Alors que la France coloniale s’apprête une nouvelle fois à la confiscation du droit à l’autodétermination des peuples et pays colonisés (résolution 1514 de l’Assemblée générale des Nations Unies de décembre 1960), La Courte Échelle- édition Transit a publié le 6 octobre 2018 cet article d’Hamid Mokaddem, écrivain et philosophe, que nous reproduisons ci-dessous.
A la veille du référendum en Nouvelle-Calédonie, Hamid Mokaddem, qui a écrit, entre autres plusieurs ouvrages dans notre collection commune Kanaky-Calédonie nous a envoyé cet article qui, de notre point de vue mérité une large diffusion.
Pour défendre sa souveraineté et son indépendance en Océanie la France recolonise-t-elle la Nouvelle-Calédonie ?
L’accord de Nouméa et l’axe géopolitique indo-pacifique
Hamid Mokaddem, Nouvelle-Calédonie
Les voix d’un scrutin pour se faire entendre
À l’approche du référendum du 4 novembre 2018, on reste étonné, en Nouvelle-Calédonie, de l’immobilisme politique. Les questionnements sur la souveraineté/indépendance, suspendus et différés depuis 1988, sont maintenant posés de manière directe aux « populations intéressées » : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » L’accord, signé à Nouméa le 4 mai 1998, avait délibérément remisé l’idée d’indépendance pour organiser et programmer pendant 20 ans, soit la durée des quatre mandatures des élections de province, un transfert évolutif et graduel de souveraineté « partagée ». Le concept d’indépendance, soustrait des négociations, ne pouvait être, n’a jamais été, et ne sera jamais ni mis en uvre ni travaillé pendant la durée d’application de l’accord de Nouméa (1998-2018, voire 2023 en cas d’hypothèse d’un « non » à trois référendums successifs). La France, puissance administrante, en concertation avec les deux classes politiques hégémoniques, le RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République française) et FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste), avait décidé de différer l’idée d’indépendance. L’accord de Nouméa est présenté comme un exceptionnel processus de décolonisation. En fait cette décolonisation n’est-elle pas une recolonisation programmée ? En effet, sous prétexte de transfert évolutif de souveraineté, le dispositif mis en place ne forclot-il pas la souveraineté kanak à l’avantage de l’axe géopolitique tracé par la France dans le Pacifique sud ?
Les populations intéressées
Le référendum, organisé à la sortie de l’accord de Nouméa, consulte les « populations intéressées » – citoyens-nationaux français ayant résidé sur le territoire calédonien pour une durée d’au moins 20 ans à compter de 1994 qui font partie du corps électoral référendaire défini par la loi organique de mars 1999 – sur la question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». La LESC (liste électorale spéciale) définitive compte 174 154 électeurs inscrits sur une population recensée de 268 267 individus : 112 628 électeurs inscrits en Province sud; 40 160 en Province nord et 21 366 en Province des îles. Les sondages les plus récents donneraient 69% de « non » à l’indépendance. Les chiffres des votants kanak transmis par les services du Haut-Commissariat de la République sont contestés par le FLNKS. Parmi les 174 154 électeurs appelés aux urnes le 4 novembre 2018, 80 120 sont de statut coutumier et 94 034 de droit commun. Le statut coutumier est l’ancien statut de droit particulier qui légifère l’état civil des Kanak. Le droit commun concerne l’état civil de tous les autres citoyens nationaux français. Les Kanak ont voulu conserver ce statut pour préserver leurs droits et coutumes et leurs terres coutumières. Le votant kanak est dans la première catégorie mais aussi dans la deuxième. Le FLNKS affirme que le Haut-Commissariat a reçu au total 3259 demandes d’inscription en bureau de vote délocalisé alors que 11 000 électeurs étaient potentiellement intéressés par ce dispositif. Le FLNKS estime que les votants kanak représenteraient 63% du total des inscrits. En fait, on serait plus proche des 53 % de votants kanak, desquels il faudrait encore soustraire le pourcentage des « oui » des votants « kanak loyalistes », des abstentionnistes et des Kanak non favorables à l’idée d’indépendance.
Comment expliquer que l’accord de Nouméa ait ainsi différé l’accès à la souveraineté/indépendance?
