Surdité et cécité, la contagion a gagné le pouvoir algérien

Quel décalage entre la réponse du Président Bouteflika et la colère sociale qui s’est exprimée à Alger le 19 février comme dans les 300 rassemblements et marches qui ont eu lieu dans le pays depuis le début de l’année. « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre » car les revendications populaires ne datent pas d’aujourd’hui. Les services de la gendarmerie algérienne ont dénombré au cours de l’année 11 500 mouvements sociaux dans le pays.


Faire du neuf avec les vieilles recettes, voilà ce qu’il ressort du discours présidentiel qui a déçu l’opinion publique comme le révèle la lecture de la presse algérienne.

Acculé à l’annonce de réformes qu’il refusait jusqu’à présent, les propos du président algérien n’ont donné aucune garantie à ces réformes répondent aux aspirations populaire et à leur élaboration démocratique associant les acteurs de la vie sociale et politique au sein d’une Assemblée Constituante. Comme ailleurs, où on organise le changement dans la continuité, ce sera une commission d’experts qui planchera sur des propositions « dont je m’assurerai de la conformité avec les valeurs fondamentales de la société avant de les soumettre au Parlement ou à vos suffrages par voie référendaire ». Algériennes, ne fantasmez pas sur « une meilleure représentativité des femmes au sein des assemblées » qui risquerait de vous propulser en nombre aux manettes des affaires du pays à tous les échelons si ce n’est pas « une valeur fondamentale de la société ».

Comment admettre qu’une économie qui dispose de 155 milliards de dollars (autant que le PIB du Maroc et de la Tunisie), dont la dette est insignifiante puisse compter 20% de pauvres parmi sa population et près de 70% de salariés gagnant moins de l’équivalant de 200 euros par mois quand le prix d’un kilo de viande en vaut 8 ?

Les manifestations qui se sont déroulées depuis le début de l’année 2011 sont un appel sérieux au pouvoir afin qu’un véritable plan de redressement soit mis en œuvre pour répondre tout à la fois aux besoins d’une société qui a été traumatisée par les 500 morts du soulèvement de 1988 et les 100 000 morts de la décennie 1990/2000.

Une population qui souffre en côtoyant une bourgeoisie qui vit dans l’opulence ne peut que conduire à une situation explosive alors que l’immensité de la jeunesse ne voit son avenir que dans l’exil.

La surdité du secrétaire général du FLN qui a comparé les émeutes dans son pays « à une sorte de match de foot » souligne le décalage entre une classe politique qui vit dans sa bulle et le peuple algérien.

Pourtant l’Algérie est forte d’un potentiel de ressources naturelles mais aussi humaines avec une population jeune, éduquée, riche de son histoire et de sa culture. Ce sont là des forces vives qui peuvent opérer les transformations sociales que le régime n’est plus à même de conduire.