Numéro 101 (septembre 2006)

LES MODERNES « DAMNÉS DE LA TERRE »
– LES MIGRATIONS, FORME CONTEMPORAINE DE L’IMPÉRIALISME
– ALGÉRIE 2006, MÉMOIRE ET PRÉSENT
– ACTUALITÉS D’AFRIQUE ET DU MONDE



N° 101 – Septembre 2006


SOMMAIRE :

p.01 > édito (Francis Arzalier)

p.02 > Impressions d’Algérie (C. Grandrieu)

p.06 > La France au Tchad : une vieille tradition d’ingérence (P. Kaldor et le Journal du Jeudi – Burkina, 1-7 juin 2006)

p.08 > Métamorphose du travail à Nima, faubourg d’Accra (Ghana) (M. Verlet)

p.11 > Ecoliers sans papiers (J.M. Bavard)

p.15 > 10 mois après la crise des banlieues : Quelle analyse ? Quelles perspectives ? (Interview de S. Gatignon, Maire de Sevran)

p.18 > L’immigration, menace ou avantage ? (F. Arzalier, J-C. Rabeherifara)

p.21 > Immigration « choisie » : un point de vue africain (Interview de C. Souaré, P.I.T. sénégalais)

p.23 > Ephéméride africain (R. Lavaud)

p.26 > Les noirs et le national-socialisme (Maguéye Kassé)

p.28 > 1900 : l’Europe regarde l’Afrique (C. Lippus)

p.30 > Notes de lecture


Chers amis,

Voici un échantillon d’articles extraits du numéro 101. La revue Aujourd’hui l’Afrique est servie par abonnement : les informations pour s’abonner sont installées en chapeau de cette rubrique « revue Aujourd’hui l’Afrique ».


Édito

COLONISER, CE CRIME HIER ET AUJOURD’HUI

La prise en otage d‘un jeune soldat israélien par un groupe que ne contrôlent pas les autorités palestiniennes était certainement un acte militairement irréfléchi et politiquement discutable.

Il ne peut en aucun cas justifier la férocité avec laquelle l’état israélien se conduit en Palestine, tuant des civils de tout âge dans les rues et les immeubles, emprisonnant les députés et les ministres élus par les Palestiniens.

L’Etat israélien est coupable du crime d’occupation coloniale au détriment du peuple de Palestine. Seuls les inconscients et les fanatiques nostalgiques de l’OAS peuvent croire qu’affamer et bombarder les enfants de Palestine va diminuer la popularité indéniable du Hamas.

Durant cette tragédie, ce déni de la morale politique la plus élémentaire, les dirigeants des USA et de l’Europe soutiennent l’état d’Israël en supprimant l’aide humanitaire aux Palestiniens réduits chaque jour davantage à la pénurie. Les autorités françaises se déshonorent encore un peu plus en se taisant et en parlant football.

Ce silence assourdissant ne doit pas s’étendre à l’opinion. Exigeons l’arrêt des bombardements et des emprisonnements en Palestine ; la libération de tous les emprisonnés, y compris les milliers de Palestiniens embastillés en Israël ; la condamnation du gouvernement colonial d’Israël qui terrorise la Palestine occupée et menace d’attaquer la Syrie, au risque de déclencher un conflit mondial et nucléaire (Israël est le seul état de la région à posséder des armes nucléaires !)

Le sort du globe se joue peut-être aujourd’hui au Moyen-Orient ; personne ne peut croire que les peuples d’Afrique et de France ne sont pas concernés. Encore une fois cet incendie qui menace d’enflammer le monde est de nature coloniale : en Palestine, en Irak, et ailleurs, tant que des pouvoirs politiques et financiers imposeront par la force brutale l’occupation et le pillage à des peuples humiliés, nous côtoierons le bord du gouffre. Il faut contraindre à reculer les colons, leurs mercenaires, les aventuriers criminels qui se nourrissent de nos silences au Moyen-Orient aujourd’hui, comme ce fut le cas en Algérie il y a un demi-siècle !

En 2006, les pétroliers et les soldats US pillent l’Irak, les colons et les blindés israéliens terrorisent la Palestine, le Liban et les héritiers de l’OAS se manifestent de plus en plus ouvertement en France : qui peut croire à une coïncidence ?

Il n’y eut jamais d' »aspect positif » de l’entreprise coloniale ; elle accouche toujours de tragédies, aujourd’hui de massacres au Liban, demain on ne sait où, si nous la laissons faire.

>> Francis Arzalier


Billet

MIGRATIONS

Autre héritage colonial, la division toujours plus effarante du monde actuel en deux blocs : l’un est occidental regorgeant de richesses même si elles sont bien mal partagées, l’autre, au sud, empli de foules pauvres, réduites à l’inactivité et aux rêves de fuite vers les rives du Septentrion. De ce fait, les migrations sont devenues l’aspect central des relations entre France et Afrique aujourd’hui. Nous en traitons en 6 articles successifs. On ne peut laisser croire qu’il suffirait de barder les frontières de miradors ou de les supprimer en donnant illico des papiers à tous ceux qui en font la demande : ces deux démagogies contraires se nourrissent l’une de l’autre, elles sont irréalistes et dangereuses.
Le problème est complexe, et l’on sait bien que les Français soucieux de solidarité avec les peuples africains n’en ont pas tous la même approche. Nous n’avons pas voulu éviter ce débat entre nous. Nous ne prétendons pas aux réponses définitives ; nous voulons seulement apporter des éléments sérieux d’analyse et de réflexion à des lecteurs adultes.

