler exclusivement à l’étranger et ne pas viser un citoyen français, ce qui aurait sauver la vie de Jacques Vergès, mais pas celle d’un autre avocat, Amokrane Ould Aoudia, tué de deux balles à la porte de son cabinet, non pas à l’étranger, mais dans le 2e arrondissement de Paris.

L’essentiel des opérations menées par le SDECE (devenu la DGSE), le furent effectivement hors du territoire national contre des militants indépendantistes et anticoloniamistes. En Allemagne, Aït Ahcène est très grièvement blessé à la porte de l’Ambassade de Tunisie à Bonn, Abselkader Nouari à deux mains arrachées en ouvrant une boîte de chocolat, en Italie, voulant chercher sa balle qui avait roulé sous la voiture de Tayeb Boulharouf, un enfant est tué en déclenchant le dispositif, en Espagne, le secrétaire du bureau du FLN est abattu, en Suisse, le dirigeant camerounais Félix Moumié est empoisonné au thallium, en Belgique, un étudiant Aklo Aïssou est assassiné par une fléchette. Les militants nationalistes ne sont pas seul visés, à Liège, un professeur belge anticolonialiste, Georges Laperche, est déchiqueté en ouvrant un livre piégé. Durant la guerre d’Algérie, 250 militants nationalistes et anticolonialistes, marchands d’armes ou victimes collatérales ont été tués lors d’opérations homo.

Celle-ci terminée, les présidents qui se sont succédés, s’ils n’ont pas renoncés aux opérations homo pour neutraliser des personnes, ont renoncés aux liquidations physiques, sauf que l’opération foireuse du sabotage du Rainbow Warrior fait une victime. François Hollande a lui franchi la ligne rouge, il le dit et le proclame, il a ordonné des opérations homo, notamment, sophistication des armements et des moyens, en ayant recours à des drones. Une arme indolore pour nos opinions publiques

L’opération homo posent des problèmes éthiques et elle enfreint un des principes fondamentaux du droit humanitaire : les parties à un conflit armé doivent en tout temps opérer une distinction entre les civils et les combattants. Ce qui permet, intervenant sans uniforme ni distinction militaire, de qualifier de terroriste des actions menée par des mouvements indépendantistes, antitotalitaires ou par des organisations factieuses et racistes. C’est précisément le mode opérationnel que requiert une opération homo : agir dans le secret, camouflé et en cachant son identité de combattant. Hors la France est un État de droit, signataire des Conventions internationales, en ayant recours aux opérations homo elle viole ses engagements et sa signature.

Autre atteinte au droit international qui découle des opérations homo, opérant en territoire étranger, il y a violation de la souveraineté d’un État et la France a été à plusieurs reprises mise en accusation pour violation de territoire lors d’opérations homo. Mais, logique de ce jeux trouble, le je le fais et donc tu peux le faire, la France a elle même été l’objet de dizaines de violations de sa souveraineté lors d’opérations homo commises par des services d’autre pays sur son territoire. Avec une constante, comme il en est pour les opérations menées par la France à l’étranger[2], les opérations menées par des services étrangers en France restent impunies.

Il en est ainsi, liste non exhaustive, pour l’assassinat de Mehdi Ben Barka, mais aussi pour ceux de Mahmoud Al Hamchari, représentant de l’OLP, Mohammad Boudia et Henri Curiel, militants internationalistes, Dulcie September, représentant de l’ONC sud-africaine, Salah Bitar, opposant au régime syrien, Ali André Mecili, dirigeant du Front des Forces Socialistes, de trois militants tamouls, des trois militantes kurdes Sakine Cansiz, Fidan Dogan, Leyla Soylemez, d’une vingtaine de militants de l’ETA basque et de Shapour Bakhtiar, ancien premier ministre iranien, le seul cas cité qui eu une suite judiciaire avec la condamnation de lampistes mais pas des commanditaires.

Conduire des opérations homo c’est non seulement bafouer le droit humanitaire et international, violer la souveraineté des États et ouvrir le champ à la violation de sa propre souveraineté, c’est aussi renoncer à une morale d’État et gangréner ses rouages en légalisant des mœurs barbouzes. Notre société est assez déliquescente pour ne pas ajouter à la valorisation de l’argent, de la corruption, du carriérisme, celle de l’assassinat politique.

Vient de paraître : Nils Andersson, Mémoire éclatée, aux Editions d’En-bas, Lausanne, ouvrage dans lequel il est question des opérations homo.

Paru dans son blog sur Médiapart