Le transfert de souveraineté, la pièce maîtresse du dispositif
Le pivot du dispositif juridico-politique mis en place par la France en Nouvelle-Calédonie est un transfert évolutif de souveraineté partagée. La pleine souveraineté, transfert des compétences régaliennes (la défense et la sécurité intérieure, les relations extérieures partiellement partagées entre la France et la Nouvelle-Calédonie, la monnaie, la justice), fait l’objet de la question du référendum. Moteur et fondement des mécanismes institutionnels, ce transfert avait constitué l’objet central des négociations en mai 1998 entre les trois forces et légitimités politiques.
Mais qu’entend-on au juste par accord de Nouméa ? Il s’agit en fait d’un pacte civil ou d’une parole contractée par un corpus de textes constituant une « police discursive ». Les ordres du discours procèdent par inclusion/exclusion, mobilisent différentes modalités de textes, exercent des séries de prescriptions : a/ le « préambule » et « document d’orientation », matière et support de la négociation mais aussi forme du pacte civil; b/ la traduction juridique en mars 1999 de l’accord par une loi organique (répartissant les pouvoirs et compétences administratives); c/ les contrôles de légalité des lois de pays par le Conseil d’État; d/ la garantie et contrôle de l’accord et du transfert de souveraineté par le Conseil constitutionnel; e/ la constitutionnalisation de l’accord de Nouméa; f/ les textes de jurisprudence écrits par les sténographes lors des différents comités des suivis des signataires de l’accord de Nouméa ;g/ la production de droit civil et coutumier « calédonien », etc.
Le dispositif politique met en uvre des pratiques discursives par lesquelles la normativité et l’exercice des pouvoirs structurent la vie politique de la Nouvelle-Calédonie. Les partis politiques, les syndicats, les associations religieuses, culturelles, sportives, les conseils coutumiers, et y compris, bien entendu, les institutions créées par l’accord de Nouméa (gouvernement, congrès, sénat coutumier, conseil économique et social devenu conseil économique, social et environnemental), donnent vie et corps à la Nouvelle-Calédonie. La vie civile, économique, politique exprime et ramifie les structures, styles et procédures de l’État. L’État n’est pas qu’une institution représentant la puissance administrante de la France. Il constitue une ramification des essences, des pouvoirs, des « étatisations ». Une puissance perpétuelle et permanente qui produit discours et mécanismes des pouvoirs qui mettent en forme les fonctionnements « démocratiques » et « électoralistes » des partis politiques. Les partis kanak indépendantistes comme les partis politiques calédoniens anti-indépendantistes autoproduisent les modélisations et mécanismes des pouvoirs institués. Ils produisent et/ou reproduisent des procédures et paradigmes des actions de l’État du fait qu’ils n’existent que par ces étatisations perpétuelles et permanentes.
Tout ce dispositif est rendu possible par la mise en uvre du transfert de « souveraineté partagée » qui repousse ainsi dans le temps un éventuel « transfert de souveraineté pleine et entière ». La mécanique juridico-politique ordonne, structure et fonde l’accord de Nouméa. Le transfert différé oriente, normalise et régule la trajectoire de la Nouvelle-Calédonie. La durée de vie de l’accord est séquencée par l’échéancier électoral et institutionnel que représentent les quatre mandatures des élections de provinces (20 voire 25 ans). Les cycles d’inquiétude des populations sont déterminés par ces calculs d’espérance : calculs des promesses de l’économie consécutifs à une durée politique.
Le discours est redoutable dans la mesure où il fait suite à une « mémorisation » des contentieux, des conflits et accords précédents. L’accord réactive l’histoire et fait accéder la Nouvelle-Calédonie à une étape dite de « décolonisation ». Cette étape suppose de forclore ou de suspendre la revendication de souveraineté de Kanaky.
Lisons de près un point précis de l’accord de Nouméa :
La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leur raison de vivre. De grandes souffrances en sont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une souveraineté partagée dans un destin commun1.