>> Aujourd’hui l’Afrique


Immigration

LES SEULS PAPIERS DE NOS ÉLÈVES DOIVENT ÊTRE LEURS CAHIERS ET LEURS LIVRES DE CLASSE

Jean-Michel Bavard (RESF)

La loi Sarkozy réformant le CESEDA (Code d’Entrée et de Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile), pour la seconde fois en une même législature : du jamais vu !, a été adoptée en ce début juillet 2006. Elle prétend lutter avec acharnement contre l’immigration subie” et instaure une « immigration choisie ».

L’histoire se répète…

« Subie » : déjà l’idée même de faire son choix, son marché… parmi des individus démunis est intolérable. Et puis qui choisira ? Les dirigeants et le patronat des pays riches bien sûr… Et les peuples des pays pauvres ?
Décidément, après l’esclavage, la colonisation, on voudrait que l’histoire se répète indéfiniment. Pire même, par un pillage des énergies humaines les plus dynamiques, les plus formées… on va compromettre davantage encore les chances de développement de ces pays déjà martyrs. Et comme on ne s’attaque aucunement aux causes réelles de l’émigration qui font que dans la plupart des cas, un individu n’a que le choix entre crever ou partir, on ne fera au bout du compte que multiplier les sacrifiés, noyés en Méditerranée ou en Atlantique, morts de soif dans le Sahara… et dans notre pays même multiplier les Sans-Papiers, ces pauvres êtres démunis de tout droit, niés dans leur existence même, à la merci de toutes les exploitations. Ne nous y trompons pas, une telle négation de l’humanité, du droit… ne peut que miner, à la longue, les fondements même de notre société.

Combattre « l’immigration subie » revient, pour Mr Sarkozy, à restreindre de façon drastique toutes les causes des migrations qui ne seraient pas utiles à la conception capitaliste de l’économie : inutile le droit à un titre de soins, inutile le droit à vivre en famille (quand on est pauvre bien sûr), inutile le droit au mariage et celui de vouloir vivre auprès de sa compagne ou de son compagnon s’il est étranger, inutile le droit à étudier en France si l’on n’est pas un « surdoué », et enfin inutile le droit d’asile, ce dernier droit quand on a tout perdu, ce droit fondamental qui garantit l’exercice de tous les autres droits citoyens. L’OFPRA n’a accordé en 2005qu’un peu plus de 8% de réponses positives aux demandes d’asile, c’est historiquement le taux le plus bas ! Il y a 20 ans, 80% des demandes étaient accordées. Comme si le monde s’était sécurisé en ces 2 décennies, il suffit d’allumer son poste de télé pour être persuadé du contraire.

Alors, même si le droit d’asile n’est pas remis en cause en lui-même, la France étant liée par la signature de la Convention de Genève, il s’agit d’aggraver toutes les conditions d’accès à ce statut de réfugié: délais pour déposer sa demande réduits à 3 semaines et à rédiger exclusivement en français sans l’aide d’un interprète… Exigences toujours plus fortes de preuves à fournir incompatible avec l’urgence de la fuite. Elaboration d’une liste de pays dits sûrs dont les ressortissants seront automatiquement déboutés, en quelques jours, sans avoir pu être entendus. Enfin, conditions de vie dramatiques qui font que la rédaction de la demande pourtant déterminante ne peut être la priorité.

Quant aux Sans-Papiers qui vont avec cette loi être de plus en plus nombreux, ils pourront le rester à vie puisque la possibilité de régularisation après 10 ans de présence sur le territoire a été supprimée. Il faut comprendre que le Sans-Papiers n’est intéressant pour le patronat que s’il reste Sans-papiers justement.

Le mot qui fait le lien, la cohérence, entre le CPE, le CNE, mais au-delà toute la loi dite avec un incroyable cynisme d' »égalité des chances » et le projet de loi Sarkozy sur l’immigration est le mot JETABLE!

Une société de travail JETABLE exige une immigration JETABLE !

Qui sont ces « Clandestins » ?

Voyons maintenant qui sont les acteurs de cette « immigration subie », qui se cachent derrière ces formules et cette politique qui, nous ne pouvons en douter une seconde, n’a pour motivation que la volonté de cacher les échecs et les affaires, et aussi servir des ambitions personnelles, électoralistes en allant « chasser » sur les terres du F. Haine apportant ainsi légitimité à des idéologies menaçantes et inacceptables.

Qui sont donc ces immigrés que nous « subirions » ?

Déjà des êtres humains !… et ce n’est pas inutile de le répéter inlassablement, des êtres humains aux histoires terribles qui n’ont eu que « le choix » de fuir : la misère sans aucun espoir d’avenir, la guerre, les persécutions, les exactions, l’intégrisme, les mariages forcés, et pour les petites et jeunes filles, les mutilations sexuelles …
Souvent des militants qui ont cru que le pays des Droits
de l’Homme serait, dans leur lutte, à leur côté.

Oui, des êtres humains que Mrs Sarkozy et Villepin, dans une compétition indigne, veulent réduire à des chiffres !

Ainsi chaque année, les objectifs chiffrés de reconduite à la frontière augmentent. Alors il faut organiser des traques, des rafles… et ainsi bafouer les droits fondamentaux de la personne humaine !

Ainsi pour être plus « efficace », le Ministère de l’Intérieur a envoyé en date du 21 février 2006 une circulaire à destination des préfets et des procureurs qui est en fait un manuel pratique pour éviter que les expulsions ne soient remises en cause par les tribunaux. Tous les lieux possibles d’interpellation des Sans-papiers sont répertoriés et, pour chacun d’entre eux, la marche à suivre est explicitement détaillée. Pour exemple, dans un foyer, dans un hôpital… il faut éviter les arrestations dans les chambres qui sont considérées par la jurisprudence comme un domicile. Aucune difficulté par contre pour arrêter dans les lieux communs des foyers, les halls, les couloirs et même les blocs opératoires des hôpitaux ! Ce cynisme ne semble pas connaître de limite !

