Le site de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) nous indique que cette institution française publique est « Un acteur majeur de la science du développement durable qui défend un modèle original de partenariat scientifique équitable avec les pays du Sud et une science interdisciplinaire et citoyenne, engagée pour la réalisation des objectifs de développement durable. »
On pourrait penser qu’un tel affichage préserve l’institution de s’affranchir de la légalité internationale dans ses travaux et les partenariats noués avec d’autres institutions. Le présent courrier de l’Observatoire Universitaire International du Sahara Occidental démontre qu’il y a des failles dans « l’équité avec les pays du Sud ».
Mme la Présidente directrice générale de l’IRD, chère collègue,
En juin 2020, notre observatoire a publié sur son site web une actualité à propos de la signature de conventions de recherche entre l’IRD et certaines collectivités ou institutions marocaines relatives à des recherches menées au « Sahara marocain » selon la terminologie employée par les documents de communication de l’IRD et notamment par la représentation de l’IRD au Maroc. Ces programmes de recherche ont été mis en place par différentes UMR de l’IRD et dans différents domaines.
Lien web :
L’IRD signataire de partenariats avec la puissance occupante d’un territoire en guerre ?
Ces recherches étant en réalité menées au Sahara Occidental, territoire non-autonome des Nations unies en attente de décolonisation, partiellement et illégalement annexé par l’Etat marocain, territoire en état de guerre, nous avions alors alerté le représentant de l’IRD au Maroc, Renaud Fichez, et demandé une copie de ces conventions. Ce dernier nous avait indiqué que l’affaire était entre les mains du service juridique de l’IRD… Depuis lors, nous n’avons reçu aucune nouvelle du représentant de l’IRD au Maroc, ni de la direction juridique de l’IRD.
Si ces conventions confirmaient le recours à cette terminologie erronée, cela signifierait que l’IRD considère ouvertement que ce territoire est officiellement sous la souveraineté du Maroc, ce qui constituerait une très grave infraction au droit international, ce d’autant plus que ni la France ni le reste de la communauté internationale (mise à part la déclaration de D. Trump du 10 décembre dernier) ne reconnaît cette souveraineté.
Pour une institution comme la vôtre, qui affirme « défend[re] un modèle original de partenariat scientifique équitable avec les pays du Sud et une science interdisciplinaire et citoyenne, engagée », dont le cur de métier est la coopération pour le développement, et qui est très présente sur le continent africain, une telle infraction et un tel soutien assumé à une entreprise de colonisation terniraient profondément son image auprès des pays du Sud et de ses partenaires, et plus largement l’image de la diplomatie française au Maghreb et dans le monde.
Mme la Présidente directrice générale, vous comprendrez combien il est choquant et inacceptable pour des chercheur.se.s menant des recherches sur cette région du monde, souvent au contact de populations en exil du fait de ce conflit de décolonisation qui s’éternise, de voir une institution de recherche aussi respectable que celle que vous présidez fouler aux pieds le droit international, au mépris total des populations qui vivent dans cette région et de leur « développement », et en contradiction avec le processus de résolution du conflit mené par les Nations unies depuis de nombreuses années.
Nous sommes convaincus que vous adhérez à l’idée selon laquelle les scientifiques – y compris celles et ceux (archéologues, biologistes, …) qui ne travaillent pas directement au contact des populations humaines vivant dans cette région – et les institutions dont ils relèvent ont un devoir éthique de première importance vis-à-vis de ces mêmes populations qui n’ont que trop subi l’exil, la répression, la colonisation de leur terre.
Mme la présidente directrice générale, nous vous demandons aujourd’hui de faire toute la lumière sur ces conventions vraisemblablement signées dans l’illégalité et le mépris des populations de ce territoire et nous souhaitons que le comité d’éthique de l’IRD se saisisse en toute indépendance de cette affaire car ces conventions portent une très grave atteinte à la déontologie scientifique.
Aussi, conformément aux article L. 300-1, L. 300-2, L. 311-1 et 311-9, pris ensemble, du Code des relations entre le public et l’administration, nous vous demandons par la présente de transmettre copie des conventions litigieuses. En cas de refus de votre part, nous serions contraints de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir, Mme la Présidente et chère collègue, nos respectueuses salutations.
Le conseil scientifique de l’Observatoire universitaire international du Sahara Occidental : Joanna Allan (Northumbria University), Enrique Bengochea (Université de Lisbonne), Larosi Haidar Atik (Universidad de Granada), Juan Carlos Gimeno Martín (Universidad Autónoma de Madrid), Jacob Mundy (Colgate University), Raquel Ojeda (Universidad de Granada), Carlos Ruiz Miguel (Universidad de Santiago de Compostela), Vivian Solana (Carleton University), Victoria Veguilla (Universidad Pablo de Olavide, Sevilla), Alice Wilson (University of Sussex)
Le comité de pilotage de OUISO : Marjorie Beulay (Université de Picardie Jules Verne), Sébastien Boulay (Université de Paris-UMR CEPED, en délégation CNRS à l’Institut des mondes africains), Meriem Naïli (University of Exeter), Camille Tanné (Université de Paris)