La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, qui a vécu une guerre civile sanglante en 2002, risque de s’enfoncer encore une fois dans le chaos après que son président sortant, Laurent Gbagbo et l’opposant Alassane Ouattara ont revendiqué chacun sa victoire au deuxième tour de l’élection du 28 novembre 2010. La Commission électorale a déclaré Ouattara vainqueur, mais ces résultats ont promptement été annulés par le Conseil constitutionnel qui a donné la victoire à Gbagbo après avoir invalidé des centaines de milliers de voix obtenues par son adversaire dans son fief du Nord. Décision qui a suscité un tollé de la communauté des puissances impérialistes qui, avec les Nations Unies, ont donné le ton aux organisations régionales et sous-régionales en reconnaissant Ouattara et en imposant des sanctions à ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Les résultats controversés indiquent pourtant clairement que la Côte d’Ivoire est profondément divisée sur le plan ethnique et que c’est une question qui doit retenir l’attention pour résoudre cette crise. Élu en 2000, Laurent Gbagbo a maintenu et développé, derrière une rhétorique «d’anti-impérialisme français » de façade, d’étroites relations politico-économiques avec l’ancienne puissance coloniale au travers de ses propres réseaux françafricains (Bolloré etc.). Alassane Ouattara, ex-Premier ministre du président Houphouët Boigny (qui a dirigé le pays de l’indépendance jusqu’à sa mort en 1993), et ex-directeur adjoint du FMI, a l’avantage, du point de vue des grandes puissances occidentales, d’avoir fait ses armes auprès des cercles dirigeants de l’impérialisme qui le jugent certainement plus « aux normes ».
Alors, pro-Gbagbo ou pro-Ouattara ? Les opinions sont très partagées et les débats, jusqu’en Occident, sont souvent houleux. En fait, la première question à laquelle il faudrait s’efforcer de répondre est plutôt celle de savoir qui, de Gbagbo ou d’Ouattara, a réellement gagné les élections. Or, c’est la seule question à laquelle on a refusé d’apporter une réponse incontestable, y compris la « communauté internationale ». Au lieu de quoi, sont brandis par les uns la menace d’une intervention militaire pour déloger Gbagbo, et par d’autres celle d’une extraction forcée d’Alassane Ouattara de l’hôtel où il s’est retiré, avec – dans les deux cas – l’acceptation implicite que la population, qui subira immanquablement les effets désastreux de toute intervention violente dans le conflit, sera comptée parmi les inévitables « dégâts collatéraux ».
Heureusement qu’il y a encore des voix raisonnables dans le cafouillage actuel :
– C’est le cas notamment de l’ancien président ghanéen Jerry John Rawlings qui a averti que « la situation en Côte d’Ivoire n’était pas une simple querelle électorale ». « Il est important, a-t-il précisé, de ne pas nous précipiter vers n’importe quelle forme d’intervention énergique. Ce qui ne va pas garantir une résolution définitive de la crise et pourrait même exacerber une situation déjà explosive qui pourrait dégénérer en une guerre civile à grande échelle avec des conséquences horribles ». Rawlings a estimé qu’il y avait plusieurs questions cruciales sans réponses, en ajoutant que les détails du rapport de l’émissaire de l’UA, l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki, devaient être rendus publics pour aider à démêler la situation. Il a préconisé d’examiner toutes les options pacifiques disponibles, plutôt qu’une intervention militaire ne pouvant instaurer une transition politique pacifique dans ce pays.
– Ensuite (Voir http://www.afaspa.com article.php3?id_article=354), 12 partis progressistes africains (Ferñent / Mouve-ment des Travailleurs Panafricains-Sénégal (F/MTP-S), Yoonu Askan Wi / Mouvement pour l’autonomie populaire-Sénégal, RTA-Sénégal, Parti communiste révolutionnaire de Côte d’Ivoire, Parti communiste du Bénin, Actus / Prpe Tchad, PC Togo, PCO Tunisie, Voie Démocratique Maroc, Pads Algérie, UPC-Cameroun, Sanfin Mali, PC Congo…) ont lancé, le 27 décembre 2010, un appel contre toute intervention militaire en Côte d’Ivoire.
– Enfin, la société civile ivoirienne organisée (plus d’une centaine d’entités) a appelé à la cessation des violences postélectorales. Pour la Convention de la société civile ivoirienne seule la réorganisation plus scrupuleuse du scrutin pour conférer une légitimité incontestable au futur président pourrait sortir le pays du bourbier actuel. (Voir http://www.societecivile-csci.org)