Pourtant qui pourra nous faire croire que ces personnes, ces enfants, menacent notre République ? Ces enfants sont même la jeunesse dont notre société vieillissante va cruellement manquer d’ici peu de temps !

Les élèves sans papiers…

Et puisque nous abordons la question des enfants, rappelons l’histoire formidable de ce mouvement de solidarité né en faveur des élèves Sans-papiers : sous la pression de luttes déterminées qui ont fleuri sur tout le territoire, Nicolas Sarkozy a été contraint de reculer concédant que les enfants scolarisés et leur famille pourraient achever leur année scolaire. Suspension bien fragile et totalement insuffisante. Aussi, pour des milliers d’enfants et de jeunes majeurs, le 1er juillet 2006 n’a pas marqué le début des vacances d’été, mais bien le commencement d’un calvaire.

Une nouvelle circulaire du Ministre de l’Intérieur, contraint à nouveau de reculer par l’ampleur des mobilisations, a été envoyée aux Préfets en date du 13 juin2006. Comme on nous l’a dit en Préfecture de l’Oise : « Ce n’est pas une circulaire de régularisation »… régularisations qui ne devront être qu’exceptionnelles. On ne peut être plus clair et en effet elle demeure insuffisante et injuste, surtout que, dans le même temps, les quotas d’expulsions demeurent. Et surtout, elle laisse les mains totalement libres aux Préfets pour l’interpréter. Des notions comme « le sérieux des études », « l’absence de lien avec le pays d’origine »… laissent la porte ouverte à tous les arbitraires. C’est un peu comme si chaque préfet était maître en son royaume ! Où est le principe d’égalité républicaine ?

Ce ne sont pas davantage les déclarations d’Arno Klarsfeld nommé médiateur national, déclarations aussi ambiguës que le personnage, qui nous rassurent car il n’a de plus et bien évidemment aucun pouvoir sur les préfets.

Et que deviendront les enfants trop jeunes pour être scolarisés, les jeunes arrivés après l’âge de 13 ans, les jeunes majeurs… ? tous non concernés par cette circulaire… Bref, on se situe toujours dans le cadre d’une vague programmée d’expulsions massives.

Il est à craindre que peu d’enfants seront concernés par cette circulaire ! Tous les autres devront préparer leur valise, la peur au ventre. Ils vont vivre dans la hantise de perdre à jamais leur école, leurs enseignants, leurs copains… pour un aller-simple vers un pays qu’ils ne connaissent pas ou plus, dont certains ne parlent pas (ou plus) la langue, papa-maman menottés, entravés comme des bêtes et attachés à leurs sièges.

A l’arrivée, ce sera pour la plupart l’extrême misère : pas de logement ou le bidonville, pas de travail et pas d’espoir d’en trouver. Des persécutions, parfois les plus atroces! Ils paieront à nouveau pour avoir osé fuir et certains pour avoir dénoncé leurs tortionnaires à l’étranger. Pour les enfants, pas d’école, dans des pays où la scolarisation est un luxe. Au bout du compte, ce seront donc des vies sacrifiées !

A la rentrée, c’est devant ces places vides que leurs camarades comprendront le sens que ce gouvernement attribue concrètement aux belles expressions : droits de l’Homme, diversité culturelle, culture humaniste, respect ou solidarité… toutes figurant dans les programmes scolaires.


LE RÉSEAU ÉDUCATION SANS FRONTIÈRE (RESF)

Heureusement, la lutte atteint une incroyable ampleur, tant de citoyens se découvrent, se mobilisent… sous les formes les plus diverses. Par exemple, des parrainages républicains d’enfants par des collectivités territoriales ou de simples citoyens se sont multipliés partout en France. Des citoyens ignorant les risques encourus, puisque depuis Nicolas Sarkozy la solidarité est un délit, se déclarent prêts à cacher des enfants… Avec une volonté commune : empêcher ce gâchis effroyable qui se cache derrière les chiffres et les formules démagogues!

Le Réseau Education Sans Frontière, qui coordonne ces « délinquants solidaires » l’a proclamé haut et fort : il n’acceptera aucun tri parmi nos élèves ! Et pour beaucoup résister devient une obligation, un devoir!

Il s’agit d’apporter assistance à personne en danger mais aussi de défendre les valeurs et les traditions de notre
République bien plus fondamentales que des lois de circonstances !

Et c’est heureusement le cas, « …partout en France, des milliers d’anonymes, enseignants, parents, jeunes, élus, qui n’auraient jamais imaginé devoir le faire se retrouvent faisant signer des pétitions, manifestant devant les préfectures, interpellant des préfets, distribuant des tracts aux passagers dans des halls d’aéroports pour les convaincre de refuser de voyager dans le même avion qu’un malheureux (voire toute sa famille), ligoté à son siège en fond de cabine.

C’est la preuve par les faits que le racisme, la xénophobie, la démagogie chauvine n’ont pas encore tout gangrené dans ce pays et qu’il reste des femmes et des hommes déterminés à défendre, dans l’action et pas seulement par des mots, les idéaux de solidarité et de fraternité, des femmes et des hommes qui se savent comptables de l’avenir prêts à prendre des risques parfois importants pour cela. » (1)

Ce gouvernement avait fait le pari de la peur, de la xénophobie, voire du racisme… et c’est une lame de fond qui se lève pour lui répondre « égalité », « fraternité », « solidarité ».

Preuve aussi que certains politiques voient notre peuple moins « ouvert », moins progressiste qu’il ne l’est en réalité. En tout cas, c’est bien sur cet élan citoyen qu’une autre politique devra s’appuyer.

