La Lettre de l’AFASPA avril 2021. Éditorial ci-dessous et document complet en pièce attachée.
Si tu veux la Paix, ne prépare pas la guerre !
Dans les années de guerre froide, un vaste mouvement international s’est mobilisé pour éviter que l’affrontement des grandes puissances nucléaires dégénère. Lancé par Conseil mondial de la paix le 19 mars 1950, « l’appel de Stockholm » qui exige « l’interdiction absolue de l’arme atomique » recueillera plus de 500 millions de signatures. En France des artistes et scientifiques s’engagent : Picasso, Vercors, Joliot Curie… Les 2 millions de morts d’Hiroshima et de Nagasaki étaient dans les mémoires.
En février 1960 Gerboise, premier essai atomique de la France près de la ville de Réggane dans le désert algérien, avait une force quatre fois supérieure à celle d’Hiroshima. Soixante et un an après, en vertu du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entré en vigueur le 22 janvier 2021, l’Algérie est en mesure d’exiger de la France d’assumer ses responsabilités dans la contamination de l’environnement au Sahara et les dégâts sur la santé des populations causés par les rejets. L’étude de la Fondation Heinrich Böl «Sous le sable, la radioactivité ! Les déchets des essais nucléaires français en Algérie », fournit les raisons techniques, juridiques et politiques qui expliquent pourquoi le dossier des essais nucléaires «ne peut être clos». Et que «le passé nucléaire ne doit plus rester profondément enfoui dans les sables».
L’ONU dispose aujourd’hui d’un instrument juridiquement contraignant. Le traité a été signé par 86 pays (dont 29 africains). Mais parmi eux, aucun des États pourvus de l’arme nucléaire, dont les 5 membres permanents du Conseil de sécurité doté du droit de véto qui existe pour « protéger leurs intérêts ». Les parlements de 54 États (dont 8 africains) ont par la suite ratifié ce traité qui est entré en vigueur en ce début d’année.
La dissuasion nucléaire décrite comme l’équilibre de la terreur, gage de stabilité stratégique, est un mythe absurde. Dans son ombre la recherche militaire (qui ne manque pas de crédits) fait des « progrès ». D. Trump avait menacé de faire usage de la récente mise au point d’une arme nucléaire à faible rendement (1/3 de celle d’Hiroshima) en cas de cyber attaque contre les USA. Le développement de missiles hypersoniques tant en Russie qu’en Amérique ajoute à la dangerosité de la situation. Aujourd’hui, certaines bombes atomiques sont jusqu’à 3000 fois plus puissantes que celles larguées sur Nagasaki. Malgré cela, la Russie, la Chine, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ne sont pas à la hauteur des obligations de désarmement qu’impose le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. C’est pourquoi la société civile, l’opinion publique et plusieurs dizaines d’États ont pris les devants.
L’arme atomique a quelque chose d’absurde. Elle est totalement contraire au droit humanitaire, elle coûte cher et peut dévaster l’humanité entière. Ce n’est donc pas faire preuve d’idéalisme naïf que de pousser à son abolition. Le traité d’interdiction adopté à l’ONU à New York en 2017 représente cet espoir, ce retour au bon sens.