POLLUTION ET « GREENWASHIG »

COMMUNIQUE

Des organisations de la société civile travaillant avec les communautés locales affectées par les activités des plantations de palmiers à huile et d’hévéa de Socfin interpellent à nouveau sur les abus entourant ces agro-industries à l’occasion de l’Assemblée Générale des actionnaires du Groupe.

Socfin est un conglomérat basé au Luxembourg, détenu à près de 40% par le Groupe Bolloré, qui détient 400 000 hectares de concessions dans 10 pays en Afrique et en Asie. Litiges concernant la pollution de l’eau et l’utilisation des terres, processus de certification de la Table Ronde sur l’huile de palme (RSPO) critiqué : de nouveaux éléments sur ces dimensions sont apparus au cours de la dernière année.

En 2020, la société agricole Socfin a réalisé un bénéfice net consolidé d’environ 30 millions d’euros. Les trois principales holdings du groupe Socfin – Socfin SA, Socfinaf SA et Socfinasia SA – ont redistribué 13,7 millions d’euros à leurs actionnaires. Près des trois-quarts de ces dividendes (10,1 millions d’euros) ont été versés à Vincent Bolloré et Hubert Fabri, ou à des sociétés qu’ils contrôlent. Par ailleurs, ces sociétés ont versé 16,5 millions d’euros aux membres de leurs conseils d’administration. Là encore, près de 60% (9,7 millions) sont allés aux familles Fabri et Bolloré. Ceci représente environ 20 millions d’euros partagés entre deux partenaires d’affaires et leurs associés, tandis que Socfin affiche des pertes continues pour plus de la moitié de ses plantations dans les pays du Sud[1].

Pollution en Indonésie

Par ailleurs, dans les pays où les plantations de Socfin réalisent des profits importants, la situation des communautés locales est accablante. En Indonésie, la plantation Socfindo, avec près de 50 000 ha de concessions, a réalisé plus de 36 millions d’euros de bénéfices l’an dernier. En juillet 2020, des représentants de cinq communautés d’Aceh ont déposé une plainte[2] auprès de l’Agence environnementale du district de Naga contre trois plantations de palmiers à huile – dont l’une n’est autre que Socfindo – qui auraient pollué à plusieurs reprises le fleuve Seumayan avec des déchets de transformation de palmiers à huile. Ceci aurait entraîné des maladies de la peau chez les villageois. Les communautés pressent donc les autorités de procéder à un audit environnemental des entreprises concernées et de réévaluer les permis accordés aux entités reconnues responsables de la pollution du fleuve. En décembre 2020, des villageois du district de Gunung Meriah Aceh Singkil ont demandé à leurs autorités locales de leur restituer une partie de la zone de concession de Socfindo située près de leurs villages, avec le soutien de 22 chefs de village. Le bail expire en 2023 et un porte-parole de Gerak PAS, une ONG locale qui accompagne la communauté, déclare que « les villageois ne veulent pas le renouvellement du bail actuel de Socfindo ».


RSPO : le greenwashing de Socfin

Socfin a obtenu la certification RSPO (Table ronde sur l’huile de palme durable) au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Nigeria, malgré des preuves documentées et publiques[3] de conflits fonciers en cours dans plusieurs de ces plantations. Le processus est en cours pour ses plantations dans d’autres pays. Une nouvelle enquête de Milieudefensie[4] indique que, pendant le processus de certification RSPO de Socfin en Afrique, des voix critiques, notamment celles de communautés ayant des litiges fonciers avec l’entreprise, n’ont pas été consultées. Plusieurs organisations et membres des communautés locales disent avoir été intimidés ou manipulés au cours du processus de consultation. Selon ce travail de recherche, l’indépendance de l’audit serait également remise en question. Par exemple, des personnels de l’entreprise ont joué le rôle de traducteurs lors de séances de consultation menées auprès des communautés. Samuel Nguiffo, directeur de l’ONG camerounaise Centre pour l’Environnement et le Développement (CED), explique : « Le manque d’indépendance de l’audit vis-à-vis de l’entreprise, l’exclusion de voix critiques et la peur de représailles après avoir pris la parole, empêchent d’aboutir à une consultation effective. Comment les auditeurs peuvent-ils conclure que l’entreprise est durable sur la base d’un processus aussi biaisé ? Les certificats RSPO de Socfin relèvent d’un exercice d’écoblanchiment. »

Des entreprises comme Socfin tirent d’immenses profits de l’exploitation des terres et du travail des communautés en Afrique et en Asie. Le greenwashing ne fait qu’aggraver la situation. Nous demandons donc instamment à Socfin de changer ses pratiques.

[1] Tous les calculs ont été effectué à partir des rapports annuels 2020 disponibles sur le site http://www.socfin.com. Socfinaf n’a pas redistribué de dividendes en 2020, mais nous nous référons aux 3 holdings en tant que groupe. Concernant les revenus distribués aux membres du Conseil d’Administration, nous considérons que chaque membre a reçu un montant égal.

[2] https://www.mongabay.co.id/2020/08/22/sungai-tercemar-limbah-masyarakat-nagan-raya-laporkan-tiga-perusahaan-sawit-ke-dinas-lingkungan-hidup/

[3] Plusieurs de ces conflits sont résumés et référencés dans le rapport de Milieudefensie, (page 22), voir ci-dessous

[4] Milieudefensie, « La certification de l’huile de palme », 04/03/2021 , avec une étude de cas sur Socfin (en français et en anglais) : https://en.milieudefensie.nl/news/palm-oil-certification-not-out-of-the-woods.pdf

Organisations signataires :

AFASPA (Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique ; France)

Alliance for Rural Democracy (Liberia)

BIPA (Bunong Indigenous People Association; Cambodia)

Bread for all (Switzerland)

Collectif pour la défense des terres malgaches – TANY (Madagascar)

Creatives for Justice (Switzerland)

FIAN Belgium (Belgium)

FIAN Switzerland (Switzerland)

GRAIN (Spain)

Green Advocates (Liberia)

Green Advocates (USA)

Green Scenery (Sierra Leone)

JUSTICITIZ – ACORN (Liberia)

Milieudefensie (Netherlands)

Natural Resources Women’s Platform (Liberia)

Oakland Institute (USA)

RADD (Réseau des Acteurs du Développement Durable ; Cameroon)

Rainforest Rescue (Germany)

React Transnational (France)

SOS Faim (Luxembourg)

Synaparcam (Cameroon)