Ces actes nous rappellent enfin au devoir de désobéissance lorsque certaines lois sont iniques. Le cours de l’histoire a souvent été changé par de telles résistances : en une époque terrible, des femmes et des hommes cachaient déjà des enfants que la police traquait, ils étaient terroristes, l’histoire leur a donné raison, on les nomme désormais « les justes », mais encore, en 1971, le Manifeste des 343 salopes qui a permis, 3 ans plus tard, la légalisation de l’avortement…

Comme le proclame la LDH avec des dizaines de personnalités : « Nous savons que dans toute société démocratique la loi est la règle qui s’impose à tous. Mais nous savons aussi que lorsque la loi viole des principes aussi élémentaires, c’est notre devoir de citoyens, notre devoir de conscience de ne pas s’y plier. »

Ce bel élan citoyen, ces actes courageux faisant le choix de l’humanité contre la barbarie sont porteurs d’espoir.

Quant aux réfugiés, enfants, familles mais aussi célibataires plus isolés encore, ils savent désormais qu’ils ne sont plus seuls.

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(1) Extrait du formidable livre d’Anne Gintzburger : Ecoliers, vos papiers ! (Ed. Flammarion), à lire absolument pour découvrir les horreurs se déroulant sur notre territoire.

Contact RESF : www.educationsansfrontières.org

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QUELQUES PORTRAITS :

Avec RESF, nous avons toujours fait le choix de raconter les histoires de nos Amis, de nos élèves. Il est tellement plus difficile de jouer sur les peurs lorsque l’on montre les visages. Ce choix a largement contribué à l’amplification des solidarités. Voici quelques brefs récits d’enfants réfugiés à Beauvais (60) :

1. Perside et Tany sont arrivées en France en octobre2003 avec leur maman Nelly qui a dû fuir la République Démocratique du Congo (RDC) après avoir été persécutée et incarcérée. Jamais pourtant notre pays ne lui a accordé le statut de réfugiée.

Depuis leur arrivée, elles sont scolarisées et parfaitement intégrées, en 6ème et en 5ème, dans 2 collèges beauvaisiens.

Toutes deux font preuve d’une grande volonté d’étudier et la maman est une mère particulièrement attentive à la scolarité de ses enfants.

Sans-Papiers, toutes trois vivent dans l’angoisse, le dénuement et la promiscuité d’un foyer.

Un renvoi vers la RDC briserait ce remarquable parcours d’intégration et les mettrait en grand danger dans un pays ravagé par la guerre où elles n’ont désormais plus aucun lien.

2. Doudou, 13 ans, est arrivé en France en décembre 2003 avec ses parents et ses 3 frères. Son père, militant, a dû fuir la République Démocratique du Congo(RDC). Doudou est atteint d’une trisomie 21. Depuis l’année 2004, il a été pour la première fois pris en charge à l’IME « Les papillons blancs » de Beauvais (60) où il s’épanouit enfin. Ses progrès sont stupéfiants !

Pendant 6 mois, cette famille a disposé d’une autorisation de séjour eu égard au handicap de Doudou. Le papa a alors immédiatement trouvé du travail. De façon totalement incompréhensible, cette autorisation de séjour n’a pourtant pas été renouvelée.

Cette famille est depuis frappée d’un arrêté de reconduite à la frontière.

Une expulsion de Doudou vers ce pays serait absolument dramatique! Une véritable condamnation !

J. Chirac lui-même a pourtant fait de l’accueil des handicapés l’un de ses « grands chantiers » !

3. Nesrine, née le 24/09/2001, est arrivée en France en juin 2002 avec sa maman. Celle-ci a fui en décembre 2001 un époux militant intégriste qu’elle avait été contrainte d’épouser.

Sa fuite a répondu à l’urgence de protéger sa fille.
En aucun cas, elle ne pouvait accepter qu’elle soit éduquée selon des principes intégristes dont elle a elle-même tant souffert.

Un retour en Algérie les jetterait à nouveau dans les griffes de cet homme.

Un petit frère est né en juin2005 sur le territoire français. Nesrine adore l’école maternelle, elle est scolarisée à l’Ecole Jean Moulin de Beauvais (60).

4. Katia (née en 1994) et Paola (née en 1998) sont arrivées en France le 20 septembre 2003 avec leur maman. Le papa militant du Cabinda (Angola) a disparu après avoir été arrêté et leur maman a elle-même subi de graves exactions.

Elles vivent dans la promiscuité d’un foyer à Montataire (60). Les deux filles ont été profondément traumatisées par ces évènements comme en témoignent les personnels enseignants et les psychologues scolaires qui les suivent.
L’Ecole Jean Jaurès de Montataire est leur havre de paix où elles sont adorées de tous.

5. Jullyand est né le 31 janvier 1994. Il est entré en France, avec son père, en septembre 2002 après avoir connu des événements tragiques au Congo Brazzaville.

Il est scolarisé en 6e au Collège George Sand de Beauvais (60). La directrice de son école élémentaire atteste que Jullyand « est un élève extrêmement sérieux et volontaire. Il est arrivé l’an dernier dans un état de très grande fragilité tant scolaire que psychologique mais n’a cessé, depuis lors, de progresser ».

Le traitement de pédopsychiatrie dont il a besoin est toujours en cours. Son papa avait trouvé en emploi en CDI. Le renouvellement de son titre de séjour lui a pourtant été refusé.

6. Nedjma née le 23/ 05/ 2000 est arrivée en France à l’âge de 18 mois, en 2001, et ne connaît que la France. Cette famille a quitté l’Algérie où elle n’a plus de lien pour rejoindre leurs parents qui ont des cartes de résidence de 10 ans, elle s’est ainsi reconstituée sur notre territoire.

Nedjma est scolarisée à la maternelle Albert Camus de Beauvais (60).

