Bref rappel historique:Pour peu que l’on observe les stratégies politiques que la France impérialiste déploie depuis presque un siècle sur le territoire tchadien, dont la vastitude n’a d’égale que la profondeur de la désolation du peuple qui y vit, le Tchad est un immense camp militaire français consacré. En effet, jusqu’en 1965, le BET (Borkou Ennedi Tibesti, le Tibesti faisant frontière avec Libye) était directement administré par des officiers français en mission puis remplacés par des officiers Tchadiens
Le Tchad est champion en matière de mouvements politiques armés. Cinq organisations politico-militaires actives (CCSMR, FNDJT, UFR, UFDD, FACT) coexistent actuellement sur son sol.
Depuis presque un siècle, ce pays remplit à merveillesles fonctions de réservoir de légionnaires nègres, recrutés et formés pour assouvir les desseins impérialistes de la France. Déjà en 1941, c’est de ce territoire que sont parties les premières colonnes de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale, sous le commandement du Colonel Leclerc, pour marquer la première victoire signifiante avec la prise de Koufra dans le sud-est libyen. Le Régiment de Marche du Tchad était constitué, notamment, de braves jeunes gens arrachés à leurs familles et à leurs champs et embarqués dans une guerre qui n’était pas la leur. C’est ce régiment qui, associée à la Deuxième Division Blindée, après des victoires mémorables au Fezzan, sera le premier à livrer bataille en Normandie avant d’entrer dans Paris qu’il libérera. Il en sera bien sûr payé en monnaie de singe.
Ces jeunes gens ont été trainés par la suite sur tous les champs de répression des luttes de libération des peuples soumis aux conquêtes coloniales de la France, en Indochine, en Algérie, à Madagascar, au Cameroun où ils ont participé activement aux massacres des valeureux partisans de l’UPC.
La situation actuelle:
Depuis le 11 avril, date de l’élection présidentielle (à laquelle Idriss Déby Itno se présentait pour un sixième mandat), le FACT (Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad), mouvement politique armé, basé à l’extrême Nord du Tchad, donc à la frontière sud de la Libye, a lancé une offensive militaire degrande envergure, contournant la base française de Faya-Largeau dans le cadre Barkhane, en longeant la frontière nigérienne pour arriver à Nokou à environ 300 km de la capitale Ndjaména.Et là commencera la construction d’une légende selon laquelle le courageux maréchal du Tchad (depuis le 11 août 2020) se serait rendu sur le champ des opérations et y aurait perdu la vie, les armes à la main, bref en héros militaire.La réalité est plus prosaïque: Déby aurait été achevé par les siens.A l’annonce de son décès le 20 avril, une junte militaire, composée de 15 généraux nommés par le défunt tyran, dirigée par un de ses fils âgé de 37 ans, Mahamat Idriss Déby, commandant la puissante DGSSIE (Direction Générale des Services de Sécurité des Institutions de l’État, milice clanique chargée de la protection du Président) s’empare du pouvoir. C’est tout simplement un putsch, une prise illégale et inconstitutionnelle du pouvoir qui, en principe doit être condamnée par l’UA en vertu de l’alinéa 10 de l’article 3 (Chapitre III Des principes) de la Charte Africaine de la Démocratie, des élections et de la Gouvernance, comme ça été le cas au Mali.
Les Chefs d’État africains présents aux obsèques du tyran Déby le 23 avril se sont assis sur ce principe.
Le président français, dans une sortie avec le style arrogant de l’impérialisme français et le constant mépris des peuples africains en général et tchadien en particulier, avec l’appui de l’ami des dictateurs Jean-Yves Le Drian, a déclaré que la « France ne tolérera ni aujourd’hui ni demain la déstabilisation du Tchad. »De quel droit? Qui le lui a demandé?
Aujourd’hui, la position du Président Macron, lors de sa rencontre avec Félix Tshisekedi, Président de la RDC et Président en exercice de l’Union Africaine, a connu une légère inflexion puisqu’il condamne les violentes répressions des manifestants qui exigent la fin de la junte et le retour à l’ordre constitutionnel.
L’Amicale Panafricaine s’associe aux patriotes progressistes Tchadiens pour:
Condamner avec fermeté le coup d’État constitutionnel perpétré le 20 avril 2021 par un groupe de généraux de la DGSSIE), tous des obligés de l’ancien tyran Idriss Déby Itno,
Condamner la violente répression de la manifestation des Tchadiens de N’Djaména et de l’arrière-pays contrela prise en otage du pays par le Conseil militaire de transition. Cette répression barbare a fait de nombreux blessés et un mort,
Exiger le retour immédiat à l’ordre constitutionnel, avec pour base juridique la constitution de 1996,
Exiger la mise en place, dans les meilleurs délais, d’un dialogue national inclusif, devant permettre une véritable réconciliation nationale et une transition constructive et apaisée, qui aboutira à l’organisation d’élections libres, transparentes, équitables et démocratiques.
Demander à ce que la médiation actuelle de la France et du G5 Sahel ne permette pas, in fine, de valider les décisions de la junte, qui sont non conformes à la Constitution et à l’ordre républicain.
Exiger des mesures sécuritaires appropriées afin d’assurer l’intégrité physique des acteurs politiques et de la société civile: membres de collectifs citoyens, responsables et militants des partis politiques de l’opposition démocratique et des organisations syndicales.
L’Amicale Panafricaine exhorte l’Union africaine à appliquer l’article 30 du Traité de Syrte relatif au coup d’État et la Déclaration de Bamako de 2007 sur la démocratie, comme ce fut le cas en Guinée, au Mali et au Soudan. L’Amicale Panafricaineexige l’exclusion temporaire du Tchad de l’Union africaine, de la CEMAC et de l’OIF, jusqu’à la création d’un Conseil national politique inclusif de Transition dirigé par des civils, et l’application des jurisprudences malienne et soudanaise ; pays qui ont, sous la pression citoyenne et diplomatique, cédé les rênes aux civils, après que les militaires aient pris le pouvoir.
L’actuel président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, étant un Tchadien qui a occupé plusieurs fois la fonction de ministre et a été Premier ministre du défunt Idriss Deby Itno, et proche de la junte, L’Amicale Panafricaine s’interroge sur sa capacité à condamner le système qui a fait de lui ce qu’il est. Par conséquent,L’Amicale Panafricaine demandeà l’Union africaine de dessaisir Monsieur Moussa Faki Mahamat du dossier tchadien, pour conflit d’intérêts évident.
Paris le 29 avril 2021
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