Il y a 24 ans que l’ONU promet au peuple du Sahara occidental qu’il va enfin accéder au droit imprescriptible et inaliénable à l’autodétermination. 24 ans de souffrances supplémentaires pour celles et ceux qui vivent en territoire occupé et d’exil pour celles et ceux qui ont fui la barbarie de l’armée marocaine pour se réfugier en Algérie ou qui y sont nés. 24 ans que le Maroc, l’Espagne et des multinationales exploitent les richesses d’un territoire non autonome en toute illégalité. Et ça devrait durer encore un an selon la dernière résolution du Conseil de Sécurité au sein duquel la France soutient le refus du Maroc à ce que la mission des Nations unies soit dotée d’un mandat pour la surveillance des droits de l’Homme. Depuis 24 ans l’armée populaire sahraouie respecte le cessez-le-feu, depuis 10 ans, et bien que pacifique, l’Intifada est durement réprimée en territoire occupé. Combien de temps cette fausse paix qui convient au colonisateur va-t-elle durer?
Analyse de Malainin Mohamed Lakhal, journaliste freelance
Vraisemblablement, cette résolution prorogeant le mandat de la MINURSO jusqu’au 30 Avril 2016 a été rédigée par le soi-disant groupe des amis du Sahara Occidental (États-Unis, la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne et la Russie).
Ce texte n’a rien apporté de ce qui était attendu, en particulier par les Etats Africains et d’autres pays tels que le Venezuela ainsi que plusieurs organisations internationales et régionales inquiets par la situation dangereuse des populations et par la possible reprise de la guerre dans la région.
En effet, cette nouvelle résolution n’a rien de nouveau sauf sa date d’adoption. Elle reprend à la lettre la résolution de 2014. Ce qui représente un échec pour ceux qui s’attendaient à une prise de responsabilité de la part du Conseil.
Après l’adoption, le représentant de la Malaisie, pays membre non-permanent du Conseil, s’est plaint dans son discours d’explication de vote, de ce qu’il a décrit comme « un manque de transparence dans les négociations sur la résolution ». En d’autres termes, l’absence de consultations par les cinq Membre permanents avec les autres membres du Conseil de sécurité.
Il convient d’indiquer que le projet a d’abord été examiné par le Groupe des « Amis » du Sahara Occidental avant d’être simplement communiqué aux autres membres du Conseil de sécurité, qui se sont tous plaints de cette méthode de travail et de l’indifférence illustrée par les cinq membres permanents à l’égard de leurs propositions et recommandations qu’ils souhaitaient voir refléter dans ce texte.
Coup de force
Les délégués africains se sont même plaint du fait que l’Afrique ne soit pas représentée dans le groupe des « Amis » du Sahara occidental, ce qui est étrange et inacceptable.
Dans sa déclaration d’explication de vote, le représentant du Venezuela a déclaré que la surveillance des droits de l’homme aurait dû être incluse dans le mandat de la MINURSO, et que l’Union africaine aurait dû être autorisée à s’adresser au Conseil dans une réunion spéciale avant le vote de la résolution.
Le Venezuela a exprimé « certaines préoccupations sur la procédure utilisée dans la rédaction de la résolution que nous avons adoptée. On nous présente un texte qui a déjà été accepté par le Groupe des Amis du Sahara occidental, qui ne traitait pas les préoccupations légitimes et les propositions qui ont été faites part de nombreux pays intéressés à cette question, le Venezuela y inclus. Ces propositions visaient à renforcer le rôle de la MINURSO et promouvoir et protéger les droits humains de la population du Sahara occidental, en tenant compte des recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport, et la nature de toutes les missions de l’ONU. Il est nécessaire, ensuite, que les négociations futures qui traitent la question voit une amélioration dans les méthodes de travail dans le but d’aider à parvenir à un large débat qui est inclusif et transparent ».
L’Angola, citant le Tchad et le Nigeria, a pour sa part indiqué que « les trois Etats membres africains du Conseil de sécurité ont, d’abord, voté en faveur du projet de résolution car convaincus que le Conseil de sécurité est vraiment engagé pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Deuxièmement, le Conseil de sécurité est déterminé à mettre fin à l’impasse actuelle et à la réalisation de progrès vers une solution politique. Troisièmement, le Conseil de sécurité reconnaît que la réalisation d’une solution politique pourrait contribuer à la stabilité et la sécurité dans la région du Sahel. Et quatrièmement, le Conseil de sécurité encourage les parties à démontrer davantage de volonté politique pour trouver une solution afin de poursuivre le processus de négociation, et reconnaît que la consolidation du statuquo est inacceptable comme indiqué par d’autres orateurs ce matin. »
Il convient de rappeler que l’Union africaine avait formellement demandé au Conseil de sécurité de permettre au Président Joaquim Chissano, l’Envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental, d’exposer aux membres du Conseil la position de l’UA sur la question.
Le Maroc et ses alliés avaient refusé cette demande. Le Maroc a en outre exprimé son rejet catégorique de toute sorte de participation de l’Union africaine dans les efforts internationaux visant à trouver une solution au conflit.
Le représentant du Maroc auprès de l’ONU, Omar Hilal, a simplement dénommé l’Union africaine de « toxique » sur cette question, en disant que, ayant pris sa décision, l’UA ne devrait pas s’adresser au Conseil.
Le Représentant français à cette réunion, a déclaré que la résolution a donné « l’impulsion nécessaire au processus politique » au Sahara occidental, en impasse pendant l’année écoulée, selon lui. Pourtant, il a reflété la position déshonorante de son pays en faveur de la continuité de la colonisation du Sahara Occidental, réitérant le soutien traditionnel français à la proposition marocaine d’autonomie pour le Sahara Occidental, ce qui est contradictoire avec la doctrine de la décolonisation de l’ONU.
L’obstacle français
Le Maroc et la France rejettent tous les appels internationaux pour inclure un mandat de surveillance des droits de l’homme dans la mission de la MINURSO.
L’Union africaine a récemment appelé à ce que la MINURSO soit dotée d’un mandat pour la surveillance des droits de l’homme, à l’instar de toutes les missions de maintien de la paix des Nations unies, mais la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU a une nouvelle fois ignoré cet appel.
L’UA a également voulu que la résolution indique explicitement que la mission principale de la MINURSO est d’organiser un référendum, ce qui est clairement indiqué dans le nom même de cette instance (Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara-Occidental MIUNRSO). La France et le Maroc essayent d’insinuer que sa mission est simplement le maintien du cessez-le-feu.
De son côté, le Représentant du Polisario à l’ONU, Ahmed Boukhari, a publié une déclaration se félicitant du soutien de l’Union africaine a la position sahraouie mais déplorant « la position de la France, qui reste le principal obstacle à une paix juste et durable au Sahara occidental. »
La nouvelle résolution du Conseil de sécurité est catastrophique, vu les frustrations qu’elle va semer partout dans la région, notamment au sein des populations sahraouies.
La question qui se pose est la suivante : est-ce que le Conseil de sécurité veut pousser les sahraouis à reprendre la lutte armée et plonger le Maghreb dans une crise similaire à celle du Moyen-Orient ?
Malainin Mohamed Lakhal
30 avril 2015