Son petit frère, né sur le sol français en avril 2003, est de santé très fragile. La Préfecture de l’Oise a admis que « … L’état de santé de l’enfant nécessite une prise en charge médicale… dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité. Toutefois, l’intéressé peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine.  » On aimerait le croire.


10 MOIS APRES LA CRISE DES BANLIEUES : QUELLE ANALYSE ? QUELLES PERSPECTIVES ?

Interview de Stéphane Gatignon, Maire de Sevran, Conseiller général.

Il y a des circonstances qui ne tiennent du hasard.
Stéphane Gatignon fils du fondateur d’Aujourd’huil’Afrique, qui fut donc nourri dès son enfance d’anticolonialisme et de solidarité internationale, fut aussi le seul communiste à gagner lors des dernières municipales sur la droite à Sevran, ville importante de Seine-St-Denis, une ville pauvre, multiculturelle.

Aujourd’hui l’Afrique : De la fin octobre à la mi-novembre 2005, la banlieue s’embrase prenant de court le personnel politique. Sevran a été au coeur des évènements. Que s’est-il passé vraiment ici ? Et en tant que maire de la ville, comment as-tu vu le problème, comment as-tu pu réagir ?

Stéphane Gatignon : Tout est né après la mort de deux jeunes à Clichy. Il faut savoir que les familles de Clichy, Sevran et Montfermeil sont souvent issues des mêmes régions de l’Algérie et surtout du Maroc. Les familles sont apparentées. Les entreprises du secteur, en particulier P.S.A., avaient leurs recruteurs dans certaines régions.

Dans les années 60, les entreprises ont fermé. C’est le chômage. Les événements étaient prévisibles, car ici la tension est permanente. La banlieue fait loupe de la crise globale. Crise qui est, bien sûr, économique et sociale mais qui est aussi, institutionnelle et culturelle. Beaucoup de choses ont été dites à l’époque sur l’économie de la drogue. En vérité, nos villes connaissent une économie parallèle : travail au noir, deuxième boulot non déclaré, garages clandestins, commerce souterrain. Comment des familles sans revenus pourraient-elles survivre sans ce système ? Tout le monde s’en accommode : plus d’une fois j’ai dit aux bailleurs lorsqu’ils ont tendance à expulser une femme seule avec enfants, s’ils s’interrogeaient sur l’origine des fonds qui permettent à d’autres de payer leur loyer.

La ville, elle-même, est traitée en marge de la société française. L’interlocuteur normal d’une municipalité est la branche collectivités locales du Ministère de l’Intérieur ou du Ministère des Finances. Nous, on est traité à part, hors du droit commun : notre interlocuteur est le Ministère de la Ville.

Pour la population, mais aussi pour la Ville, la normalité est la démerde. Faut se débrouiller du matin au soir pour joindre les deux bouts.

Quand les évènements ont éclaté, on a réagi. Il fallait épargner les lieux publics. Inutile de dire qu’il n’y avait dès le début aucune forces de police. Il n’y a pas eu de batailles frontales, juste un mouvement de foules sans débordement, un soir. Des petits groupes mobiles incendiaient ici ou là. On a frisé le drame majeur quand un bus a été incendié avec une dame handicapée à l’intérieur. Hors ce drame, rien de très grave, alors qu’à Aulnay, à deux pas d’ici, le paysage était, toutes les nuits, impressionnant, effrayant.

On a formé six ou sept groupes mobiles avec extincteurs, formés d’élus, de gardes urbains, d’employés municipaux volontaires, de deux ou trois personnes des associations. Pour les écoles, un maître chien. On a tourné toutes les nuits. Les gens nous voyaient. On a parfois calmé les petits groupes qui s’organisaient pour l’autodéfense, on leur a dit : « c’est l’affaire de tous, ne sortez pas de la légalité pour protéger vos voitures ». Les nuits suivantes, il y avait des centaines de gens dans la rue, l’esprit avait changé, tout le monde papotait.

Ici le FN est influent. Le discours sécuritaire, l’esprit d’affrontement est fort, mais rappelons-nous ce que l’on a pu entendre, à l’époque, à la télévision, même de la part de gens de gauche !

AA : Dans le débat sur les causes de ces évènements, tu es l’un des seuls à insister sur la dimension culturelle du problème. Qu’entends-tu par cette expression ?

SG : Depuis 30-40 ans se sont constitués d’immenses banlieues à la périphérie des villes-centre. On y a mis des gens issus des quatre coins du monde, et aussi des régions les plus variées de l’hexagone. Après quoi, on a affirmé un principe républicain : l’intégration. »Tout le monde, peut devenir français, non au communautarisme. »

Cela devait être d’autant plus aisé que la culture française s’affirme universaliste. Cette culture, elle se présentait achevée, il fallait la prendre telle quelle, intemporelle.

Il n’y avait donc rien à réaliser avec les gens. On n’a donc pas cherché à créer un en-commun. En combattant le communautarisme, on a fait du communautarisme. En ne créant aucun langage commun, aucun projet commun, on a contraint les gens à rester dans leur culture d’origine. Il y a des gens qui vivent ici depuis trente ans et qui sont toujours dans leur culture d’origine, saupoudrée d’un peu de culture américaine (Mac Do, les films américains, les fringues…). On a rien construit en commun, même le hip hop est au départ un ersatz de culture américaine.

Il y a quelques petits indices d’un changement d’esprit, d’une volonté de faire du en-commun. Je pense à la cuisine, au mobilier d’intérieur…

Même la politique culturelle des villes passe à coté du sujet : on fait de la « programmation ». Pas de la création en commun. Si tu as dans ta ville, une communauté d’originaires de Pondichéry, tu fais venir une troupe d’Inde. Le spectacle est parfait, mais rien n’a été fait pour créer des synergies.

