A propos de l’accord de pêche Union Européenne/Maroc

WSHRW EXIGE DES CLARIFICATIONS POUR UNE RATIFICATION DU PROTOCOLE DE PÊCHE
UE-MAROC CONFORME AU DROIT INTERNATIONAL ET AU DROIT EUROPÉEN

Western Sahara Human Rights Watch (WSHRW) considère qu’à la lumière de l’avis consultatif des services juridiques du Parlement Européen (PE) du 4 novembre 2013 (SJ 0665/13), le Protocole de pêche UE-Maroc signé le 24 juin 2013 (P-2013) ne peut être ratifié par le Parlement Européen que s’il apporte des clarifications précises, sans lesquelles cet accord devient contraire au Droit International et au Droit Européen.

A cet effet, il est convenable de rappeler certains éléments essentiels :

Premièrement

L’accord de pêche UE-Maroc, en vigueur depuis le 28 février 2007 (A-2007) ainsi que le Protocole de 2013 se réfèrent aux eaux sous la souveraineté ou la juridiction du “Maroc”.
Comme l’avis consultatif SJ 0665/13 l’indique clairement, les eaux du Sahara Occidental se trouvent actuellement ni sous la “souveraineté” ni sous la “juridiction” du Maroc.
En conséquence, le PE peut autoriser la ratification du P-2013 s’il déclare qu’il s’applique uniquement et exclusivement aux eaux du “Maroc”, évitant un usage frauduleux de l’accord. Ce qui signifie que, comme il est rédigé dans le P-2013 et le A-2007, il ne peut réaliser des activités de pêche dans les eaux du Sahara Occidental.

Deuxièmement

Si le PE entend ratifier le P-2013 en considérant seulement la pêche dans les eaux sous la “souveraineté” et la “juridiction” du “Maroc”, sans inclure par conséquent les eaux non marocaines du Sahara Occidental, il convient que le PE considère si le prix payé par l’UE est propice, car comme le “Conseil Economique, Social et Environnemental” du Maroc vient de déclarer, dans son rapport d’octobre 2013 intitulé “Nouveau modèle de développement pour les provinces du sud”, dans son paragraphe 162 :

“En 2012, les provinces du Sud ont rapporté 78,7% du volume des captures nationales (autour de 930 000 tonnes) et 69% de sa valeur (5,4 Mds DH).” (N.B. l’expression “provinces du sud” se réfère en langage interne marocain au Sahara Occidental)

Troisièmement

Bien que le texte du P-2013 n’inclue pas les eaux du Sahara Occidental (qui ne sont ni “eaux territoriales” ni “ZEE” du Maroc), si on entend ratifier le même accord pour permettre la pêche aux dites-eaux, l’avis consultatif SJ 0665/13 exige que les financements correspondants et les activités de pêche de l’Union bénéficient à la population du Sahara Occidental, en accord avec les obligations marocaines sous droit international. Tout cela exige que l’UE autant que le Royaume du Maroc introduisent des clauses précises, aujourd’hui inexistantes, dans el P-2013.

Quatrièmement

Comme l’avis consultatif SJ 0665/13 le rappelle, les obligations imposées par le Droit International relatif à la pêche dans les eaux non marocaines du Sahara Occidental, émanent en dernier ressort, de l’article 73 de la Charte des Nations Unies, développées par l’avis du service juridique des Nations Unies (S/2002/161) (“avis Corell”). Le Droit International considère que les intérêts du peuple du Territoire Non Autonome ont un caractère prioritaire et qu’il doit tenir compte des désirs de ce peuple.

Cinquièmement

La conclusion de l’avis SJ 0665/13, contenue dans son paragraphe 33.d) considère que si on entend appliquer le P-2013 aux eaux non marocaines du Sahara Occidental, alors les financements doivent “bénéficier à la population du Sahara Occidental en accord avec les obligations marocaines selon le Droit International”.

