A quelques semaines de l’année 2020 qui marquera 60 ans d’indépendance formelle de la plupart des pays de l’ancien empire colonial français en Afrique, le Président de la République est allé vérifier dans l’Océan indien que « nos » intérêts géopolitiques et économiques étaient bien préservés. Loin de se préoccuper de la situation sociale des populations qui subissent la double peine de la politique libérale et néocoloniale, ses interventions très médiatisées s’adressaient à la métropole et aux États de la région à qui la France conteste toujours leur souveraineté.
LE COLONIAL-TOUR D’EMMANUEL MACRON DANS L’OCÉAN INDIEN
« Ici c’est la France » a dit le Président de la République à 9360 km de la capitale. Héritage honteux de la traite négrière et de la colonisation, l’Ile de la Réunion et ses habitants ne sont pas traités (ou maltraités) à la même hauteur que les Français de la métropole.
Ce n’est pas dans la joie et la bonne humeur que Mahorais et Réunionnais ont accueilli Emmanuel Macron. A l’aéroport de Mayotte les pompiers avaient déposé un préavis de grève finalement levé, en solidarité avec leurs collègues métropolitains, en refusant d’assurer la sécurité incendie sur le tarmac. « Mayotte c’est la France pour toujours » a lancé le digne successeur de Valéry Giscard d’Estaing qui, au nom de la France, a mis en cause l’unité nationale des Comores a confisqué le résultat du référendum à 94,57% pour l’indépendance, en dissociant le vote de l’île de Mayotte de l’ensemble des votants. Les Comores sont devenues membres de l’ONU par la résolution du 12 novembre 1975, qui réaffirme « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores, composées des îles d’Anjouan, de la Grande-Comore, de Mayotte et de Mohéli ». Tous les pays membres, y compris les pays européens, ont voté cette résolution. La France, ex-puissance colonisatrice, ne s’y est pas opposée. L’année suivante l’ONU a condamné «les référendums du 8 février et 11 avril 1976 organisés dans l’île comorienne de Mayotte par le Gouvernement français et les considère comme nuls et non avenus » ainsi que «toutes autres consultations qui pourraient être organisées ultérieurement en territoire comorien de Mayotte par la France. Avec arrogance, nos dirigeants peu avares de leçons de démocratie, ont mis notre pays dans l’illégalité. Sans état d’âme, E. Macron, à bord d’un navire de la police aux frontières, est allé inspecter le dispositif mis en place depuis l’instauration du « visa Balladur », responsable de plus de 3000 morts dans le bras de mer de 60km.
A Saint-Denis de la Réunion c’est un appel à la grève générale avec manifestation qui attendait le chef de l’Etat. Seuls les invités, dûment accrédités ont pu entrer à la Préfecture pour les selfy d’usage. Le lendemain de son arrivée une grande manifestation s’est déroulée dans la ville où il y a un an éclatait le plus grand mouvement social de la décennie contre la vie chère, le chômage (24% de la population dont 42% des jeunes). Ici le revenu moyen est inférieur de 30% à la moyenne nationale alors que les prix sont 7% plus élevés du fait du monopole de la grande distribution.
C’est paré de sa casquette de défenseur de la biodiversité que le Président a achevé son Colonial-tour dans les îles éparses ; en toute modestie, il a choisit « Glorieuse », où il a eu le front d’affirmer la souveraineté de la France sur ces ilots du Canal du Mozambique revendiqués par Madagascar. Là aussi il y est allé de sa petite phrase provocatrice « Ici c’est la France, c’est notre fierté, notre richesse ». Le mot est lâché ! Effectivement, à ces 40 Km² de plages est associée en mer une Zone Économique Exclusive d’une superficie de 640 400 km2 potentiellement riche en hydrocarbures. Dans un décor de scientifiques et de militants de la cause environnementale, le message aux amis pétroliers était clair. La télé nous l’a montré : l’armée française veille au grain ! Ici et au Sahel « On est chez nous ! » comme au bon vieux temps de La Coloniale.
Bagnolet le 28 octobre 2019