A l’époque du plein emploi, on pouvait penser que la télé créerait une apparence de partage, mais dans la crise économique et sociale on voit partout que le fossé est partout béant. Ici, le communautarisme règne, y compris le provincialisme renaît chez les Français dits de « souche ». Quand il n’y a plus de projet individuel possible (travail, logement), quand il n’y a pas non plus de projet collectif, quand tu n’as plus aucun de ces repères il faut bien que tu te construises une identité, tu recherches alors tes racines. La question qui se pose à chacun d’entre nous est la suivante : Comment te situes-tu ? Dans quel espace vis-tu ? La ville ? La banlieue ? La France ? Si tu ne te sens pas appartenir à ces espaces, il te reste la communauté.

Entre un habitant du centre ville et un habitant du quartier des Beaudottes qui est situé à 500m, il y a autant de rapport entre eux que s’ils vivaient à 10 000 Km l’un de l’autre.

Tout cela est le résultat des politiques suivies depuis trente ans ; partout règne la ségrégation à tous les niveaux.

AA : L’analyse des erreurs politiques faites dans le passé est à tes yeux la condition première pour esquisser aujourd’hui des propositions qui redonnent espoir ?

SG : En 1982 quand il y a eu la marche des beurs, leur slogan a été « La France ça marche. C’est comme la mobylette ça marche au mélange »

Deux ans après, la réponse de la Gauche a été : »Touche pas à mon pote » L’autre était extériorisé. Pour moi c’est là, la rupture idéologique. C’est le début de l’installation d’une vision communautariste dans la Gauche. « Le droit à la différence » du MRAP, c’est pareil.

Quand tu insistes sur la différence, tu dis clairement qu’il n’y a pas de choses à construire ensemble.

Au même moment on créait la « politique de la Ville ». Nous la banlieue pauvre, on est à part. Fini le droit commun.

La banlieue ? Elle est là-bas, on est gentil avec elle, on l’aide, mais on ne la touche pas. C’est là que l’on a abandonné l’idée de faire des choses en commun.

Le PCF a été aussi touché par ce tournant.

Mine de rien, sans débat, un choix de société a alors été fait. Et depuis, à tous les niveaux, on est traité hors du droit commun.

Ici, à Sevran, les entreprises ont fermées les unes après les autres. La taxe professionnelle a chuté, les impôts sur la population sont donc élevés. Les classes moyennes quittent la ville. Les inégalités entre villes s’accroissent, les écarts sont devenus énormes. Avec les gens, le message passe, nous sommes allés à l’Elysée porter une pétition signée par 5000 d’entre nous, Rien n’est facile. Mais nous avançons et les gens comprennent mieux la signification de notre démarche et commencent à voir quelques résultats, à sentir quelques changements.

Sevran, depuis la guerre a toujours été une ville 50% pour la droite, 50% pour la gauche. Aux cantonales, je suis passé avec 65%, avec une bonne participation, et10% de l’électorat de droite ont soutenu notre démarche !

Notre travail est donc, peu à peu, compris, mais les problèmes de fond restent entiers.

AA : Les évènements passés, après l’affolement du moment, on a l’impression que les partis politiques regardent ailleurs. Les choses sont elles vouées à ne pas changer ?

SG : Après les évènements, on nous a interrogé, nous les maires du secteur : quelles étaient nos propositions pour sortir de la crise ? Un de mes collègues a présenté comme essentielle pour lui, la création sur le champ de 40 emplois dans sa ville. Moi, j’ai répondu que je n’avais pas de propositions à faire; mais que j’attendais, du personnel politique de gauche comme de droite, un bilan précis, une analyse de la situation et qu’ils nous disent comment ils voyaient la société de demain. De ce travail nécessaire résultera le programme politique.

A la base, on peut résoudre des bouts de problème : la Municipalité a son action, des associations travaillent, mais tant qu’on n’analysera pas la situation et tant qu’on ne se décidera pas, nationalement à créer une communauté pour tous, le problème restera entier.

A part Sarkozy qui travaille là-dessus, je ne vois hélas nulle part un effort de réflexion sur les sujets qui nous préoccupent. Sarkozy esquisse des propositions pour une nouvelle société. Son discours de lancement de
campagne est intéressant de ce point vue. Par exemple, il dit : chacun doit pouvoir choisir son école ; en supprimant ce qui reste de la sectorisation, on imagine les conséquences que cela aura !

Dans la population, il y a une attente immense et un espoir formidable. On cherche un candidat qui dise quelque chose sur une nouvelle société. Les gens veulent vivre et vivre normalement. Dans les fêtes d’école ou celles de quartier, il n’y a jamais eu autant de monde,avec un brassage énorme. On a besoin de se retrouver, de partager des choses avec les autres.

Les gens attendent des réponses, avec cependant le sentiment que les politiques ne voient et n’entendent rien. On est dans une nouvelle rupture historique. C’est la fin d’une certaine vision de l’action politique. Tout le monde constate l’incapacité du politique.

La première manifestation de cette impuissance est le refus de parler de ces problèmes alors que l’échec des politiques mises en oeuvre est patent. Il y a un véritable blocage pour parler de ces questions et pourtant il faudra bien en passer par là.


Ephéméride

FLASHES D’ACTUALITÉS AFRICAINES

par Robert Lavaud

ALGÉRIE

Les critiques du Président Algérien à l’encontre du colonialisme français.

