Plus jamais « d’Envoyé personnel » au Sahara occidental

A quoi ça sert un Envoyé personnel au Sahara occidental ? Est-ce un facilitateur ? Un conciliateur ? Un juge auquel les parties soumettent leurs plaintes et qui tranchent entre elles ? A-t-il des prérogatives et des privilèges exclusifs que lui confère sa fonction d’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, pour régler un conflit armé datant de quarante-cinq ans ou même un petit litige saisonnier d’hier ?


Rien de tout cela, à mon humble avis. C’est tout simplement un Monsieur avec un grand M, ayant eu à exercer, par le passé, de hautes fonctions dans son pays, qui l’ont élevées à une certaine notoriété internationale et qu’on appelle à la rescousse pour essayer de colmater une brèche, ou au moins donner du change à des parties en conflit, en faisant croire au plus faible d’entre elles, que la communauté internationale s’occupe de leur différent. Celle-ci, agissant à travers l’ONU va recommander au plus fort, généralement épaulé par une puissance ayant pignon sur rue (ici c’est la France qui joue le jeu), de lui laisser le soin de manigancer les choses pour amadouer le plus faible, l’adoucir, l’apprivoiser et parfois même soudoyer ses dirigeants, en attendant que la tempête passe, et faire trainer le conflit dans le temps, espérant ainsi venir à bout de son souffle. Et chaque fois que qu’un Envoyé personnel arrive à sa « caducité » et son déclin, il sera aussitôt remplacé par un autre, du même gabarit et ainsi de suite. Au Sahara occidental on a en a déjà consommé une bonne dizaine d’Envoyés personnels et de toutes les nationalités. Le dernier en date étant l’ancien président de l’Allemagne, Horst Kohler, qui a jeté l’éponge en mai 2019, pour cause de sa « santé », avait-il argumenté.
On avance généralement l’argument du volet politique dont s’occupera l’Envoyé personnel, comme si les autres aspects militaires, droits humains, ressources naturelles, démographie, exploitations du sous-sol, environnement, espace maritime, faune et j’en passe, doivent être laissés à la merci de l’occupant et des sociétés étrangères pour les exploiter sans retenu, à bon marché. On dit chez nous que le voleur tire toujours un bénéfice de ce qu’il a volé quel que soit le prix par lequel il vendra son butin. Et c’est le cas du Maroc qui, en toute impunité, continue à spolier les richesses naturelles du Sahara occidental, un territoire non autonome, inscrit par l’ONU depuis 1965, dans la liste des dix-sept territoires encore à décoloniser. Son principal client n’est autre que l’Union européenne, qui fait fi des sentences de ses instances juridiques prononcées en 2017 et en 2018, ayant décrété que le Sahara occidental ne relève nullement de l’autorité marocaine pour être un territoire en instance de décolonisation non-achevée, et que ses richesses sont la propriété exclusive de son peuple.

Tout le monde est gagnant. Le Maroc perpétue son occupation rentabilisée désormais par l’exploitation du sous-sol et des richesses halieutiques du Sahara occidental. L’Union européenne, sous la direction de la France et la cupidité de l’Espagne, achète tous ces produits à bon marché, défiant toute concurrence. Le seul perdant, le peuple sahraoui, peut toujours attendre…. un Envoyé personnel pour sortir les réfugiés d’un exil de quarante-cinq ans et rétablir tout le peuple sahraoui dans ses droits des deux côtés du mur militaires marocain, qui balafre le territoire et qui divise son peuple. Voyons ! un peu de patience … le prochain Envoyé personnel sera le bon cette fois-ci ! Et c’est cette couleuvre qu’on s’accorde à essayer de nous la faire avaler maintenant.

Et le plus décevant, est que certains de nos amis, sinon la plupart, continuent à croire qu’un Envoyé personnel, s’il arrive à être désigné et accepté par les deux parties en conflit, peut faire quelque chose là où ses prédécesseurs, d’une grande envergure et pour certains, d’une super-puissance, ont échoué.

Le processus de règlement de ce conflit ne fait que commencer et c’est cette fois ou jamais. L’ONU toute entière avec son Secrétaire général, ses Envoyés personnels, toute ses missions et autres structures, se résument en un huissier auxquels on fait appel à la dernière étape du conflit en fin de compte, pour opposer son cachet sur des accords signés entre les parties au conflit, ayant convenue d’elles même d’arrêter les hostilités, quand l’une d’elles ne peut plus soutenir économiquement l’effort de guerre devenu insupportable pour son budget. C’est là où interviendra l’ONU pour permettre de sauver la face. Pour notre cas, elle doit donc attendre qu’on l’appelle lorsque la situation sera mûre pour dégager la solution définitive et cette fois sera la bonne. Ses huissiers et ses cachets officielles serviront alors à quelque chose. On fera alors appel à tous les Envoyés personnels du SG de l’ONU ayant servi au Sahara occidental, pour la circonstance et pour la figuration.

Nous savons que toute guerre et tout conflit finissent autour d’une table des négociations, mais il faut encore que les conditions soient réunies pour y mettre fin. Et dans notre cas, ce n’est pas un Envoyé personnel de l’ONU qui va les réunir et encore moins un cessez-le-feu, qu’il préconisera dès qu’il sera nommé.

Le cessez-le-feu, cette fameuse clause de l’ancien processus onusien en vigueur depuis 1991 et qui vient d’être rompu par le Maroc le 13 novembre dernier, en tirant sur des civils sahraouis, qui manifestaient pacifiquement devant une brèche illégale, ouverte dans le mur militaire face à la frontière nord mauritanienne, un autre thème que j’aborderai dans un prochain article.

Lemhamid Abdelhaye

Journaliste sahraoui