Le procès du groupe de Gdeim Izik a recommencé le lundi 5 juin 2017, et a été ajourné le jeudi 15 juin pour être reporté au mardi 11 juillet 2017.
Les accusés détenus ont refusé de paraître devant la Cour, et le procès a donc été conduit in absentia. Au cours des audiences de juin, les parties présentes ont délivré leurs arguments finaux.
Il faut souligner plusieurs aspects de ce procès:
1) Le procès montre tous les signes d’un procès politique, devant une cour qui n’a pas la compétence nécessaire. Les principales « preuves » contre les accusés restent les déclarations produites pendant les interrogatoires de 2010 au commissariat de police d’El Aïoun. (Déclarations que les accusés ont tous dit avoir été signées sous la contrainte et la torture.)
2) Le 5 juin, auditions des médecins qui ont mené les expertises médicales sur les détenus à la demande des autorités marocaines. Ils ont dit que les cicatrices et les différentes marques trouvées sur le corps des détenus pouvaient avoir de multiples explications, qu’il n’était pas possible d’écarter la torture, mais qu’il était également impossible de conclure qu’ils avaient souffert de torture pendant leur détention. (Bien que les accusés continuent d’affirmer qu’ils ont été torturés.)
3) L’audience du 6 juin a commencé avec les arguments finaux présentés par les avocats représentant les victimes (i.e. les « parties civiles »). Ils ont demandé à la Cour de requalifier le procès et de modifier les charges. Ils ont invoqué les articles 201, 202, 203, 205, 208, 293 et 267 du code pénal marocain. En conséquence, ils ont demandé que les accusés soient condamnés pour terrorisme domestique, pour des activités ayant menacé la sûreté de l’État marocain. Les parties civiles ont exhorté la Cour à modifier les charges contre les accusés, pour être en mesure de les condamner pour leurs actions, étant donné que le lien entre les accusés et le crime lui-même était impossible à prouver.
4) Le procureur a délivré ses arguments finaux à la Cour le lundi 12 et le mardi 13 juin. Il n’a pas requis de modifier les charges, et a basé sa plaidoirie essentiellement sur les rapports produits par la police et la gendarmerie soutenus par les déclarations du juge d’instruction et par les témoignages de Mohammed Choujaa et des policiers qui ont rédigé ces rapports. Le procureur a requis la Cour de condamner les accusés et de les punir avec la sentence la plus lourde possible.
5) La défense [avocats marocains commis d’office par le tribunal] a donné ses arguments finaux les mercredi 14 et jeudi 15 juin. La défense a souligné que la Cour n’avait pas de preuve suffisante pour condamner les accusés et, en outre, que les rapports établis par la police et la gendarmerie devaient être rejetés comme preuves. Elle a en outre exhorté la Cour à prononcer l’innocence des accusés pour toutes les charges du procès, et à investiguer sur ce qui s’est passé pendant le démantèlement du camp de Gdeim Izik, déclarant que ce démantèlement constituait un abus de pouvoir.
Commentaires de la traductrice :
Ceci est très résumé, les avocats de la défense ont vraiment remarquablement démonté l’accusation, les « preuves », les témoignages – surtout ceux des policiers qui ont établi les rapports – (voir le 3ème avocat de la défense, page 35).
D’autre part l’avocat a souligné que nous n’avons pas la source de ces enregistrements téléphoniques ; nous ne savons rien à ce propos, et ce qui est inconnu ne peut constituer une preuve dans un procès criminel !!)
Le deuxième avocat demande même l’ouverture d’un procès contre les forces « civiles » qui ont fait le démantèlement du camp et de les poursuivre pour défaut de discipline…!!!
Le quatrième avocat de la défense dit que le démantèlement du camp devait respecter les droits humains. Il demande aussi comment les accusés auraient pu planifier des événements dont ils ne savaient pas qu’ils devaient avoir lieu (le démantèlement à 5 h du matin alors que la veille tout était calme).
Après les avocats de la défense, la Cour a demandé au procureur de donner ses remarques sur les interventions de la défense : il a commencé à dire qu’il avait la compétence pour soumettre toutes sortes de preuves, tels les appels téléphoniques… et en ce qui concernait les témoins, à partir du moment où ils témoignaient sous serment, leurs témoignages devaient être considérés comme preuves… Puis, quand le procureur a précisé qu’il avait besoin au moins de deux heures pour répondre totalement à la demande de la Cour, celle-ci a ajourné le procès au 11 juillet 2017 (page 41).
Problématique de l’appel, de la première instance, de la seconde, du nouveau procès… :
Le premier avocat de la défense (désigné d’office, page 27) a déclaré que la décision de la Cour de cassation établissait que l’appel ne pouvait aggraver les sentences, que les défenseurs étaient ceux qui avaient déposé les pourvois en cassation, et que la Cour ne pouvait, en conséquence, fournir des accusations plus graves ni ne pouvait aggraver les sentences.
Il dit que les parties civiles, en invoquant ces nouvelles charges, ont joué le rôle du procureur…
Il rappelle fortement (page 29) que ce procès est un appel, et que les charges ne peuvent donc être changées.
Le deuxième avocat de la défense (début milieu page 29) souligne que la cour d’appel de Salé a des compétences limitées. Elle doit « coller » aux requêtes faites par les parties officielles, dont ne font pas parties les dites « parties civiles » Et il dénonce fortement l’attitude des parties civiles, à qui il conteste le droit/la compétence d’accuser les accusés…
Le quatrième avocat de la défense :
(page 39)? Que « nulle victime ne peut intenter un procès en seconde instance ? » L’avocat a exhorté la « partie civile » à intenter une requête au civil en première instance (donc un autre procès?)