Sixièmement

Si on entend ratifier le P-2013 avec l’intention de l’appliquer aux eaux non marocaines du Sahara Occidental, pour se conformer au Droit International relatif au bénéfice dû à la population du Sahara Occidental il est impératif de tenir compte des éléments suivants :

1- Au Sahara Occidental une partie de la population réside dans le territoire sous occupation marocaine et l’autre partie se trouve dans les campements de réfugiés en Tindouf (Algérie).

2- L’unique détermination officielle des personnes qui composent la population sahraouie se trouve dans le recensement élaboré par la Commission d’Identification de la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) de 30 décembre 1999 ainsi que dans la liste de répartition des réfugiés sahraouis établie par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés (ACNUR) le 31 octobre 2000.

3- Il y a un processus de négociations ouvert par l’ONU depuis 1991 sur le statut final du territoire réclamé par deux parties : Maroc et Front Polisario (ce dernier en qualité de représentant du peuple sahraoui) et que dans les dites négociations l’Etat marocain a reconnu le Front Polisario comme représentant du peuple sahraoui.

Septièmement

Si on entend ratifier le P-2013 avec l’intention de l’étendre aux eaux non marocaines du Sahara Occidental, une application avec garanties de la conclusion de l’avis SJ 0665/13, contenu dans son paragraphe 33.d) rend nécessaire que le bénéfice à la population sahraouie s’effectue à travers une instance chargée d’administrer, surveiller et garantir que les objectifs de l’avis sont pleinement satisfaits, et à laquelle doivent participer : représentants de la MINURSO, représentants sahraouis, tant du domaine sectoriel que de la société civile, désignés par Maroc et le Front Polisario et représentants du HCR. Il pourra y avoir des experts internationaux en qualité de conseillers pour aider les membres désignés à articuler des protocoles ou mesures d’actualisation.

Huitièmement

Si on entend ratifier le P-2013 avec l’intention de l’étendre aux eaux non marocaines du Sahara Occidental, le respect du Droit International et du Droit Européen exige qu’il garantisse les droits suivants :
1. Caractère public et transparent de l’offre des postes de travail ou opportunités patronales générés par l’activité de pêche.

2. Que les dispositions du A-2007 (chapitre VII de l’Annex de l’accord) relatives à l’obligation des bateaux de l’UE d’employer des pêcheurs “marocains” soient modifiées ou interprètent officiellement pour que, quand les bateaux de l’UE pêchent dans les eaux, non marocaines, du Sahara Occidental les marins employés soient des sahraouis, reconnus par les Nations Unies dans la liste provisoire des votants du 30 décembre 1999 de la Commission d’Identification de la MINURSO pour le référendum et dans la liste de répartition établie par le HCR le 31 octobre 2000 et leurs descendants sans discrimination politique et particulièrement sur leur position relative au statut final du territoire.

3. Garantir à travers le HCR la libre circulation, assentiment et sécurité du territoire, des sahraouis intéressés (spécialement réfugiés) à participer en l’activité économique sectorielle ou activités dérivées de celui-ci.

4. Garantir qu’une partie des bénéfices sera destinée à financer, à travers la MINURSO ou des organisations dépendantes de l’ONU, des programmes, pas nécessairement en relation avec l’activité sectorielle de pêche, en direction de la population sahraouie reconnue par l’ONU, tant du territoire que des camps de réfugiés, satisfaisant les objectifs ou buts établis dans l’Article 73 de la Charte de l’ONU et contribuant à son bien-être quant au développement social, politique, économique et éducatif.

Neuvièmement

Si on entend ratifier le P-2013, avec l’intention de l’appliquer aux eaux non marocaines du Sahara Occidental, le respect nécessaire du Droit International de la part du Royaume du Maroc exige qu’il y ait une comptabilité séparée des activités de pêche réalisées dans les eaux du Maroc et celles du Sahara Occidental afin de pouvoir déterminer quelle part des revenus est produite dans les eaux du Maroc et quelle part dans les eaux du Sahara Occidental, afin de pouvoir déterminer la part des bénéfices destinée au Maroc et celle au Sahara Occidental.

(Traduction libre)