Nigéria, au-delà du conflit social

Les syndicats nigérians ont suspendu la grève illimité déclanchée le 9 janvier dernier après que le gouvernement ait décidé de supprimer les subventions ce qui a conduit au doublement du prix des carburants. Au pays premier producteur africain d’or noir, sixième au niveau mondial, le litre d’essence est ainsi passé de 0,30€ à 0,67€ (la majorité des 160 millions de Nigérians vivent avec moins de 2 dollars par jour. Après un silence de 5 jours, l’annonce par le Président Goodluck Jonathan d’abaisser de 30% le prix de l’essence a conduit les syndicats à suspendre le mouvement, n’a pas pour autant répondu au problème de fond.


Les syndicats exigent, non seulement le rétablissement du prix initial du litre d’essence à 65 naira, soit l’équivalent de 33 centimes d’euro, mais ils exigent surtout plus de transparence dans la gestion des affaires publiques, et des économies de la part des dirigeants.

Depuis des dizaines d’années, les compagnies industrielles pour la plupart anglo-saxonnes s’enrichissent en détruisant sans scrupule le delta du Niger, ruinant les riverains dont la santé est mise en cause et qui ne peuvent plus vivre de la pêche ou de la culture de terres ravagées par les fuites de pétrole.

Le pays qui occupe la 156ème rang sur 187 pays dans l’Indice de développement humain du PNUD devra prendre des décisions politiques courageuses pour répondre aux besoins de sa population qui, d’après une étude de l’INED 2011, serait de 433 millions d’habitants en 2050. Est-ce le hasard que dans des pays disposant de telles réserves en matières premières on rencontre tout à la fois la misère et l’activité de groupes criminels?

Au Nigéria la population du subit les attaques revendiquées par la secte Boko Haram, un groupe salafiste extrémiste suspecté de liens avec Al-Qaïda, très actif dans le nord du Nigeria.

Dans une contribution sur le site Internet unmondelibre.com, l’économiste italien Giuliano Luongo écrit :

«Le début d’un conflit religieux ? Non, d’un conflit pour le pouvoir.

Même si l’action de Boko Haram pourra être la cause d’un durcissement des relations interreligieuses, il faut souligner que le pays, plus que victime d’une vague de haine entre les communautés chrétienne et musulmane, est principalement la cible d’un plan précis de déstabilisation mené par ces individus. Les leaders extrémistes, connaissant bien les difficultés de cohabitation des différentes communautés nigérianes, et surtout les tensions créées à cause des différences économiques entre les habitants, ont l’intention d’empirer les problèmes d’instabilité sociale du pays et profiter de cette situation pour augmenter leur influence. Ils ont besoin d’un pays divisé et d’une population pauvre et craintive pour accroître leur influence.»

Les motivations de Boko Haram sont en réalité très « séculières », car leur lutte dérive de la recherche du pouvoir. Ces extrémistes visent à subvertir complètement l’organisation de l’État pour instaurer un régime inspiré de leurs principes. Ils ont profité des conditions de pauvreté extrême de la population du nord du pays pour instaurer une base de soutiens, indispensable à construire un réseau de combattant terroristes. La corruption et le manque d’efficacité de l’action du gouvernement dans les cadres économique et social ont été un facteur déterminant dans la réussite de la propagande de cette organisation. En outre, le combat contre les Chrétiens – mais surtout contre les populations du sud – et contre autorités peut être lu comme une déclaration de guerre à qui contrôle le pétrole (situé surtout au sud du pays) et à qui en reçoit les profits.

Enfin, pour contenir cette stratégie de violence, le rôle du gouvernement et des autorités sera fondamental : les autorités devront être proactives dans la lutte aux terroristes et éviter de les laisser prendre confiance, mais en même temps la vigilance ne doit pas tomber dans la répression. Une seule arrestation d’innocent pourra fournir aux extrémistes un avantage. Pour combattre efficacement ces ennemis, l’État devra s’engager à ne pas se comporter comme un ennemi de la population lui-même.»