A la veille du 44e anniversaire de l’indépendance, le 4 juillet 2006, le Président Bouteflika a renouvelé ses violentes critiques contre l’action coloniale de la France en Algérie et demandé des excuses publiques de la part d’un pays qui se proclame « pays des droits de l’Homme » et a pour devise « Liberté, Egalité, Fraternité ». Certains ont encore déclaré qu’ils s’étonnaient de l’agressivité verbale contre notre pays d’un homme qui choisit de venir s’y faire soigner, les mêmes sans doute qui avaient soutenu l’article 4 de la loi du 23 février 2005 saluant les aspects positifs de la colonisation française, notamment en Afrique du Nord. Ne confondons pas la personne publique et la personne privée du Président algérien et reconnaissons les faits.

Depuis la conquête lancée en 1830 sous la Restauration et soit disant achevée par la prise de la smalah d’Abd El-Kader par le Duc d’Aumale en 1843 jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance en 1962, l’Algérie a bien vécu sous domination française. La France eut à plusieurs reprises la volonté de faire de l’Algérie une colonie de peuplement, facilitant l’installation de colons français mais aussi espagnols, italiens, au détriment des « indigènes » qui furent spoliés des meilleures terres. On y développa les cultures d’exportation à commencer par la vigne, peu conforme aux traditions de ce pays musulman. La volonté d’imposer la culture française est également avérée. On soutint l’idée que ce pays était partie intégrante de la France, refusant jusqu’à la fin de faire des « indigènes » des citoyens français à part entière.

Jamais peut-être, sous le couvert de la mission civilisatrice de la France, chère aux Républicains de la Troisième République, l’alliance du sabre et du goupillon ne fut plus avérée que dans ce pays. N’oublions pas non plus l’enrôlement de jeunes algériens dans l’armée française pour en faire ces « tirailleurs » qui furent tant appréciés au cours des deux guerres mondiales, le recrutement de supplétifs, les harkis pour lutter contre les combattants de l’Indépendance algérienne. Au travers de tous les régimes et de tous les gouvernements qui se sont succédé en 132 ans, notre pays n’a jamais manqué de réprimer durement toutes les actions de rébellion et de résistance des Algériens. Certains actes de la France d’Hier mériteraient sans aucun doute des paroles bienvenues de la part des représentants de la France d’Aujourd’hui.

ANGOLA

Les élections générales promises pour 2006 par le Président Dos Santos auront-elles lieu ?

Au pouvoir depuis 1979, José Eduardo Dos Santos avait promis en 2004 que des élections générales se tiendraient en 2006. Il a récemment reçu les représentants des partis d’opposition dont Isaias Samakara, président de l’UNITA qu’avait créée Jonas Savimbi mort au combat en 2002. Des doutes se font jour sur la validité des listes électorales, malgré les paroles apaisantes prodiguées par le Président en place qui pense bien fêter
en 2009 ses trente ans à la tête du pays. Il ne reste que quelques mois pour que la promesse d’élections générales en 2006 soit tenue.

La bonne tenue des cours du pétrole permet au pays d’avancer dans la voie du progrès économique bien qu’il demeure encore très pauvre (166e sur 175 au classement de l’indice du développement humain). De nouveaux accords de coopération ont été récemment signés avec la Chine qui continue à marquer des points en Afrique.

BÉNIN

Les projets du Président Yayi Boni

En quelques semaines, le nouveau gouvernement béninois a annoncé vouloir atteindre des objectifs ambitieux en matière économique et d’éducation. Ainsi, a été lancée une politique de grands travaux qui devrait se traduire, entre autres, par la construction d’une autoroute entre Cotonou et Bohicon au nord du pays et celle d’un nouvel aéroport. Sur le plan agricole, un effort sera entrepris sur la production de coton qui devrait passer en cinq ans de 200 000 à 500 000 tonnes par an.

D’autre part, Madame Colette Houéto, ministre des enseignements primaire et secondaire a lancé une campagne de scolarisation des filles avec pour slogan « Toutes les Filles à l’Ecole ».

Les projets sont ambitieux mais les bailleurs de fonds seront-ils présents aux rendez-vous ? Cela reste à démontrer.

CÔTE D’IVOIRE

Vers une nouvelle prorogation du mandat présidentiel de Laurent Gbagbo

L’ONU envisage de prolonger de plusieurs mois encore, le mandat de Laurent Gbagbo devant l’impossibilité d’organiser, comme prévu, une élection présidentielle le 30 octobre 2006 au plus tard. Il faut dire que l’actuel président ne met pas beaucoup d’empressement pour faciliter la solution de la crise ivoirienne qu’il a contribué à amplifier.

Mesure d’apaisement, la dépouille du général Robert Gueye, prédécesseur de l’actuel président, tué dans des circonstances qui n’ont pas encore été vraiment élucidées, mais dans lesquelles la responsabilité des partisans de Laurent Gbagbo parait avoir été engagée, vient d’être restituée à sa famille pour qu’il soit enterré dans son village natal.

GUINEE (Conakry)

La presse occidentale reste bien silencieuse sur la répression sanglante des manifestations.

Le mois de juin 2006 a été marqué dans le pays par des manifestations imposantes de la population contre l’augmentation des prix de l’essence et du riz, à Conakry comme en province. La répression a été très sévère. Les forces de l’ordre auraient, à l’occasion de ces manifestations entre le 8 et le 16 juin, commis des meurtres et des viols au point que l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch qui aurait dénombré 18 morts et quatre-vingt-trois blessés, s’en est émue et est intervenue auprès des autorités pour les dénoncer et demander des sanctions contre les responsables.

Le 12 juin, une manifestation d’étudiants et de lycéens aurait également fait l’objet d’une répression policière qui aurait fait une vingtaine de victimes, aux dires d’une organisation d’étudiants guinéens à Dakar.

Curieusement, la presse occidentale ne dit rien de ces exactions. Les gouvernements et notamment le gouvernement français sont plongés dans un profond mutisme.
La Guinée s’enfonce dans une crise dont les « bons médecins » se préoccuperont quand il sera trop tard.

