L’art et la manière de confisquer la souveraineté des peuples
En décembre 2020 seront célébrées les 60 ans de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur «l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux », elle prévoit que « des mesures immédiates seront prises dans les territoires sous tutelle, les territoires non autonomes et tous les autres territoires qui n’ont pas encore accédé à l’indépendance, pour transférer tous pouvoirs aux peuples de ces territoires. » Elle définit le territoire non autonome comme « géographiquement séparé et ethniquement ou culturellement distinct du pays qui l’administre ».
Après avoir octroyé des décolonisations sans souveraineté à 13 peuples durant l’année 1960, la France a manuvré pour se soustraire à son devoir historique à l’égard des quatre territoires non autonomes qu’elle occupait encore, afin de préserver des positions géostratégiques, son empire maritime et des ressources naturelles exploitées ou en promesse.
En 1975 les Comoriens accèdent à l’autodétermination mais la France s’arroge l’île de Mayotte enfreignant la résolution onusienne : «Tous les peuples ont un droit inaliénable à la pleine liberté, à l’exercice de leur souveraineté et à l’intégrité de leur territoire national». Rappelée à l’ordre plusieurs fois par l’Assemblée générale de l’ONU elle en fait fi.
En 1977 les Djiboutiens votent pour l’indépendance, dont le colonisateur a prévu le contrôle de souveraineté en installant le futur président et en implantant deux ans après une base militaire.
En Kanaky-Nouvelle Calédonie, à 16 700km de Paris, la revendication kanak du droit à l’autodétermination est longtemps ignorée par la puissance coloniale : Dans les années 70 durant le boom économique du Nikel Pierre Mesmer, alors Premier ministre, pousse à une colonisation de peuplement de Français métropolitains et outre marins qui rend minoritaire la population Kanak sur ses terres où elle est marginalisée et ostracisée.
En 1988 après le drame à Ouvéa, qui a gravement blessé le mouvement indépendantiste, les Accords de Matignon-Oudinot sont négociés sur le sol de la puissance coloniale qui se positionne en « arbitre », entre le FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste) et le RPCR (Rassemblement Pour la Calédonie dans la République) composé essentiellement d’Européens. Un référendum d’autodétermination est fixé à 10 ans plus tard. Mais en 1998 les Accords de Nouméa le repoussent de 20 ans, sous prétexte d’une période de transfert progressif de certaines compétences. La liste électorale référendaire s’allonge, ouvrant le droit de vote à des citoyens de la puissance coloniale et à des ressortissants des îles du Pacifique. Les Kanak représentent 49% de ce corps électoral. Ce n’était pas l’esprit de la résolution de l’ONU qui stipule de « donner le libre droit à la détermination des peuples colonisés». 60 ans plus tard, la France appelle des « Calédoniens » à se prononcer sur l’indépendance de la Kanaky-Nouvelle Calédonie.
suite aux accords de nouméa, l’administration française a organisé deux des trois référendums prévus. en 2018 le OUI à l’indépendance a recueilli 43,30% des suffrages, cette année il atteint 46,74%. Le résultat du projet indépendantiste a progressé, l’écart de voix est passé de 18 000 à 10 000. La réflexion poussée sur un projet de société indépendantiste présenté aux différentes communautés a porté ses fruits (voir l’interview du syndicaliste de l’USTKE page2).
Dans deux ans une nouvelle consultation aura lieu, définitive cette fois.
« Le cur de nombreux métropolitains comprend que sans la Nouvelle-Calédonie la France perdrait de son charme, et dans le même temps, leur raison peut y égarer sa sérénité. » Didier Julienne Le Figaro du 7/10 /2020
Les polynésien(ne)s pour leur part attendent d’accéder au droit à l’autodétermination au sein d’une régionalisation aux compétences élargies. La France qui enfreint la Charte de l’ONU est-elle définitivement sourde à l’appel des Nations du monde lancé en 1960 « convaincues que le maintien du colonialisme empêche le développement de la coopération économique internationale, entrave le développement social, culturel et économique des peuples dépendants et va à l’encontre de l’idéal de paix universelle des Nations Unies ». (Chapitre XI art 73) ?.