La lettre de Pierre Mesmer à son Secrétaire d’Etat aux DOM TOM

De l’Indochine au Cameroun en passant par la Mauritanie et la Côte d’Ivoire, ce grand serviteur de la France coloniale ne manquait pas d’expérience quand il fut nommé à la tête du gouvernement de Georges Pompidou après avoir été Ministre des armées du général De Gaulle… Le 19 juillet 1972, Pierre Mesmer donne ses directives à Xavier Deniau son Secrétaire d’Etat aux DOM-TOM sur l’avenir de la Nouvelle Calédonie.


« La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, bien que vouée à la bigarrure multiraciale, est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.
Il faut donc saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire. La présence française en Calédonie ne peut être menacée, sauf guerre mondiale, que par une revendication nationaliste des populations autochtones appuyées par quelques alliés éventuels dans d’autres communautés ethniques venant du Pacifique.

A court et moyen terme, l’immigration massive de citoyens français métropolitains ou originaires des départements d’outre mer (Réunion) devrait permettre d’éviter ce danger en maintenant et en améliorant le rapport numérique des communautés.

A long terme, la revendication nationaliste autochtone ne sera évitée que si les communautés non originaires du Pacifique représentent une masse démographique majoritaire. Il va de soi qu’on n’obtiendra aucun effet démographique à long terme sans immigration systématique de femmes et d’enfants.

Afin de corriger le déséquilibre des sexes dans la population non autochtone, il conviendrait sans doute de faire réserver des emplois aux immigrants dans les entreprises privées. Le principe idéal serait que tout emploi pouvant être occupé par une femme soit réservé aux femmes (secrétariat, commerce, mécanographie).

Sans qu’il soit besoin de texte, l’administration peut y veiller.

Les conditions sont réunies pour que la Calédonie soit dans vingt ans un petit territoire français prospère comparable au Luxembourg et représentant évidemment, dans le vide du Pacifique, bien plus que le Luxembourg en Europe.
Le succès de cette entreprise indispensable au maintien de positions françaises à l’Est de Suez dépend, entre autres conditions, de notre aptitude à réussir enfin, après tant d’échecs dans notre Histoire, une opération de peuplement outre-mer. »