L’éclipse de la souveraineté de Kanaky
Une lecture littérale fait croire à une volonté de décolonisation par l’acte de reconnaissance de la confiscation de l’identité du peuple kanak. Tout le début du point 3 ne cesse de parler de reconnaissance de l’histoire coloniale et des traumatismes consécutifs aux spoliations foncières et parquages des populations kanak dans des réserves créés en 1887 suite à la répression militaire de la guerre kanak de 1878, aux assujettissements par les biopolitiques dénommées « code de l’indigénat » des Kanak, des transportés et des Indigènes de la République, après que la France a expérimenté ces mesures en Algérie : restrictions contrôlées par la gendarmerie des populations kanak, impôts de capitation par des travaux forcés, enrôlements pour l’armée française et participation à la première guerre mondiale, négation des coutumes et rituels qui scandent l’économie des échanges des sociétés kanak, transformations des structures sociales hiérarchisées propres aux souverainetés kanak en chefferies administratives. Le FLNKS avait exigé que l’accord reconnaisse l’identité kanak et l’histoire des spoliations foncières.
Le fait colonial reconnu est-il une action de décolonisation et une restitution de la souveraineté confisquée ?
Une lecture attentive indique que la reconnaissance de Kanaky, souveraineté revendiquée par le peuple kanak, passe par une éclipse de celle-ci en vue d’organiser une autre souveraineté, « partagée dans un destin commun ». La nouvelle souveraineté doit être refondée par un contrat social entre le peuple kanak et l’ensemble des autres communautés. Le contrat suppose une condition : substituer à la souveraineté de Kanaky la souveraineté partagée.
La souveraineté de Kanaky n’est reconnue que par confiscation de l’identité kanak. Une fois reconnue, Kanaky doit s’éclipser. Kanaky n’existe que dans le moment ponctuel du discours et disparaît pour faire place à une « souveraineté partagée ». Le nom de Kanaky est le point aveugle du discours.
En effet, l’ordre du discours est monolingue et fait parler les sujets, voire parle à leur place. Ici il fait parler et parle à la place du peuple kanak. La voix du peuple domestiquée, polie et civilisée, est réduite à une plainte identitaire que la puissance régalienne bienveillante feint d’entendre et de reconnaitre pour l’édulcorer et la castrer de son pouvoir de revendication. Dire, comme le fait dire l’accord, que la reconnaissance de l’identité confisquée équivaut « pour lui » – attribution d’une voix par l’ordre du discours – à une reconnaissance de sa souveraineté est un stratagème d’autant plus efficace que, par un coup de force symbolique, il est consenti par les signataires, dont le FLNKS, représentant du peuple kanak.
La pratique du discours enregistre voix et discours kanak prononcés lors des années 70, 80 ou 90, précisément par les militants nationalistes. La persistance du monolinguisme, étatisation sténographique, enregistre et archive les discussions : table ronde de Nainville-les-Roches (1983), accord de Matignon (juin 1988) suivi de celui d’Oudinot (août 1988). L’ordre élève les voix vers l’étape de la décolonisation. Le moment reconsidère le passé et réactualise l’histoire. La parole kanak transformée en voix « domestiquée », « officialisée » et « électoralisée », devient un discours convenu. Michel Rocard, le maître d’uvre des accords de Matignon-Oudinot, le disait avec franchise :
Et je voudrais revenir sur ce concept [l’indépendance] pour vous dire d’abord, que ma vie durant, j’ai respecté non sans risque, les identités collectives de peuples opprimés qui exigeaient, qui se battaient pour que la reconnaissance de leur dignité passe par la reconnaissance de leur indépendance. J’ai commencé ma vie avec le combat contre l’Indochine, j’ai retrouvé cela à propos de la guerre d’Algérie, j’ai retrouvé cela en regardant et essayant de comprendre un peu le problème corse. Et le fait de reconnaître la légitimité d’une souffrance ou d’une revendication, n’équivaut pas naturellement à reconnaître la formalisation dans laquelle cette revendication veut aboutir2.
Le discours politique kanak
À tout bout de champ, les hauts-fonctionnaires de l’État, relayés par les politiciens locaux (kanak et calédoniens), ne cessent de se référer aux propos du leader charismatique Jean-Marie Tjibaou, notamment aux extraits d’une interview accordée aux Temps modernes en 1985 : « C’est la souveraineté qui nous donne le droit de pouvoir négocier les interdépendances. Pour un petit pays comme le nôtre, l’indépendance c’est de bien calculer les interdépendances3».