MALI

Le Président Amadou Toumani Touré face aux difficultés

Déjà, le 23 mai 2006, des attaques par des Touaregs de deux casernes à Kidal et d’une autre à Menaka, dans le nord du pays avaient fait craindre un redémarrage des troubles dus à ce qu’il est convenu d’appeler l’irrédentisme touareg. Apparemment, le calme était revenu grâce à la pondération du Président Amadou Toumani Touré.

Le 30 juin, c’est à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso que des affrontements ont éclaté, pour l’exploitation de certaines terres, entre les habitants du village malien de Wanian et ceux du village burkinabé de Oronhug, faisant neuf morts côté burkinabé et plusieurs blessés de part et d’autre. Les Présidents Touré et Campaoré sont parvenus à éviter l’embrasement de cette
zone frontière.

Le 5 juillet, la police devait intervenir à Bamako pour stopper net une marche d’étudiants sur le palais présidentiel, qui exigeaient le paiement de leurs bourses. Des arrestations ont été opérées.

SOMALIE

Les tenants de l’Islam intégriste prennent le pouvoir

En juin 2006, les « Tribunaux Islamiques » ont réussi à chasser de Mogadiscio les « seigneurs de la guerre » qui avaient le soutien des Etats-Unis et plus généralement des Occidentaux. Le Cheikh Hassan Dahir Aweys, le nouvel homme fort de la Somalie qui doit encore terminer la conquête de toutes les provinces du pays et dont l’entrée à Mogadiscio a été saluée par Oussama Ben Laden dans un message vidéo diffusé le 30 juin, ne cache pas son intention d’appliquer la charia, dans toute sa rigueur. Les voisins de la Somalie sont divisés sur la conduite à tenir vis-à-vis du nouveau pouvoir qui se met en place, avec, semble-t-il, le soutien de la population. L’Erythrée parait bien disposée à son égard alors que l’Ethiopie semble beaucoup plus réservée.

Une fois de plus, la politique occidentale, en apportant un soutien sans réserve à des régimes dictatoriaux corrompus, subit un sérieux revers, préparant ainsi l’arrivée au pouvoir de ceux qu’elle prétend combattre.

TCHAD

L’ex-président Hissène Habré devrait être jugé au Sénégal

Lors d’un sommet tenu à Banjul en Gambie, au début du mois de juillet 2006, l’Union Africaine a obtenu du Président Sénégalais Abdoulaye Wade qu’il accepte que l’ex-président tchadien Hissène Habré soit jugé à Dakar pour des crimes commis dans son pays lorsqu’il était au pouvoir entre 1982 et 1990. Inculpé en Belgique pour crimes contre l’Humanité, son extradition avait été demandée par le gouvernement belge au Sénégal qui l’avait refusée. Le procès n’est cependant pas pour demain car la Cour de Cassation du Sénégal a, dans un arrêt déjà ancien, décidé qu’Hissène Habré ne pourrait être jugé à Dakar qu’après transcription en droit sénégalais de la Convention des Nations Unies contre la Torture, pourtant déjà ratifiée par le Sénégal.

Reçu à plusieurs reprises en France quand il était au pouvoir, Hissène Habré fut soutenu comme tous les dirigeants tchadiens par les gouvernements français successifs. La priorité donnée aux gouvernements en place, quelle que soit leur manière de gouverner, parait être la ligne directrice de la politique française en Afrique.

Le coup d’arrêt porté récemment par l’intervention de l’armée française aux opposants tchadiens au Président Idriss Deby (au pouvoir depuis 1990) dont les troupes purent ainsi triompher des « rebelles » qui marchaient sur N’Djamena, permettant ainsi sa réélection dans des conditions contestées, avec un taux de participation très faible, en est un témoignage récent.

TOGO

Négociations difficiles entre Togolais après l’élection de Faure Gnassingbe à la Présidence

Après l’élection contestée du fils du Président Eyadéma à la Présidence du pays, un processus de réconciliation a été entrepris au travers de ce que l’on appelle le « Dialogue National Intertogolais ».

Au début du mois de juillet 2006, 7 formations sur les 9 qui participent à ce « dialogue » sont parvenues à un accord intérimaire aux termes duquel la Commission Electorale Nationale Indépendante serait rétablie pour organiser les futures élections et établir préalablement un nouveau fichier électoral. Les partis politiques seraient associés à ce processus. D’autre part, une commission serait créée pour enquêter sur les violences qui se sont produites dans le pays au cours de la dernière campagne électorale présidentielle.

On peut douter des chances d’aboutir à un accord définitif dans la mesure où l’Union des Forces du Changement (UFC) principal parti d’opposition et la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) ont refusé de signer cet accord.

ZIMBABWE

La Chine fait sa cour à Mugabe

Bien qu’il ait décidé d’indemniser partiellement (pour les seuls bâtiments et non pour les terres qu’ils possédaient), les gros fermiers (blancs pour la plupart) qu’il avait expropriés de leurs exploitations agricoles, (4 millions de dollars américains ont été débloqués par le gouvernement zimbabwéen à cet effet), la politique menée par le Président Mugabe a conduit à l’isolement de son pays par les puissances occidentales.

Celui-ci vient de refuser que son pays soit le 44e pays africain à figurer parmi la cinquantaine de pays les moins avancés (PMA). Cette proposition avait été faite par l’ONU qui avait constaté que le revenu par tête du pays était passé à moins de 500 dollars américains par an. Robert Mugabe a considéré cette proposition comme une insulte faite à son pays.

Depuis plusieurs mois, en revanche, plusieurs contrats d’équipement importants ont été signés entre Pékin et Harare. La politique chinoise, elle aussi, se moque de la nature des gouvernements en place. Les affaires sont les affaires…