À PROPOS DU 50ème ANNIVERSAIRE DES INDEPENDANCES AFRICAINES

La nouvelle court. Les préparatifs aussi. La France s’apprête à célébrer en grande pompe en juillet 2010, le 50ème anniversaire des indépendances de 1960 en Afrique où sa domination impériale et coloniale raciste a fini par se briser sur les luttes des peuples.


LE 50ème ANNIVERSAIRE DES INDEPENDANCES AFRICAINES EN FRANCE

La France s’apprête à célébrer en grande pompe, pour l’Afrique ? ou plus certainement pour elle-même, en juillet 2010, le 50ème anniversaire des indépendances africaines de 1960 qui avaient fini par briser sa domination coloniale raciste sur le continent suite à des décennies de luttes des peuples et anticolonialistes africains ou d’ailleurs.

Elle est à notre connaissance, la seule ancienne puissance coloniale européenne à vouloir ses festivités à domicile. Pourquoi ? Sans doute pour sa propre gloire. Sinon comment comprendre qu’un colonialisme défait dans les principes et la réalité puisse fêter sa défaite et sa condamnation par l’histoire. Ce passé colonial est un moment honteux de l’histoire nationale. Sa digestion est loin d’être terminée malgré des assaisonnements mythologiques. Et il est à craindre que ces festivités ne répètent des moments d’indigestion de cette histoire continuée aujourd’hui par un néocolonialisme prédateur en Afrique, ou révisionniste criminalisant et sécuritaire ici même. Et comme c’est souvent le cas, de telles festivités anniversaires comportent toujours des enjeux politiques. Elles se veulent avant tout comme des moments d’expression recomposée de la mémoire collective et donnent donc lieu à des relectures du passé historique, déclinées et exprimées institutionnellement par des actes et cérémonies ritualisés. Leur objectif : donner sens à un passé exhumé en partage et réévalué avec lucidité ou hypocrisie suivant les acteurs, les enjeux ou les déterminations socio-politiques du moment que cette même histoire fait peser sur le destin des peuples.

De ce point de vue, que dit et signifie cette célébration voulue par la France de Sarkozy-Hortefeux-Besson et autres socio-démocrates de paille ?

On la connaît déjà cette France là. Sa vision de l’Afrique relève d’une arriération intellectuelle et idéologique dévastatrice. Sa politique de présence y reste très éloignée de toute ambition d’amitié, de paix et de prospérité au profit des peules ; parce trop liée à ses propres intérêts néocoloniaux et aux dictateurs prédateurs africains qu’elle soutient ou met en place.

Qu’avons-nous donc à espérer de ce battage médiatique honteux à venir, en tant qu’anti-impérialistes et militants de la paix, de l’amitié et de la solidarité l’Afrique ?

On peut rêver et espérer qu’à l’occasion de ces festivités où seront conviés les éléments les plus frelatés du néocolonialisme en Afrique, la France assume enfin le cours honteux de son histoire coloniale en Afrique ou ailleurs. Là où justement par « inspiration dite civilisatrice », elle s’est adonnée aux pillages et aux massacres de populations dressées dans la résistance contre sa domination, son oppression, sa politique d’exploitation ou de déni des droits les plus élémentaires dont par ailleurs elle se revendiquait de façon hypocrite. On peut rêver et espérer qu’elle rende hommage aux soulèvements populaires et aux luttes de libération nationale contre le colonialisme. Ou s’attendre à la reconnaissance des grandes figures anticolonialistes africaines dont les combats contre le racisme, l’exploitation et pour l’égalité et la liberté restent une contribution à la paix.

En réduisant l’assiette spatio-temporelle des festivités au pré-carré (Afrique occidentale, équatoriale et insulaire malgache) où subsistent encore ses bases militaires de présence néocoloniale et à l’année 1960 comme date de rupture historique, cette France là méconnait la profondeur de l’histoire africaine dont les impulsions et les rythmes les plus décisifs, en terme d’émancipation, ont toujours été imposés de l’intérieur par des initiatives africaines mêmes. Le rejet de l’esclavage, de la colonisation, de l’apartheid ou du néocolonialisme prédateur relèvent de telles initiatives. Et c’est bien antérieurement à 1960 que l’Afrique entame sa libération.

Le Libéria est indépendant en 1847, l’Afrique du Sud en 1910, l’Egypte en 1922, la Libye en 1951, le Soudan, le Maroc et la Tunisie en 1956. Ils sont rejoints par le Ghana (nom symbole de la renaissance de l’Afrique) en 1957, la Guinée en 1958 après le « NON à la France Gaullienne ». L’exception ici est l’Ethiopie indépendante depuis l’antiquité.

L’aboutissement des indépendances de 60 s’inscrit donc dans un contexte de résistances et de contestations lointaines et multiformes qui mobilisent le monde des campagnes et des villes, des travailleurs, des femmes, des étudiants de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France ) et d’autres, de militants progressistes, des combattants dans la lutte armée en Algérie(1954), au Mozambique, en Angola, en Guinée Bissau, au Zimbabwe, en Namibie…au Sahara Occidental, sans compter tous les fronts désamorcés précipitamment.

L’anticolonialisme soviétique, américain ou onusien pour d’autres raisons, du groupe des Non-alignés, de Cuba ont contribué à ces luttes africaines, victorieuses du colonialisme français, anglais ou portugais et espagnol dans les années 70-80. Ces luttes continuent aux Comores contre la France à Mayotte ou contre le Maroc au Sahara Occidental où se rejoue le jeu colonial contrairement au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Pour citer F. Fanon, « en colonie, les colons n’étaient pas payés à lire Marx » ni mêmes les humanistes bourgeois. Les massacres et la torture y relevaient de l’ordinaire. Devant un tel bilan, au lieu de célébrations douteuses, chargées de révisionnisme historique éculé, d’appels du pied à des dictateurs africains, la France gagnerait à s’amender de ses crimes coloniaux, à se désengager de sa politique néocoloniale impénitente, à fermer ses bases de présence militaire et à s’engager dans une politique efficace de coopération respectueuses de la paix et des indépendances non octroyée mais gagnées ou conquises par les peuples d’Afrique.

Enfin elle grandirait en faisant l’économie de débats nauséeux sur l’identité nationale et en menant une vraie politique de lutte contre le racisme dont sont victimes les ressortissants et citoyens originaires de son ancien empire colonial anéanti.

Harana PARE