L’action et le discours de Tjibaou consistaient à reformuler les structures hiérarchisées des échanges dans les rapports sociaux kanak confrontés aux violences des capitalismes mondialisés. La souveraineté est la puissance de décision qui appartient au peuple colonisé à qui la France a confisqué son histoire. L’indépendance économique est le système des besoins transportés par l’histoire coloniale avec lequel le petit peuple insulaire doit construire ses propres modèles. On retrouve la même idée dans le discours de Raphaël Pidjot nommé en 1998 PDG de la SMSP (Société Minière Sud Pacifique). La France s’approprie le discours kanak et le convertit en voix pour lui faire dire ce qu’elle veut entendre. La « mémorisation », le « devoir de mémoire », l’histoire officialisée par le système d’enseignement mis en place par la France en Nouvelle-Calédonie, réussissent à faire parler les acteurs concernés dans une mise en scène et un scénario cousus par les sténographes « étatisés ». La parole kanak devient un discours redondant. Le contenu politico-économico-culturel de souveraineté de Kanaky est vidé de sa substance pour être réduit par le discours officiel à une revendication d’identité confisquée.
La souveraineté : propriété nationale de la France
Mais que transfère l’accord de Nouméa ? Une chose confisquée à restituer ? La souveraineté du peuple kanak délogé de son lien et de son lieu, son pays, son territoire ? Or, aujourd’hui, peut-on restituer une telle chose ? Une chose originelle est-elle reconnaissable?
L’histoire coloniale a modifié l’identité confisquée, la « propriété » ou la « souveraineté », au point d’en changer les propriétaires. Restituer pose la question de savoir à qui restituer et quoi restituer. La permanence ou l’identité de l’objet certes persiste, malgré les altérations du devenir et les modifications des interventions. Toutefois, la question du destinataire demeure. La propriété théorisée par le contrat social est contemporaine des capitalismes et colonialismes qui ont exproprié les populations autochtones de leur terre et patrie. Le colonisateur a transformé les terres spoliées en propriété privée pour produire une plus-value par l’exploitation et les travaux forcés. Le travail a transformé une terre qui confère un droit de propriété aux colons devenus nouveaux propriétaires. Les terres coutumières kanak ont préservé un mode culturel de vie, résistance et survie sociale contre ces expropriations. Les transformations foncières ont fait des colons des propriétaires. Leurs propriétés sont devenues des choses réelles.
Le discours persistant de la puissance souveraine essaie de faire croire qu’il n’y est pour rien. On reste admiratif face au cynisme de la raison d’État exprimé par la voix de François Mitterrand, président de la République, candidat à sa propre succession dans sa lettre adressée aux Français, et s’adressant indirectement à Jean-Marie Tjibaou en 1988 :
Je ne crois pas que l’antériorité historique des Canaques [sic] sur cette terre suffise à fonder le droit. Histoire contre histoire : les Calédoniens d’origine européenne ont aussi, par leur labeur, modelé ce sol, se sont nourris de sa substance, y ont enfoncé leurs racines4.
Le faux-semblant suppose que l’existence n’est pas l’essence. Un patron d’usine peut reconnaître l’existence d’une revendication. Cela ne signifie pas que la revendication sera satisfaite. La reconnaissance de la souveraineté est une étape, considérée comme dépassée, et fait place au transfert d’une autre souveraineté, une « souveraineté partagée », « dans un destin commun ». La souveraineté de Kanaky disparaît au moment du discours mis en place par la France en Nouvelle-Calédonie. Kanaky cède sa place à une souveraineté partagée. Partagée par la puissance souveraine qui consent à un transfert graduel des compétences juridiques jusqu’à un référendum qui pourrait transférer les compétences régaliennes, la pleine souveraineté. L’ordre du discours fait disparaître Kanaky. « Kanaky est en train de disparaître » est le pendant symétrique de la proclamation en 1984 avec la levée du drapeau de Kanaky par le président du FLNKS : « Kanaky est en train de naître. »
Ordre géopolitique et ordre du discours
On se demandera pour finir les raisons d’un tel dispositif. Le programme d’une recolonisation, consentie par la Nouvelle-Calédonie, s’explique par la stratégie géopolitique de la France. La France ne veut pas que l’une de ses possessions d’outre-mer accède à la souveraineté. La reconfiguration des ordres politiques mondiaux, qui fait suite à la perte des colonies d’Asie et d’Afrique, oblige la France à renégocier sa souveraineté nationale et son indépendance. La France trace de nouveaux axes géopolitiques et produit des souverainetés déterritorialisées. Ces stratégies géopolitiques planifient des programmes de recolonisation, dont fait partie l’accord de Nouméa. Ainsi dès le départ, la trajectoire de la Nouvelle-Calédonie est faussée. Les suspensions des souverainetés revendiquées, comme la Kanaky, font partie des histoires géopolitiques de la France en Océanie. La durée de l’accord de Nouméa sert les intérêts de la France qui calcule et construit des routes commerciales et pour ce faire assoit sa puissance souveraine à partir des territoires ultramarins et des ZEE (zones économiques exclusives). Pour conserver et multiplier sa souveraineté nationale et son indépendance, la puissance administrante réactive les ramifications déterritorialisées.
Il suffit de lire le document mis en ligne par la défense nationale, intitulé Le livre blanc de la défense nationale (2013), dont on ne citera ici qu’un extrait :
La France est présente sur tous les océans et sur la plupart des continents, notamment grâce aux outre-mer. Outre leur importance économique et stratégique, ces territoires permettent à notre pays d’entretenir des relations particulières avec des pays éloignés de l’Europe et lui valent d’être reconnu comme partenaire par de nombreuses organisations régionales pour lesquelles il est souvent le seul État européen ainsi associé. La zone économique exclusive de la France, qui couvre 11 millions de km2 – soit 3 % de la surface des mers du globe – est la deuxième derrière celle des Etats-Unis. Elle recèle de nombreuses ressources halieutiques, minérales et énergétiques dont l’exploitation constitue un atout très important pour notre économie.
Il est erroné de croire que la décolonisation des collectivités et territoires des outre-mer soit une des priorités politiques de la France. Si tel était le cas, la souveraineté et l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie auraient pu constituer le fondement de la politique publique et la question aurait été posée d’entrée de jeu de manière pragmatique. Comment aider un petit pays insulaire à construire une économie durable qui le conduise vers sa propre souveraineté? La trajectoire de la Nouvelle-Calédonie aurait pu être orientée de telle sorte que les énergies soient mobilisées vers des devenirs souverains. Il est cynique de déclarer que « Kanaky » n’est pas prête à devenir indépendante dès lors que le point de départ est faussé. Les partisans de la Calédonie française ne veulent pas devenir souverains. Ils ne se poseront jamais la question de la souveraineté/indépendance. Le référendum n’a pas lieu d’être dans la mesure où la souveraineté nationale appartient à la République française. Certains partis politiques « loyalistes » affirment qu’il faut « écraser » par une forte majorité de « non » pour « purger », une bonne fois pour toutes, l’idée d’indépendance. Les partisans d’une Calédonie française ou d’une Calédonie ensemble estiment que les pouvoirs monétaires, militaires, le contrôle et la sécurité des ZEE, appartiennent à la France. La France maintient un statu quo et dissuade le peuple kanak de vouloir encore revendiquer une indépendance dans un ordre mondial qui nécessite des puissances de dissuasions économiques et militaires qu’il ne peut posséder seul. La France a programmé un transfert de « souveraineté partagée » pour forclore la souveraineté de Kanaky au nom d’une « communauté de destin ».
(1) JORF n° 121 du 27 mai 1998 : 8039
(2) Rocard, M., « Conclusion du colloque » p. 201-208 in Regnault, Jean-Marc et Viviane Fayaud (éditeurs), La Nouvelle-Calédonie. Vingt années de concorde- 1988-2008, Paris, Publications de la Société française d’histoire d’outre-mer, 2008, 212 pages
(3) Tjibaou, J.-M, « Entretien avec Jean-Marie Tjibaou » p. 1587-1601 in Les Temps Modernes. Dossier « Nouvelle-Calédonie : Pour l’indépendance », Paris, 41e année, mars 1985 n° 464
(4) Mitterrand, F., Lettre à tous les Français pour la campagne à l’élection présidentielle de 1988 reproduite p. 239-241 in Jean-Marie Tjibaou, La présence kanak, Paris ; Odile Jacob, 1996. Sur la confrontation entre François Mitterrand et Jean-Marie Tjibaou, je me permets de renvoyer à un article, Mokaddem, H., « Jean-Marie Tjibaou/François Mitterrand : un quiproquo ? » p. 345-352 in (sous la direction de) Jean-Marc Regnault, François Mitterrand et les territoires français du Pacifique (1981-1988), Paris, Les Indes savantes, 2003, 583 pages